Publication: "Pie XII, diplomate et pasteur"

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CITE DU VATICAN, Jeudi 6 novembre 2003 (ZENIT.org) – « Pie XII, diplomate et pasteur », c’est le titre d’une enquête biographique sur base des archives du Vatican récemment ouvertes aux chercheurs, indique l’agence catholique belge « CathoBel » (www.cathobel.be).

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Une nouvelle biographie consacrée au pape Pie XII, écrite par l’historien Philippe Chenaux vient de paraître aux éditions du Cerf, indique Cathobel. Publié quatre ans après le livre de John Cornwell, « Le Pape et Hitler », et deux ans après la sortie du film « Amen » de Costa-Gavras, ce livre refuse la polémique qui réduirait Pie XII à être «celui qui savait et qui s’est tu», à propos de l’holocauste. Privilégiant la démarche de l’historien, cette biographie resitue l’attitude de Pie XII face à la Shoah dans le contexte global de la politique vaticane du début du XXe siècle.

Selon Philippe Chenaux, la question des silences du pape Pie XII (1876-1958) face à la mise en œuvre de la Shoah de la part des nazis à partir de 1942 ne peut être isolée du contexte particulier dans lequel l’Eglise s’est trouvée, sous le pontificat de Pie XII. Un double défi se présentait en effet à l’Eglise catholique: celui de la guerre et celui des totalitarismes.

Les «silences» de Pie XII ont inspiré plusieurs ˛uvres parmi lesquelles deux en particulier ont fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit, d’une part du livre de John Cornwell, « Le Pape et Hitler », publié il y a quatre ans, et du film « Amen » de Costa-Gavras, sorti il y a deux ans.

Ni légende rose ni légende noire

La nouvelle biographie intitulée « Pie XII, diplomate et pasteur » veut se démarquer des « études » existant sur le sujet et qui pèchent soit par leur ton nettement sensationnaliste, (« la légende noire »), soit par leur côté « encenseur », (« la légende rose »). La démarche de Philippe Chenaux s’est voulue au contraire celle de l’historien, attentif à situer les faits et les personnes dans un contexte historique particulier. La thèse de P. Chenaux est qu’on ne peut isoler la question juive de l’ensemble des autres problèmes de la politique vaticane de cette période.

Le livre se présente donc comme une enquête biographique, la première conduite de manière scientifique sur base des archives du Vatican récemment ouvertes aux chercheurs. Il n’existait pas de biographie au sens strict du terme, ce qui a conduit le Père Nicolas-Jean Sed, éditeur au Cerf, à demander à l’historien Philippe Chenaux une étude à ce sujet. Les seuls livres traitant de Pie XII jusqu’ici relevait du caractère soit hagiographique soit accusateur. « Toute la production sur Pie XII, explique P. Chenaux, péchait par ce défaut majeur : une absence de perspective historique, attitude qui consiste à mettre de côté, par exemple l’ensemble de la carrière diplomatique de Pie XII. ». A cet égard, l’auteur rappelle qu’Eugenio Pacelli, devenu Pie XII, a servi 4 papes : Léon XIII, Pie X, Léon XV et Pie XI. Il est donc utile de reconstruire l’histoire de l’homme Pacelli, parce qu’il est le produit d’un système qu’il incarne, et de placer son pontificat dans une plus longue période, pour essayer de mieux comprendre son action.

Après l’ouverture des Archives Vaticanes

En quoi cette étude est-elle scientifique ? « Parce que, explique Philippe Chenaux, elle se base sur des documents historiques jusqu’ici inaccessibles. Jusqu’en 1999, en effet, les archives du Saint-Siège ne donnaient accès qu’aux documents datant au maximum de 1922, soit, pour ce qui concerne Pie XII, le tiers de sa carrière. » En 2002, Philippe Chenaux, professeur à l’Université pontificale du Latran, a pu se plonger dans ces archives récemment ouvertes, lui permettant notamment de mieux connaître les relations du Vatican avec l’Allemagne, entre les deux guerres.

P. Chenaux fait remarquer qu’il n’existe malheureusement pas d’archives privées sur Eugenio Pacelli, contrairement à Jean XIII et Paul VI, pour lesquels on dispose de lettres et autres écrits relevant de leurs sphères privées. Pie XII se caractérise entre autres par le fait que son existence privée se confond avec son existence d’homme d’Eglise. Pouvoir disposer d’écrits personnels aurait sans doute permis de mieux cerner la psychologie de cet homme que l’on a volontiers décrit comme froid, manquant de sensibilité ou en tous cas, ne laissant pas apparaître sa subjectivité. L’historien ne dispose que de témoignages précieux mais fragmentaires de personnes qui l’ont côtoyé et fidèlement servi, parmi lesquels la sœur Pascalina.

Un silence actif ?

Dans son ouvrage, l’auteur a voulu éviter le piège de la « tribunalisation » de l’histoire. Il ne s’agit pas de faire le procès de ce Pape, mais plutôt de s’attacher aux faits et de comprendre pourquoi Pie XII a agi de cette façon, souligne l’historien. Ce qui explique en partie l’attitude silencieuse de Pie XII, malgré la conscience claire qu’il avait du danger nazi, c’est que « si l’on veut agir, il faut se taire ». Pacelli connaissait Hitler comme un homme capable de tout et sans doute en avait-il peur. S’opposer à lui, dans l’idée de Pie XII, aurait peut-être provoqué des dégâts encore plus grands.

P. Chenaux pense qu’Eugenio Pacelli a posé le choix du silence en toute conscience, au nom de la haute idée qu’il avait de sa mission. Il s’agissait pour lui de sauver des vies dans un contexte « catholique » et de ne pas provoquer de représailles à l’égard de ceux qu’il voulait protéger. Et il faut, précise l’auteur de la biographie, se garder de juger les actions du passé avec la mentalité d’aujourd’hui et vouloir, par exemple, faire de Pie XII un Pape d’après Concile Vatican II. Pie XII est un homme de son temps, qui s’est voulu pasteur au sens canonique et catholique du terme, alors qu’aujourd’hui ce même terme renvoie vers un sens plus large, vers une image de « pasteur de l’humanité », inconcevable au temps de Pacelli.

Cette enquête biographique se démarque encore des autres ouvrages par les renseignements qu’elle fournit sur la formation d’Eugenio Pacelli, sur les débuts de sa carrière, sur ses missions de paix pendant la guerre auprès de Benoît XV, sur le rôle qu’il a joué comme diplomate dans la période entre les deux guerres. « C’est le premier Pape à avoir été Secrétaire d’Etat » ( c’est-à-dire Ministre des Affaires étrangères), note Ph. Chenaux qui souligne également que l’élection de Pie XII s’est rapidement menée: en 24 heures, après seulement 3 tours de scrutin. Ceci révèle la nécessité à l’époque de nommer un pape diplomate et qui incarne la continuité avec son prédécesseur, le Pape Pie XI. Il n’est pas non plus inutile de rappeler que Pie XII a été élu par le monde occidental.

L’auteur

Philippe Chenaux est professeur d’histoire de l’Eglise moderne et contemporaine à l’université du Latran à Rome. Né en 1959, il a été chercheur à la KULeuven et professeur aux universités d’Arras et de Fribourg.

En pratique :

Pie XII, diplomate et pasteur. Philippe Chenaux, Cerf, 462 pages, 28 euros

© Cathobel.be

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ZENIT Staff

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