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Les six priorités de la "diplomatie du pape François", par Mgr Auza (2/2)

Conférence à la Seton Hall (traduction complète, 2e partie)

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La paix, le désarmement, la défense de la vie, comptent parmi les dix priorités de la diplomatie du Saint-Siège « à la suite de la direction du pape François », déclare Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies.
Le nonce apostolique est intervenu sur le thème « La diplomatie du pape François », à l’École de diplomatie et de relations internationales de l’Université de Seton Hall, à South Orange (New Jersey), le 1er mars 2017.
Il a énuméré six engagements prioritaires en 2017 : d’abord, « la poursuite incessante de la paix » et la défense des chrétiens et autres minorités religieuses dans le monde. « Aucun mois ne passe, a-t-il affirmé, sans que nous réitérions l’appel du pape pour la paix ».
Autres priorités : poursuivre le « désarmement, en particulier le désarmement et l’abolition nucléaires » ; répondre à « la crise des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées à travers le monde » ; « chercher à élever ceux qui sont dans l’extrême pauvreté ».
La lutte contre la traite des êtres humains et d’autres formes d’esclavage moderne est aussi « une des priorités » du pontificat du pape François, « universellement reconnu comme la principale voix morale dans la lutte contre la traite des personnes », a poursuivi Mgr Auza.
Enfin, une « priorité fondamentale et constante » : « la défense et la promotion de la dignité de toute personne humaine et de la famille ». L’archevêque a conclu en soulignant « qu’il y a beaucoup plus dans la diplomatie que la ruse et le champagne », d’où la « diplomatie pastorale et spirituelle » du pape.
Voici notre traduction de l’anglais de la deuxième partie du discours du représentant du Saint-Siège.
AK
La diplomatie du pape François, par Mgr Auza (2/2)
Engagements prioritaires de la mission du Saint-Siège à l’ONU aujourd’hui
La Mission permanente d’observation du Saint-Siège participe à presque tous les débats à l’ONU et nous sommes donc impliqués dans toute la gamme de questions auxquelles la communauté internationale doit faire face. Mais si vous me demandez de préciser les engagements prioritaires que nous avons en 2017, à la suite de la direction du pape François, je présenterais les six suivants:
Premièrement, la poursuite incessante de la paix, en particulier dans les régions déchirées par la guerre. Que le monde est en mauvaise forme est clair vu le nombre de conflits qui continuent de faire rage. Lorsque le précédent Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a commencé son mandat en 2006, il y avait 13 conflits ouverts dans le monde. Comme il était sur le point de mettre fin à son mandat en 2016, il y avait 39 conflits ouverts et 11 situations de tensions intenses. Le pape François qualifie cela de « troisième guerre mondiale en morceaux ». Et alors que de nombreuses parties du monde sont en feu, les pompiers n’ont pas assez d’eau et, pire encore, ils se disputent et se répondent par vetos interposés à la table du Conseil de sécurité sur certains des conflits les plus tragiques.
Aucun mois ne passe sans que nous réitérions l’appel du pape pour la paix, en faisant écho aux cris de ceux qui sont dans les zones déchirées par la guerre pour que la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité, agisse. Nous trouvons des occasions constantes de souligner que, comme l’a dit le Pape François à l’Assemblée générale des Nations Unies, « la guerre est la négation de tous les droits et … nous devons travailler sans relâche pour éviter la guerre entre les nations et les peuples ». D’une manière particulière, nous essayons de faire en sorte que les plaidoyers des chrétiens et autres minorités religieuses et ethniques au Moyen-Orient, au Nigéria, dans des pays aux régimes dictatoriaux et ailleurs, ne soient pas oubliés.
