Liban : conférence de presse dans l'avion papal, 14 septembre 2012

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Benoît XVI appelle à cesser l’importation d’armes

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ROME, vendredi 14 septembre 2012 (ZENIT.org) – Pour mettre fin à la violence et à la guerre au Moyen Orient, « l’importation d’armes doit cesser », a estimé Benoît XVI, dans son échange avec les journalistes pendant le vol de Rome au Liban, ce vendredi 14 septembre 2012 : « sans armes, la guerre ne pourrait pas continuer », a-t-il ajouté.

Nous publions ci-dessous notre traduction intégrale de cette conférence de presse donnée par le pape à bord de l’Airbus 320 de l’Alitalia, durant le vol qui a duré quelque 3h15 entre Rome et Beyrouth.

Affirmant qu’il n’avait « jamais envisagé » d’annuler le voyage en raison de la situation difficile de la région, Benoît XVI a souligné : « Le but de ma visite est une invitation au dialogue et à la paix ».

Il a également appelé à « influencer l’opinion publique », et « presser les politiciens » afin qu’ils s’attèlent à ce problème « de toutes leurs forces et en usant tous les moyens possibles, pour travailler avec créativité pour la paix et contre la violence ».

[En français]

Saint-Père, dans ces jours, il y a des anniversaires terribles, comme le 11 septembre ou le massacre de Sabra et Chatila ; aux frontières du Liban, il y a une sanglante guerre civile, et nous voyons aussi que dans d’autres pays, le risque de la violence est toujours présent. Saint-Père, avec quels sentiments vous affrontez ce voyage ? Est-ce que vous avez été tenté d’y renoncer pour l’insécurité, ou quelqu’un vous a suggéré d’y renoncer ? 

Chers amis, je suis très heureux et reconnaissant de cette possibilité de parler avec vous. Je puis dire que personne ne m’a conseillé de renoncer à ce voyage, et de ma part, je n’ai jamais pensé à cette hypothèse parce que je sais que si la situation devient plus compliquée, il est encore plus nécessaire de donner ce signe de fraternité, d’encouragement, de solidarité. Et donc, c’est le sens de mon voyage : inviter au dialogue, inviter à la paix contre la violence, aller ensemble pour trouver les solutions des problèmes. Et donc, mes sentiments dans ce voyage sont surtout des sentiments de reconnaissance pour la possibilité d’aller en ce moment dans ce grand Pays, ce Pays qui est – comme l’a dit le Pape Jean-Paul II – plusieurs messages dans cette Région de la rencontre et de l’origine des trois religions abrahamiques. Je suis reconnaissant surtout au Seigneur qui m’a donné la possibilité ; je suis reconnaissant à toutes les Institutions et aux personnes qui ont collaboré et collaborent encore pour cette possibilité. Et je suis reconnaissant pour tant de personnes qui m’accompagnent avec la prière. Dans cette protection de la prière et de la collaboration, je suis heureux et je suis sûr que nous pouvons faire un réel service pour le bien des hommes et pour la paix. 

[En français]

Merci, Saint-Père. Un grand nombre de catholiques manifestent leur inquiétude devant la croissance des fondamentalismes dans différentes régions du monde et devant les agressions dont sont victimes de plusieurs chrétiens. Dans ce contexte difficile et souvent sanglant, comment l’Église peut-elle répondre à l’impératif du dialogue avec l’islam, sur lequel vous avez plusieurs fois insisté ? 

Le fondamentalisme est toujours une falsification de la religion. Il va contre l’essence de la religion qui veut réconcilier et créer la paix de Dieu dans le monde. Donc, la tâche de l’Église et des religions est se purifier, une haute purification de la religion de cette tentation est toujours nécessaire. Il est de notre tâche d’illuminer et de purifier les consciences et de rendre clair que chaque homme est une image de Dieu et nous devons respecter dans l’autre, non seulement son altérité mais dans l’altérité la réelle essence commune d’être image de Dieu, et traiter l’autre comme une image de Dieu. Donc, le message fondamental de la religion doit être contre la violence qui en est une falsification – comme le fondamentalisme – et doit être l’éducation, l’illumination et la purification des consciences pour les rendre capables au dialogue, à la réconciliation et à la paix. 

[En italien]

Dans le cadre de la vague de désir de démocratie qui est en cours dans de nombreux pays du Proche-Orient à travers le fameux printemps arabe, et compte tenu des circonstances sociales dans la majorité de ces pays où les chrétiens sont une minorité, n’y a-t-il pas un risque de tensions inévitables entre la majorité dominante et la survie du christianisme ?

