« Je profite de cette visite pour vous annoncer ma volonté de me rendre au Japon l’année prochaine. Espérons que cela puisse se faire »: le pape François a confié son projet à une délégation de l’association japonaise « Tensho Kenoho Shisetsu Kenshokai ».
Elle a été reçue par le pape ce mercredi 12 septembre 2018 au Vatican, dans la petite salle – « Auletta » – jouxtant la salle Paul VI.
Le pape a ajouté ce vœu à son discours dans lequel il a demandé à la délégation d’être des « ambassadeurs d’amitié et des promoteurs de grandes valeurs humaines et chrétiennes ». « Comme vos quatre jeunes prédécesseurs, apportez à votre merveilleux peuple et à votre grand pays l’amitié du pape de Rome et l’estime de toute l’Eglise catholique », a insisté le pape.
Il a encouragé l’association dans son engagement pour la formation des jeunes et des orphelins et les synergies impliquées dans le projet : « La religion, la culture et le monde économique peuvent travailler ensemble pacifiquement pour créer un monde plus humain et caractérisé par une écologie intégrale. Cela correspond parfaitement à ce que j’espère pour l’humanité d’aujourd’hui et de demain, comme je l’ai écrit dans l’encyclique Laudato si’. »
L’ambassade Tenshō – qui tient son nom de l’ère Tenshō au cours de laquelle elle s’est déroulée – a été suggérée par un jésuite italien Alessandro Valignano et soutenue par trois “daimyos” chrétiens au pape et aux rois d’Europe au XVIe s. La mission est confiée à Mancio Itō (1570–1612), un noble japonais, premier émissaire japonais officiel en Europe.
Mancio Itō quitta Nagasaki le 20 février 1582 avec trois autres samouraï chrétiens: Miguel Chijiwa, Julião Nakaura et Martinho Hara. Ils étaient accompagnés de par deux serviteurs, par un interprète, Diego de Mesquita et, jusqu’à Goa (Inde), par le p. Valignano. Il arrivèrent au Portugal avant de se rendre en Italie et en Espagne.
Ils reviendront au Japon le 21 juillet 1590 où ils deviendront jésuites et prêtres: Mancio meurt en 1612 ; Marthino sera banni du Japon en 1614 et mourra à Macao, en 1629 ; Miguel quittera la Compagnie de Jésus dans des circonstances incertaines et mourra à Nagasaki en 1633 ; Julião meurt martyr le 21 novembre 1633 : il a été béatifié en 2008.
En 2017, le pape François à proclamé bienheureux un samouraï du XVIIe siècle devenu chrétien et contraint à l’exil: Justo Takayama Ukon (1552-1615). Le pape lui a rendu hommage le 8 février 2017 (cf. photo de la statue du bienheureux).
Quand il était jeune jésuite, Jorge Mario Bergoglio aurait voulu partir pour le Japon, ce que sa santé – un sérieux problème aux poumons – ne lui a pas permis: ce sera la réalisation d’un rêve profond. Et il a, depuis son élection, multiplié les contacts avec le Japon.
Le 26 septembre 2013, il a reçu au Vatican une délégation de l’Université Sophia de Tokyo, à l’occasion de son centenaire, et, en 2017, le 18 décembre, il a participé à un échange par vidéoconférence avec les étudiants de l’université.
Il a confié son admiration pour les chrétiens du Japon lors d’une audience sur le baptême, le 15 janvier 2014: «l’histoire de la communauté chrétienne au Japon est exemplaire».
Avec plus de 300 000 baptisés au début du XVIIe siècle, les Japonais représentaient la plus grande communauté chrétienne d’Asie. Et, malgré les campagnes antichrétiennes (XVIe-XIXe siècles), la foi a été transmise dans les familles: «Lorsque naissait un enfant, le papa ou la maman le baptisait, parce que tous les fidèles peuvent baptiser dans des circonstances particulières. Lorsque, après environ deux siècles et demi, 250 ans plus tard, les missionnaires retournèrent au Japon, des milliers de chrétiens sortirent de la clandestinité et l’Église put refleurir. Ils avaient survécu avec la grâce de leur baptême ! Cela est grand : le peuple de Dieu transmet la foi, baptise ses enfants et va de l’avant. Et ils avaient maintenu, même dans le secret, un profond esprit communautaire, parce que le baptême les avaient fait devenir un seul corps dans le Christ : ils étaient isolés et cachés, mais ils étaient toujours membres du peuple de Dieu, membres de l’Église. Nous pouvons apprendre beaucoup de cette histoire !», a rappelé le pape.