Deuxièmement, étroitement liée au premier, la poursuite du désarmement, en particulier le désarmement et l’abolition nucléaires. A la fin du mois de mars, le Saint-Siège participera activement à une conférence sur un « instrument juridiquement contraignant pour interdire les armes nucléaires et conduire à leur élimination totale ». Le pape François a parlé de l’importance de ces efforts pour le monde lorsqu’il a abordé la question à l’Assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2015, en affirmant que « la tendance constante à la prolifération des armes, en particulier des armes de destruction massive, telles que les armes nucléaires, est fortement opposée à la poursuite de la paix, au règlement pacifique des différends et à l’établissement de relations amicales entre les nations. Une éthique et une loi fondées sur la menace de destruction mutuelle – et peut-être la destruction de toute l’humanité – sont contradictoires et constituent un affront à l’ensemble du système des Nations Unies, qui finirait par être des ‘nations unies par la peur et la méfiance’. »
Troisièmement, répondre à la crise des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées à travers le monde. Cela a été une préoccupation primordiale et constante pour le Saint-Siège. Mais avec 255 millions de personnes franchissant aujourd’hui les frontières internationales, dont 65,3 millions sont qualifiées de réfugiés, la voix du Saint-Siège prend aussi un ton de plus grande urgence. Puisque les actions parlent plus fort que les mots et afin de souligner combien cette question est prioritaire pour lui, le pape François a entrepris son premier voyage en dehors de Rome à Lampédouse, la petite île en Méditerranée qui est devenue un symbole à la fois de mort et de salut. Puis il s’est rendu à Lesbos pour rencontrer les réfugiés et les migrants forcés fuyant les guerres et les persécutions et, mettant des visages sous ses mots de solidarité, il ramena avec lui à Rome une douzaine de réfugiés syriens.
Dire que la migration est un enjeu énorme aux États-Unis d’Amérique est aussi un énorme euphémisme. Indépendamment de quel côté du mur vous êtes – je veux dire, de l’argument – tout le monde sait combien il est « énorme ». Par conséquent, c’est une question pastorale prioritaire pour toute l’Église, à commencer par la Conférence des évêques catholiques des États-Unis.
Dans son discours au Congrès conjoint du 24 septembre 2015, rappelant le fameux discours « J’ai un rêve » de Martin Luther King, le Pape François a déclaré que « le rêve » continue : « L’Amérique continue d’être, pour beaucoup, une terre de rêves qui mènent à l’action, à la participation, à l’engagement. Des rêves qui réveillent ce qui est le plus profond et le plus vrai dans la vie d’un peuple. » Le passage le plus rappelé de ce discours fut ce rappel passionnant : « Au cours des derniers siècles, des millions de personnes sont venues dans ce pays pour poursuivre leur rêve d’édifier un avenir de liberté. Nous, les peuples de ce continent, ne craignons pas les étrangers, car la plupart d’entre nous étaient autrefois des étrangers. Je vous le dis en tant que fils d’immigrants, sachant que beaucoup d’entre vous descendent également d’immigrants. »
Quatrièmement, et lié au troisième, il s’agit de lutter contre la traite des êtres humains et d’autres formes d’esclavage moderne. Le pape François est universellement reconnu comme la principale voix morale dans la lutte contre la traite des personnes. C’est une des priorités de son pontificat. Le trafic d’êtres humains, a-t-il dit, est « une plaie ouverte sur le corps de la société contemporaine, un fléau sur le corps du Christ … un crime contre l’humanité ». Si nous voulons lutter efficacement contre cette inondation toxique, nous devons bloquer ses affluents et en traiter les causes profondes, comme l’extrême pauvreté, la corruption dans la gouvernance, les injustices et l’exclusion dans le domaine économique et la dégénérescence éthique qui se produit quand les gens sont traités comme des objets, quand, selon les paroles du pape, ils sont « trompés, agressés, souvent vendus à de nombreuses reprises à des fins différentes et finalement tués ou en tout cas physiquement et mentalement blessés pour finir écartés et abandonnés ». Le Pape nous exhorte à dire que le moment est venu d’agir.