En soi, le printemps arabe est une chose positive, c’est un désir de davantage de démocratie, plus de liberté, plus de coopération et d’une nouvelle identité arabe. Venant d’une population jeune culturellement et professionnellement plus instruite, de jeunes qui veulent davantage de participation à la vie politique et sociale, ce cri de liberté est un progrès positif qui a été aussi salué par les chrétiens. Gardant à l’esprit l’histoire des révolutions, nous savons naturellement que ce cri vital et positif pour la liberté risque de faire oublier un aspect, une dimension fondamentale de la liberté, qui est la tolérance de l’autre. Le fait est que la liberté humaine est toujours une liberté partagée, qui ne peut grandir qu’à travers le partage, la solidarité et la coexistence pacifique avec certaines règles. C’est toujours un risque, et c’est le cas ici aussi. Nous devons faire tout notre possible pour que le concept de liberté, le désir de liberté aille dans le sens de la vraie liberté et n’oublie pas la tolérance et la réconciliation qui sont des éléments essentiels pour la liberté. Ainsi le printemps arabe nécessite lui aussi un renouvellement dans cette histoire vieille de plusieurs siècles. Les chrétiens et les musulmans ont construit ces terres et doivent vivre ensemble. Je crois aussi qu’il est important de voir les éléments positifs de ces mouvements et de faire tout ce qui est possible pour que la liberté soit correctement conçue et corresponde à un plus grand dialogue plutôt qu’à la domination de l’un sur l’autre.

[En italien]

Saint-Père, en Syrie, comme en Irak il y a quelque temps, de nombreux chrétiens se sentent contraints de quitter leur pays avec le cœur lourd. Qu’est-ce que l’Eglise catholique entend faire ou dire pour endiguer la fuite des chrétiens de Syrie et d’autres pays du Moyen-Orient ?

Tout d’abord je dois dire que ce ne sont pas seulement les chrétiens qui partent, mais aussi les musulmans. Le danger est grand que les chrétiens quittent ces terres et que leur présence y soit perdue et nous devons faire tout ce qui est possible pour les aider à rester. L’aide la plus fondamentale serait la fin de la guerre et de la violence, causes de cet exode. Par conséquent nous devons faire tout ce que nous pouvons pour mettre fin à la violence et encourager la possibilité de vivre ensemble dans l’avenir. Que pouvons-nous faire contre la guerre ? Bien sûr, nous pouvons toujours diffuser un message de paix, insister sur le fait que la violence ne résout jamais les problèmes et renforcer les efforts de paix. Le travail des journalistes est important car ils peuvent beaucoup aider à montrer combien la violence détruit plutôt que de construire, qu’elle n’est d’aucune utilité à personne. Peut-être que les gestes chrétiens, les journées de prière pour le Moyen-Orient, pour les chrétiens et les musulmans, montrent les possibilités de dialogue et de solutions. Je crois aussi que l’importation d’armes doit cesser : sans armes, la guerre ne pourrait pas continuer. Au lieu d’importer des armes, ce qui est un péché grave, nous devrions importer des idées, la paix et la créativité. N
ous devrions accepter les autres dans leur diversité et rendre visible le respect mutuel des religions, le respect de l’homme comme création de Dieu et l’amour du prochain comme élément fondamental de toutes religions. Nous devons promouvoir toutes les actions possibles, y compris matérielles, pour soutenir la fin de la guerre et de la violence afin que tout puisse contribuer à la reconstruction du pays.

[En italien]

Saint-Père, vous apportez une exhortation apostolique adressée à tous les chrétiens du Moyen-Orient. Aujourd’hui c’est une population souffrante. Outre la prière et les expressions de solidarité, voyez-vous des mesures concrètes que l’Eglise et les catholiques d’Occident, surtout en Europe et en Amérique, puissent prendre pour soutenir leurs frères au Moyen-Orient?

Il nous faut influencer l’opinion publique. Nous devons presser les politiciens à s’atteler à ce problème de toutes leurs forces et en usant tous les moyens possibles, pour travailler avec créativité pour la paix et contre la violence. Nous devons tous y contribuer. Dans un certain sens, il s’agit nécessairement de notre part de prévenir, éduquer et purifier. En complément, nos organisations de charité devraient aider dans un sens matériel également. Nous avons des organisations telles les Chevaliers du Saint Sépulcre, uniquement en Terre Sainte, mais des organisations similaires pourraient fournir de l’aide matérielle, politique et humaine dans ces pays. Je voudrais redire encore que des signes visibles de solidarité, des journées de prière publique, peuvent avoir un impact sur l’opinion publique et produire de réels résultats. Nous sommes convaincus que la prière a un effet si elle est faite avec beaucoup de confiance et de foi.

[Traduction d’Hélène Ginabat et Anne Kurian]

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ZENIT Staff

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