ROME, Vendredi 21 septembre 2001 (ZENIT.org) – « Ce qui est arrivé est un désastre: nous avons perdu le sentiment de sécurité et de confiance envers les autres, une attitude typiquement américaine. Et croyez-moi, c´est une perte énorme ». L´évêque américain, John Patrick Foley, président du Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, a confié au quotidien italien « Avvenire » quelques réflexions personnelles concernant les attentats du 11 septembre dernier dans son pays.
A: Cet élan de patriotisme dans un pays qui arbore tant de drapeaux différents est touchant. Qu´en pensez-vous?
Mgr Foley: Ce n´est pas une surprise pour moi. C´est un sentiment d´unité tournant autour des idéaux de liberté et de respect des droits, que les Etats-Unis incarnent pour qui a choisi d´y vivre. J´espère seulement que ce sentiment d´unité ne cache pas une soif de revanche. C´est bon signe en attendant, que le gouvernement de G. Bush avance avec prudence, sans précipitation.
A: Le naturel avec lequel les américains se mettent à prier est également touchant…
Mgr Foley: C´est quelque chose d´habituel chez nous. C´est une valeur que les enfants apprennent à l´école: nous avons le sentiment d´être un pays indivisible, qui assure la liberté et la justice à tous, un pays habité par un peuple qui a le sentiment d´être soumis à Dieu. L´Amérique n´hésite pas, comme l´Europe, à proclamer publiquement le nom de Dieu comme Père de tous. George Washington disait que nous sommes un peuple religieux. Et on constate que cela est encore vrai.
A: Mais quel type de religiosité est ce « God bless America » (Que Dieu bénisse l´Amérique), chanté par tous?
Mgr Foley: C´est une expression sincère du sentiment de dépendance d´un Dieu qui a comblé l´Amérique de bénédictions, spirituelles et civiles, et c´est aussi la reconnaissance pour tout cela. Ce n´est pas nous qui avons construit cela, répètent aujourd´hui les Américains: c´est un don. C´est très important de le reconnaître maintenant.
A: Quelque chose a déjà changé dans votre pays?
Mgr Foley: Le terrorisme est un ennemi sans visage, un cancer qui ronge la société de l´intérieur. Nous avons vu combien l´Amérique est fragile.
A: L´une des caractéristiques de l´esprit américain, c´est le sens aigu de la justice. Mais quelle justice maintenant?
Mgr Foley: J´ai appris que des manifestations d´intolérance vis à vis des arabes des Etats-Unis ont eu lieu. Cela est bien triste. Les arabes sont venus aux Etats-Unis justement parce qu´ils y voyaient une patrie de liberté et de tolérance. Il est inconcevable qu´ils deviennent un adversaire. Mais j´ai confiance: la société américaine est forte.
A: Les armes peuvent-elles résoudre quelque chose?
Mgr Foley: La violence contre les sociétés toute entières n´est pas une réponse. Je suis heureux que les Etats-Unis aient obtenu la solidarité de tous. Cela montre qu´ils peuvent se consacrer à trouver les responsables pour qu´ils soient jugés. Il faut donner un exemple, en faisant aussi comprendre que la violence ne sert à rien.
A: Les Américains se sentiraient mieux après un bombardement de l´Afghanistan?
Mgr Foley: Ils veulent voir une réaction mais pas une autre guerre et pas la punition d´un pays tout entier à cause de la culpabilité de quelques uns.
A: Et alors pourquoi parler de guerre?
Mgr Foley: Bush a déclaré la guerre au terrorisme. Mais il est vrai que je n´aime pas que l´on utilise ce mot. Je ne suis pas non plus d´accord avec le président lorsqu´il appelle les terroristes des « lâches ». Comment pourra-t-on jamais être sûr d´avoir éradiqué le mal et atteint la paix? A quelle paix peut-on arriver avec des fanatiques? J´ai très peur pour les catholiques dans les pays à majorité musulmane. C´est un moment difficile pas seulement pour les Etats-Unis et l´humanité mais aussi pour l´Eglise.
A: Les Etats-Unis peuvent-ils faire quelque chose pour faire cesser la haine contre eux?
Mgr Foley: La haine naît de l´envie de la richesse, et de la rancune arabe au Moyen Orient. Le Saint-Siège a toujours indiqué des solutions justes aussi bien pour le développement équilibré que pour la crise au Moyen Orient. On va peut-être maintenant faire plus attention à ses propositions, et cette tragédie donnera aux USA la force de réfléchir à la manière de travailler pour la justice dans le monde, y compris la justice économique.
A: Comme président de l´organisme du Vatican chargé des mass media, quelle responsabilité leur donnez-vous dans cette phase?
Mgr Foley: Grâce aux media nous avons « vu »: nous n´avons pas seulement vu les faits mais nous avons également vu la souffrance et la générosité, une société blessée qui a su réagir avec générosité. Maintenant il faut veiller à empêcher la diffusion de propagande.
A: Quelle prière faites-vous pour les Etats-Unis?
Mgr Foley: J´aime mon pays, je prie afin que nous puissions agir avec prudence et fermeté contre les personnes qui cherchent à créer de nouvelles injustices. Je prie aussi pour que l´Amérique fasse justice à tous, les coupables et les victimes. Une justice vraie, pratiquée avec amour.