Cinquièmement, chercher à élever ceux qui sont dans l’extrême pauvreté. Dans son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies, le pape François a déclaré : « L’exclusion économique et sociale est un déni total de la fraternité humaine et une grave atteinte aux droits de l’homme. Les plus pauvres sont ceux qui souffrent le plus … : ils sont rejetés par la société [et] forcés à vivre de ce qui est mis au rebut …, [victimes] de la « culture du déchet ». Les chefs de gouvernement doivent faire tout leur possible pour s’assurer que tous peuvent avoir les moyens matériels et spirituels minimaux nécessaires pour vivre dans la dignité. »
Sixièmement, la priorité fondamentale et constante de la défense et de la promotion de la dignité de toute personne humaine et de la famille. C’est l’un de nos domaines d’intérêt les plus constants parce que certains États membres et les agences des Nations Unies ne cessent d’essayer d’utiliser toutes les négociations et tous les mécanismes possibles pour promouvoir l’avortement sous le voile de la « santé et des droits sexuels et génésiques », la définition du genre non comme masculin et féminin, mais comme une construction sociale, ainsi que la redéfinition du mariage et de la famille. C’est dans ce domaine que l’expression « colonisation idéologique » du Saint-Père est d’autant plus pertinente que certains pays donateurs ou quelque organisme de l’ONU utilisent l’aide au développement pour faire pression sur les pays pauvres pour qu’ils adoptent des pratiques contraires à leurs convictions et à leur culture religieuses.
Le Pape François, devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, a appelé au respect du caractère sacré de chaque vie humaine, de chaque homme et de chaque femme, des pauvres, des personnes âgées, des enfants, des infirmes, des enfants à naître, des chômeurs, des personnes abandonnées, de ceux que l’on considère comme jetables parce qu’ils ne sont considérés que comme faisant partie d’une statistique ». Il a souligné que le « droit à la vie » est le « fondement commun » de tous les piliers du développement humain intégral. Il a exhorté les gouvernements à « veiller à ce que tous puissent avoir le minimum de moyens spirituels et matériels nécessaires pour vivre dans la dignité et pour créer et soutenir une famille qui est la cellule principale de tout développement social » et a défendu « le droit primordial de la famille à éduquer les enfants ».
La diplomatie pontificale est la diplomatie pastorale et spirituelle
Chers amis,
Ces priorités sont des aspects de la diplomatie pastorale et spirituelle du pape François et de l’Église. Pour beaucoup, la spiritualité et la diplomatie ne se mélangent pas et peuvent même sembler contradictoires. La diplomatie, pour eux, est pratiquement synonyme de deux choses : d’abord, la ruse, la volonté de mentir placidement pour l’intérêt d’un pays » ; et deuxièmement, de la mondanité, avec des réceptions élégantes au caviar et champagne remplissant l’imagination ! Quand, dans le cadre de mes fonctions, je mange du caviar, saint Paul me murmure à l’oreille : Mange du caviar comme si tu n’en mangeais pas et bois la vodka la plus fraîche comme si tu n’en buvais pas ! Je ne devrais pas vous dire cela le mercredi des cendres!
Sachant bien qu’il y a beaucoup plus dans la diplomatie que la ruse et le champagne – en effet, cette ruse et ces réceptions sans fin sont loin du cœur d’une diplomatie efficace – j’insiste sur le fait de parler d’une diplomatie pastorale et spirituelle du Saint-Père. La diplomatie ainsi comprise est un charisme, et les charismes, nous le savons, ne sont pas bénéfiques à ceux qui les exercent, mais à la communauté. En ce sens, la diplomatie est un art essentiel d’un responsable dont l’objectif est le bien de tous et dont le moyen pour atteindre ce but est un service désintéressé.
C’est la diplomatie du pape François devant le monde. Nous devrions donc comprendre son style et sa substance diplomatique principalement à l’intérieur d’une clé spirituelle, conscient du fait que, peu importe sa notoriété ou le respect dont il jouit parmi les dirigeants mondiaux et les citoyens ordinaires, il reste essentiellement un pasteur et un enseignant et pour ceux d’entre nous qui sommes catholiques, notre Saint-Père.
Merci de votre attention.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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