« Les tentatives faites pour lutter contre la traite des êtres humains et ses conséquences néfastes sur les adultes et les mineurs, ainsi que sur le tissu humain et culturel des différentes sociétés, malgré quelques résultats positifs, sont encore insuffisantes pour contrer ce phénomène de manière adéquate », fait observer Mgr Urbanczyk. Il a invité à réfléchir sur « les liens invisibles, et non traités, entre la société et les gouvernements et la traite des personnes. Ce sont souvent les filets de soutien de ce fléau odieux ».
Mgr Janusz Urbanczyk, représentant permanent du Saint-Siège à l’OSCE, est intervenu à la 18e conférence de l’Alliance contre la traite des personnes, intitulée « Tout le monde a un rôle : comment faire la différence ensemble », les 23 et 24 avril 2018.
Le représentant du Saint-Siège a en particulier insisté sur « l’importance de travailler efficacement “ensemble”, notamment en incluant toutes les parties prenantes – gouvernements, organisations de la société civile, y compris celles d’inspiration religieuse et universitaires – pour mettre un terme à la traite des êtres humains, sans arbitraire ni exclure idéologiquement certains de cette collaboration ».
Voici notre traduction des interventions de Mgr Urbanczyk.
HG
Panel 1: Examen des mécanismes de coopération actuels dans la lutte contre la traite des êtres humains
Madame la Modératrice,
La délégation du Saint-Siège se félicite de l’occasion qui lui est offerte de se joindre aux orateurs précédents pour exprimer sa gratitude à la présidence italienne actuelle de l’OSCE, au représentant spécial et coordonnateur de l’OSCE pour la lutte contre la traite des êtres humains et à tous ceux qui ont contribué à l’organisation de cette conférence. Ma délégation présentera quelques points succincts au cours de chacun des trois groupes afin de contribuer à la discussion des sujets cruciaux qui sont devant nous.
En ce qui concerne les questions proposées dans le présent Groupe spécial, je voudrais observer ce qui suit. Au cours de ces années, lorsque l’Alliance a eu l’occasion d’étudier en profondeur le phénomène de la traite des êtres humains et de vérifier les progrès de la lutte, il est apparu avec une extrême clarté que ce phénomène est beaucoup plus répandu et ancré dans notre sociétés que nous ne l’avions imaginé il y a seulement quelques années. Les tentatives faites pour lutter contre la traite des êtres humains et ses conséquences néfastes sur les adultes et les mineurs, ainsi que sur le tissu humain et culturel des différentes sociétés, malgré quelques résultats positifs, sont encore insuffisantes pour contrer ce phénomène de manière adéquate. Il reste encore beaucoup à faire pour accroître la sensibilisation au problème, à son ampleur et à ses liens.
Pour cette raison, le Saint-Siège considère qu’il est important de réfléchir sur les différents niveaux de participation à la traite des êtres humains : comment les diverses couches de nos sociétés, d’une manière ou d’une autre, interagissent sciemment ou inconsciemment avec la traite des êtres humains. Seule une image complète, une compréhension complète du problème, nous permettra d’y répondre pleinement. Je conclus donc en invitant les panélistes à commenter les liens invisibles, et non traités, entre la société et les gouvernements et la traite des personnes. Ce sont souvent les filets de soutien de ce fléau odieux.
Panel 2: Vers des partenariats plus inclusifs
L’année dernière, lors de la 17e Conférence de l’Alliance sur la «Traite des enfants et l’intérêt supérieur de l’enfant », le Saint-Siège, dans son discours d’ouverture, a souligné que « la création de réseaux efficaces pour prévenir le commerce, protéger la victime et poursuivre les trafiquants est une véritable clé du succès » de cette lutte contre la traite des êtres humains.
L’Église catholique, à travers ses différentes formes de présence concrète, entend agir dans toutes les phases de la lutte contre la traite, afin de protéger tout être humain contre la fraude, de le libérer des diverses formes d’exploitation et d’esclavage et d’aider toutes les victimes de ce crime horrible.
Le Saint-Siège et de nombreuses institutions et organisations catholiques collaborent avec les gouvernements et des partenaires à divers niveaux et dans de nombreuses initiatives visant à éradiquer la traite des personnes. En respectant les caractéristiques de chacun et au nom de la subsidiarité, cela peut faire une différence concrète dans cette lutte.
L’un de ces partenariats est le Groupe Santa Marta, dont l’efficacité réside dans la collaboration étroite entre les autorités répressives et les institutions ecclésiastiques. Ce type de travail coopératif et collaboratif conduit à des interventions à grande échelle, dans plusieurs pays, et aboutit non seulement à libérer les victimes et à protéger les victimes potentielles, mais aussi à renforcer les efforts plus larges et une action commune intensive.
