Marie à la Porte de l'Aurore, Mater Misericordiae, Vilnius © Vatican Media

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“L’apparition à Notre Dame”, première apparition du Ressuscité

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Condition de toutes les autres apparitions du Ressuscité

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“L’apparition à Notre Dame” est la première apparition du Ressuscité, selon une longue tradition chrétienne. L’apparition du Christ ressuscité à sa Mère n’est pas rapportée par les évangiles, mais les évangiles en donnent des indices, comme l’a rappelé Jean-Paul II dans une catéchèse du 21 mai 1997.
Mais celui qui en a le plus diffusé la tradition c’est probablement saint Ignace de Loyola dans les Exercices Spirituels, comme l’explique le p. Jean-Marie Hennaux, jésuite belge, qui met en évidence l’importance de cette apparition: « en apparaissant à la Vierge Marie, le Christ ressuscité a fondé son Église » (cf. Nouvelle revue théologique, 2004/1, tome 126, pp. 33 à 48).
Les motifs du silence
Pour Jean-Paul II, si les évangiles rapportent plusieurs apparitions du Ressuscité, sans mentionner de rencontre de Jésus et de sa Mère, il ne faudrait pas déduire de ce « silence » que le Christ ressuscité n’est pas apparu à Marie. Il invite à réfléchir aux motifs de ce silence.
Un silence peut être dû au fait que le récit de cette apparition n’était pas nécessaire à « notre salut ». Les évangiles notent que le Ressuscité est apparu d’abord à quelques femmes qui ont reçu cette mission de témoigner : « Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront » (Mt 28, 10). On se souvient que le pape François a décidé que la fête de sainte Marie-Madeleine (cf. l’apparition de Jn 20, 17-18), « apôtre des apôtres », a désormais le même « rang » que la fête des apôtres.
Et la foi dans le Ressuscité s’appuie justement, insiste Jean-Paul II sur le témoignage de ceux auxquels les saintes femmes ont été envoyées et que « Dieu a choisis » (Ac 10, 41), celui des Apôtres, qui « avec beaucoup de force » ont rendu témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus (cf. Ac 4, 33).
Le silence est peut-être également dû au fait qu’une apparition du Fils à sa Mère et le témoignage de celle-ci, suggère Jean-Paul II, auraient pu être considérés comme n’étant pas « digne de foi » par « ceux qui niaient la Résurrection du Seigneur ».
Des apparitions passées sous silence
Mais n’y-a-t-il pas d’autres apparitions, pendant ces quarante jours passés par le Christ parmi les siens, que les évangiles ont aussi passé sous silence ? Jean-Paul II qui cite l’apparition mentionnée par saint Paul (1 Co 15, 6) « à plus de cinq cents frères à la fois ». Cela prouve, pour Jean-Paul II, que d’autres apparitions, notoires, du Ressuscité n’ont pas été rapportées.
Il avance aussi un indice que le Christ est apparu à sa Mère : lorsque les saintes femmes se rendent au tombeau à l’aube, Marie, jusqu’ici inséparable d’elles, est absente, elle ne les accompagne pas (cf. Mc 16, 1 ; Mt 28, 1). Et la raison semble alors évidente : Ma rie a déjà rencontré le Christ, vivant.
L’union au calvaire et à la résurrection
De fait, souligne Jean-Paul II, les premiers témoins de la Résurrection ont été les saintes femmes, au pied de la Croix, avec Marie, fermes « dans la foi ». Et, avant elles, Jésus se montre « tout d’abord à sa Mère, Celle qui a conservé sa foi intacte dans l’épreuve ».
Enfin, le pape Jean-Paul II affirme que « le caractère unique et spécial de la présence de la Vierge au Calvaire et son union parfaite à son Fils dans la souffrance de la Croix, semblent suggérer une participation très particulière au mystère de sa résurrection ».
