Messe à Sainte-Marthe, 17 avril 2020 © Vatican Media

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Sainte-Marthe : attention à une foi « virtuelle » (Traduction complète)

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La familiarité avec le Seigneur se vit en communauté et avec les sacrements

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En ce temps de pandémie et de confinement, le pape François a mis en garde contre le danger d’une foi « virtualisée », sans la pratique des sacrements et sans la communauté, en célébrant la messe matinale, ce 17 avril 2020.

En directe streaming depuis la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, le pape a médité dans son homélie sur « la familiarité » du chrétien avec le Seigneur : mais il s’agit d’une familiarité « toujours communautaire », a-t-il ajouté. « Oui, elle est intime, elle est personnelle mais en communauté. Une familiarité sans communauté, une familiarité sans le Pain, une familiarité sans l’Eglise, sans le peuple, sans les sacrements, est dangereuse. Elle peut devenir une familiarité – disons-le – gnostique, une familiarité seulement pour moi, détachée du peuple de Dieu. »

Le confinement oblige à des aménagements, mais il faudra « sortir du tunnel », pas « y rester », a-t-il prévenu.

Voici notre traduction de l’homélie du pape.

Homélie du pape François

Les disciples étaient des pêcheurs : Jésus les avait appelés pendant leur travail. André et Pierre travaillaient avec leurs filets. Ils laissèrent leurs filets et suivirent Jésus (cf. Mt 4,18-20). Jean et Jacques, pareil : ils laissèrent leur père et les jeunes qui travaillaient avec eux et ils suivirent Jésus (cf. Mt 4,21-22). L’appel s’est fait dans leur métier de pêcheurs. Et ce passage de l’Évangile d’aujourd’hui, ce miracle de la pêche miraculeuse nous fait penser à une autre pêche miraculeuse, celle que raconte Luc (cf. Lc 5,1-11) où il est arrivé la même chose. Ils ont pris du poisson, alors qu’ils pensaient ne rien avoir. Après sa prédication, Jésus a dit : “Avance au large” – “Mais nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre !” – “Allez”. “Sur ta parole – dit Pierre – je vais jeter les filets.” Il pêchèrent une telle quantité – dit l’Évangile – qu’il furent saisis d’“un grand effroi” (cf. Lc 5,9), par ce miracle. Aujourd’hui, dans cette autre pêche, on ne parle pas d’effroi. On voit un certain naturel, on voit qu’il y a eu du progrès, un cheminement dans la connaissance du Seigneur, dans l’intimité avec le Seigneur ; je dirais que c’est le mot juste : dans la familiarité avec le Seigneur. Quand Jean vit cela, il dit à Pierre : “C’est le Seigneur !”, et Pierre s’habilla et se jeta à l’eau pour aller vers le Seigneur (cf. Jn 21,7). La première fois, il s’était agenouillé devant Lui : “Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur.” (cf. Lc 5,8). Cette fois-ci il ne dit rien, c’est plus naturel. Personne ne demandait : “Qui es-tu ?”. Ils savaient que c’était le Seigneur, la rencontre avec le Seigneur était naturelle. La familiarité des apôtres avec le Seigneur avait grandi.

Nous aussi chrétiens, dans notre chemin de vie, nous sommes en marche, nous progressons dans la familiarité avec le Seigneur. Le Seigneur, pourrais-je dire, est un peu “sans façons”, mais “sans façons” parce qu’il marche avec nous, nous savons que c’est Lui. Ici personne ne lui a demandé “qui es-tu ?”: ils savaient que c’était le Seigneur. Le chrétien a une familiarité quotidienne avec le Seigneur. Ils ont sûrement pris leur petit-déjeuner ensemble, avec du poisson et du pain, ils ont certainement parlé de beaucoup de choses avec naturel.

Cette familiarité  des chrétiens avec le Seigneur est toujours communautaire. Oui, elle est intime, elle est personnelle mais en communauté. Une familiarité sans communauté, une familiarité sans le Pain, une familiarité sans l’Eglise, sans le peuple, sans les sacrements, est dangereuse. Elle peut devenir une familiarité – disons-le – gnostique, une familiarité seulement pour moi, détachée du peuple de Dieu. La familiarité des apôtres avec le Seigneur était toujours communautaire, signe de la communauté. Elle allait toujours avec le sacrement, avec le Pain.

Je dis cela parce que quelqu’un m’a fait réfléchir sur le danger de ce que nous sommes en train de vivre en ce moment, de cette pandémie qui nous a conduits à tous communiquer même religieusement à travers les médias, à travers les moyens de communication ;même cette Messe, nous sommes tous en communication, mais pas ensemble, spirituellement ensemble… Il y a un grand peuple : nous sommes ensemble, mais pas ensemble. Le sacrement aussi : aujourd’hui vous avez l’Eucharistie, mais les personnes qui sont connectées avec nous n’ont que la communion spirituelle. Et ce n’est pas l’Eglise : c’est l’Eglise d’une situation difficile, que le Seigneur permet, mais l’idéal de l’Eglise est toujours avec le peuple et avec les sacrements. Toujours.

Avant Pâques, quand est sortie la nouvelle que j’allais célébrer Pâques dans la basilique Saint-Pierre vide, un évêque m’a écrit – un bon évêque : bon – et il m’a réprimandé. “Mais comment cela, Saint-Pierre est si grande, pourquoi ne pas mettre au moins 30 personnes, pour que l’on voie du monde ? Il n’y aura pas de danger …”. Je pensai : “Mais qu’a-t-il en tête pour me dire ça ?”. A ce moment-là je n’ai pas compris. Mais comme c’est un bon évêque, très proche du peuple, il voulait me dire quelque chose. Quand je le verrai, je lui demanderai. Puis j’ai compris. Il me disait : “Attention à ne pas virtualiser l’Eglise, à ne pas virtualiser les sacrements, à ne pas virtualiser le peuple de Dieu. L’Eglise, les sacrements, le peuple de Dieu sont concrets. C’est vrai qu’en ce moment nous devons faire cette familiarité avec le Seigneur de cette façon, mais pour sortir du tunnel, pas pour y rester. Et c’est la familiarité des apôtres : pas gnostique, pas viralisée, pas égoïste pour chacun d’eux, mais une familiarité concrète, dans le peuple. La familiarité avec le Seigneur dans la vie quotidienne, la familiarité avec le Seigneur dans les sacrements, au milieu du peuple de Dieu. Ils ont fait un chemin de maturité dans la familiarité avec le Seigneur  apprenons à le faire nous aussi. Dès le premier moment, ils ont compris que cette familiarité était différente de celle qu’ils imaginaient, et ils sont arrivés à cela. Ils savaient que c’était le Seigneur, ils partageaient tout : la communauté, les sacrements, le Seigneur, la paix, la fête.

Que le Seigneur nous enseigne cette intimité avec Lui, cette familiarité avec Lui mais dans l’Eglise, avec le sacrements, avec le saint peuple fidèle de Dieu.

Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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