Le pape a reçu les évêques japonais en visite ad limina le 23 mars 2015: le pape a notamment encouragé les évêques à « soutenir la famille, à commencer par la préparation au mariage et en poursuivant avec des catéchèses pour toutes les étapes de la vie ». Il a rappelé que c’est par les laïcs que les sociétés « sont pénétrées de la bonne odeur de l’Évangile ».
La visite d’un pape au Japon remonte à celle de saint Jean-Paul II les 25-26 février 1981: le pape polonais s’était rendu à Nagasaki et à Hiroshima, où il avait prononcé un réquisitoire contre la guerre: « La guerre, c’est la mort! » Il avait terminé par une prière « au Créateur de la nature et de l’homme, de la vérité et de la beauté ». Et il avait été invité à la télévision japonaise.
Voici notre traduction complète de l’allocution du pape pour la délégation japonaise, publiée par le Saint-Siège en italien et en anglais.
AB
Allocution du pape François
Chers amis du Japon,
Je suis très heureux de vous rencontrer et de rencontrer avec vous les Pères Renzo De Luca et Shinzo Kawamura. Votre groupe de délégués de l’Association Tensho Kenoho Shisetsu Kenshokai est bienvenue à Rome, chez le pape.
Il y a plus de 400 ans, en 1585, quatre jeunes Japonais sont arrivés à Rome, accompagné de quelques missionnaires jésuites, pour rend visite au pape, qui était alors Grégoire XIII. Ce fut un voyage extraordinaire, car c’était la première fois qu’un groupe de représentants de votre grand pays venait en Europe. Les quatre jeunes ont eu un merveilleux accueil, pas seulement de la part du Pape, mais aussi dans toutes les villes et les cours où ils se sont rendus: Lisbonne, Madrid, Florence, Rome, Venise, Milan, Gênes … Les Européens ont rencontré les Japonais et les Japonais ont rencontré l’Europe et le coeur de l’Eglise catholique. Une rencontre historique entre deux grandes cultures et traditions spirituelles, dont il est bon de préserver la mémoire, comme le fait votre association.
Le voyage de vos jeunes prédécesseurs a duré plus de huit ans. Le vôtre est plus court et moins fatiguant. Mais j’espère que vous vous sentiez accueilli par le pape comme ils l’ont été et que, comme eux, vous goûtiez de la joie de cette rencontre et que vous soyez encouragés à rentrer dans votre pays comme des ambassadeurs d’amitié et des promoteurs de grandes valeurs humaines et chrétiennes. Les quatre jeunes de l’ère Tensho l’ont été avec engagement et courage. En particulier, je veux rappeler leur chef, Mancio Ito, qui est devenu prêtre, et Julião Nakaura, qui, comme beaucoup d’autres, a subi le supplice sur la célèbre colline des martyrs de Nagasaki et a été proclamé bienheureux.
Je sais que votre association promeut de beaux projets de culture et de solidarité. J’encourage surtout vos efforts actuels pour créer un fonds d’aide à la formation des jeunes et des orphelins, grâce à la contribution d’entreprises sensibles à leurs problèmes. Vous voulez montrer que la religion, la culture et le monde économique peuvent travailler ensemble pacifiquement pour créer un monde plus humain et caractérisé par une écologie intégrale. Cela correspond parfaitement à ce que j’espère pour l’humanité d’aujourd’hui et de demain, comme je l’ai écrit dans l’encyclique Laudato si’. C’est le bon chemin pour l’avenir de notre maison commune.
Merci encore de votre visite. Comme vos quatre jeunes prédécesseurs, apportez à votre merveilleux peuple et à votre grand pays l’amitié du pape de Rome et l’estime de toute l’Eglise catholique.
Traduction de ZENIT, Anita Bourdin
Association Tensho Kenoho Shisetsu Kenshokai © Vatican Media
Le pape François envisage une visite au Japon en 2019
Audience à l’association Tensho Kenoho Shisetsu Kenshokai