Le pape dialogue avec des supérieurs généraux © Il Sismografo

Le pape dialogue avec des supérieurs généraux © Il Sismografo

Vie consacrée: le pape recommande de vivre l'Evangile "sans calmants"

L’exemple des religieux pour le renouveau de l’Eglise

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« L’Evangile doit être pris sans calmants ! », a lancé le pape François devant des supérieurs généraux, appelant à vivre la consécration religieuse dans toute sa radicalité, le 25 novembre 2016 au Vatican. Ses propos, qui étaient restés privés, ont été publiés dans l’édition italienne de L’Osservatore Romano du 10 février 2017. Le pape a parlé aussi du rôle des religieux dans le renouveau de l’Eglise et de la nécessité de discerner la maturité affective des postulants.

Au fil d’un échange de trois heures avec 140 supérieurs généraux de congrégations religieuses masculines, le pape a encouragé les personnes consacrées à être « radicaux dans la prophétie ». C’est « le fameux sine glossa [littéralement sans glose], la règle sine glossa, l’Evangile sine glossa, a-t-il expliqué. C’est-à-dire : sans calmants ! L’Evangile doit être pris sans calmants. C’est ce qu’ont fait nos fondateurs ».

En d’autres termes, a-t-il poursuivi, « nous sommes appelés à sortir de nos zones de confort et de sécurité, de tout ce qui est mondanité : dans la façon de vivre, mais aussi en pensant à de nouvelles voies pour nos Instituts (…). Nous devons reconnaître personnellement et communautairement quelle est notre mondanité ».

Même l’ascèse peut être mondaine, a avertit le pape François : le cilice – tenue de mortification – « ne doit pas m’aider à montrer combien je suis courageux et fort. La véritable ascèse doit me rendre plus libre ». C’est le critère : « Si quelque chose t’aide, fais-la, même le cilice ! Mais seulement si cela t’aide à être plus libre ».

Devant les supérieurs présents au Vatican dans le cadre de la 88e Assemblée générale de l’Union des supérieurs généraux (USG), le pape jésuite a évoqué aussi la vie en communauté : sans miséricorde, « cela ne va pas », a-t-il lancé en plaidant pour le « pardon » et « l’écoute ».

Un antidote au climat « princier »

Les religieux, a-t-il assuré, peuvent contribuer « au renouveau des structures et de la mentalité de l’Eglise ». Leur exemple peut en effet « détruire (le) climat néfaste », « mondain et princier » qui se glisse dans les structures ecclésiales.

Mais pour cela les religieux doivent être « pleinement » insérés dans les Eglises diocésaines. Leur « style de vie » est source d’inspiration, a constaté le pape en citant par exemple la vie communautaire de prêtres diocésains, pour éviter la solitude.

« On peut étudier et repenser tant de choses », a-t-il estimé en mentionnant notamment « la durée du service comme curé de paroisse, qui me semble brève : les curés sont changés trop facilement ».

Les personnes consacrées doivent également donner un exemple de pauvreté : « Le Seigneur souhaite tant que les religieux soient pauvres », a lancé le pape avant de plaisanter : « Quand ils ne le sont pas, le Seigneur envoie un économe qui conduit l’Institut à la faillite ! ».

En ce sens, le « critère fondamental pour un économe est celui de ne pas être personnellement attaché à l’argent ». Il faut aussi, a ajouté le pape, « vérifier comment les banques investissent l’argent. Il ne doit jamais y avoir d’investissements dans les armes, par exemple. Jamais ».

Discernement sur la maturité affective

Durant la discussion, le pape a aussi abordé la question des abus sexuels commis au sein de structures ecclésiales : « Si des prêtres ou des religieux sont impliqués, il est clair que la présence du diable, qui ruine l’œuvre de Jésus par l’intermédiaire de celui qui devait annoncer Jésus, est à l’action ».

« C’est une maladie. Si nous ne sommes pas convaincus que c’est une maladie, on ne pourra pas bien résoudre le problème », a insisté le pape. Il faut donc être attentif à ne pas recevoir « en formation des candidats à la vie religieuse sans bien s’assurer de leur maturité affective adéquate ». Et de « ne jamais recevoir dans la vie religieuse ou dans un diocèse des candidats qui ont été renvoyés d’un autre séminaire ou d’un autre Institut sans demander des informations très claires et détaillées sur les motivations du renvoi ».

L’Eglise est née « en sortie »

« L’Eglise est née en sortie, a rappelé le pape François aux supérieurs généraux. Elle était enfermée dans le Cénacle et puis elle est sortie. Et elle doit rester en sortie. Elle ne doit pas retourner s’enfermer dans le Cénacle ».

Il a encourage à agir en faveur des pauvres des « périphéries existentielles et sociales » : entre autres, l’accueil des migrants et des réfugiés. Dans ce service, a-t-il noté, « il est possible de trouver un excellent terrain pour le dialogue œcuménique : ce sont les pauvres qui unissent les chrétiens divisés ! ».

« La miséricorde c’est Dieu en sortie », a ajouté le pape : « Vous aussi, sortez! ».

C’est la revue jésuite La Civiltà cattolica, à l’occasion de son 4000e numéro, qui a fait la transcription de ce long dialogue resté jusqu’à présent privé.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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