En outre, ce type d’action permet de collecter des informations susceptibles d’accroître constamment nos connaissances sur les problèmes connexes, de sorte que ceux-ci puissent être mieux résolus.
L’expérience a montré que de nombreuses victimes hésitent à faire confiance aux autorités chargées de l’application de la loi et confient leurs histoires plus facilement à des personnes religieuses, qui peuvent renforcer leur confiance dans le processus judiciaire et leur fournir refuge et d’autres formes d’assistance. C’est le travail de nombreuses institutions et organisations catholiques, souvent en première ligne pour aider les victimes, en particulier les femmes et les filles, à échapper à la situation d’esclavage pour parvenir à une véritable réhabilitation et liberté personnelles et sociales. Nous devrions mentionner le réseau international des institutions pour les femmes avec son assistance, coordonnée mondialement à plusieurs niveaux, aux victimes de la traite des personnes, dans des situations souvent dominées par la violence.
Permettez-moi de demander aux panélistes d’insister sur l’importance de travailler efficacement « ensemble », notamment en incluant toutes les parties prenantes – gouvernements, organisations de la société civile, y compris celles d’inspiration religieuse et universitaires – pour mettre un terme à la traite des êtres humains, sans arbitraire ou idéologiquement exclure certains de cette collaboration.
Panel 3: Regard sur l’avenir : Recommandations pour la mise en œuvre des politiques
Regardant vers l’avenir, en faisant progresser la mise en œuvre des engagements sur lesquels les États participants se sont mis d’accord, il est nécessaire – comme le rappelle la Conférence d’aujourd’hui – de « faire la différence ensemble ».
Il reste encore beaucoup à faire en termes de connaissances et d’actions concrètes. Nous ne devons jamais sous-estimer le fait qu’il existe encore de nombreuses lacunes dans notre connaissance de ce phénomène, en particulier sur l’exploitation du travail et le trafic des mineurs en ce qui concerne la mendicité et le commerce des organes puisque nous disposons de peu de données (les estimations fournies par les gouvernements ne correspondent pas entre elles) Travailler ensemble signifie aussi rendre plus efficaces les instruments nécessaires pour contribuer à limiter ce drame. Et cela implique non seulement la bonne volonté, mais aussi la capacité à utiliser les ressources économiques limitées à notre disposition d’une meilleure manière.
La sauvegarde des victimes et leur défense (question fondamentale dans cette tragédie) devient, dans un système de coopération et de subsidiarité, non seulement plus efficace, mais aussi plus incisive pour l’ensemble du système de prévention et de poursuites.
Vouloir réussir ensemble, consolider la protection des victimes et harmoniser efficacement les législations nationales serait un grand pas en avant. Nous ne devons pas oublier la capacité significative des réseaux de groupes criminels internationaux à franchir les barrières et à éviter les conséquences juridiques.
Face à la question de la traite des êtres humains, il est absolument nécessaire de déployer des efforts unifiés pour faire face au problème de la pauvreté dans le monde (qui constitue l’environnement de base des criminels), à la vulnérabilité de certains secteurs de la population ( d’une manière spéciale, les femmes et les enfants), aux cas de discrimination, aux conflits et aux effets des conflits, et aux inégalités qui favorisent la traite.
Au terme de notre examen commun approfondi, afin de mettre un terme à la traite des êtres humains, ma délégation aimerait partager un point crucial. La réponse – comme le suggère le pape François – « est de créer des opportunités pour un développement humain intégral, en commençant par une éducation de qualité dès la petite enfance et en créant des opportunités ultérieures de croissance par l’emploi. Ces deux modalités de croissance, [poursuit le Pape] dans les différentes phases de la vie, sont des antidotes à la vulnérabilité et à la traite » (1).
Ma délégation est convaincue que cette considération est aussi l’objectif des réunions de l’Alliance, pour lesquelles nous réaffirmons le ferme soutien du Saint-Siège, qui voudrait également exprimer sa profonde gratitude à ceux qui ont participé activement à cet événement et à ceux qui ont tant fait pour son succès.
Merci, Madame la Modératrice.
(1) Pape François, Discours aux participants de la IVème Journée Mondiale de Prière, « Réflexion et action contre la traite des êtres humains », 12 février 2018.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
@ santamartagroup.com
OSCE : contrer le phénomène de la traite des personnes de manière adéquate
Mgr Urbanczyk invite à travailler efficacement « ensemble »