Il cite Sedulius: le Christ « s’est tout d’abord révélé à sa Mère dans la splendeur de la vie ressuscitée ». Et il met en relation l’Annonciation et la Résurrection : « Celle qui lors de l’Annonciation, avait été la voie de son entrée dans le monde, était appelée à diffuser la merveilleuse nouvelle de la Résurrection, pour être l’annonciatrice de sa glorieuse venue ». Et c’est l’anticipation de ce que l’Eglise est appelée à vivre : « Ainsi inondée par la gloire du Ressuscité, Elle anticipe le « resplendissement » de l’Eglise » (cf. Sedulius, Carmen Paschale, 5, 357-364, CSEL 10, 140s).
Jean-Paul II souligne aussi le lien entre Marie à l’Annonciation et Marie à la Résurrection dans la prière mariale du temps de Pâques « Regina Caeli » : « Au cours du temps pascal, la communauté chrétienne, s’adressant à la Mère du Seigneur, l’invite à se réjouir : « Regina Cæli, lætare. Alléluia ! », « Reine des du ciel, réjouis-toi. Alléluia ! ». Elle rappelle ainsi la joie de Marie pour la Résurrection de Jésus, en prolongeant dans le temps le « réjouis-toi » que lui avait adressé l’Ange lors de l’Annonciation, afin qu’elle devienne « une cause de joie » pour toute l’humanité. »
Anticipation de l’humanité
Marie, insiste le pape, est « image et modèle de l’Église qui attend le Ressuscité » et qui, dans le groupe des disciples, « le rencontre au cours des apparitions pascales ». Il en conclut : « il semble raisonnable de penser que Marie a eu un contact personnel avec son Fils ressuscité, pour jouir elle aussi de la plénitude de la joie pascale ».
Le pape Jean-Paul II met en lumière le lien entre la présence de Marie « au Calvaire le Vendredi Saint » (cf. Jn 19, 25) et « au Cénacle à la Pentecôte » (cf. Ac 1, 14), pour en déduire aussi sa présence comme « témoin privilégié de la résurrection du Christ ». Elle a ainsi « complété » sa « participation à tous les moments essentiels du Mystère pascal ».
« En accueillant Jésus ressuscité, Marie est en outre signe et anticipation de l’humanité, qui espère le rejoindre, à travers la résurrection des morts », conclut Jean-Paul II.
L’apparition à Marie, condition de toutes les autres
Dans son article – que nous ne faisons que traverser à grandes enjambées -, le p. Jean-Marie Hennaux montre que « les actes du Ressuscité » sont des « actes fondateurs et constitutifs de l’Église ».
Il fait remarquer que pour saint Ignace, le Christ apparaît à Marie « en corps et en âme » et il insiste sur le fait qu’ « apparaître », pour le Christ, ne doit pas « être compris dans un sens étroit », mais que cela signifie aussi « communication » – et « réception » – « du salut et de sa joie ».
Certes, la gloire du ressuscité vient du Père : « Ressusciter, pour le Christ, c’est recevoir du Père la gloire qu’Il possède auprès de Lui de toute éternité et la gloire qu’Il a méritée par son œuvre rédemptrice ; c’est encore de pouvoir communiquer ce salut mérité. Sa gloire, le Christ la reçoit donc en premier lieu du Père. »
Cependant, pour saint Ignace, « l’humanité peut accroître la gloire de Dieu ». Ainsi, « le Ressuscité reçoit également sa gloire de l’humanité qu’Il a sauvée, lorsque celle-ci accueille dans la foi, l’espérance et l’amour, la Vie que son Sauveur lui communique. »
Pour le théologien, c’est la raison pour laquelle « l’apparition du Christ ressuscité à Marie est la condition de possibilité de toutes les autres ». Il s’agit, comme à l’Annonciation, d’un don et de sa réception.
Il précise l’importance de la disponibilité totale de la Vierge Marie à accueillir la réalité de la résurrection: « Marie n’est pas à l’origine de l’acte de ressusciter du Christ, mais le Ressuscité n’apparaîtra jamais à personne s’Il n’a trouvé d’abord un espace totalement virginal où son apparaître peut pleinement se déployer, où sa gloire et sa joie peuvent en totalité se communiquer et se constituer. En ce sens, l’accueil du Ressuscité par Marie est non seulement la condition de possibilité de toutes les autres apparitions, il est vraiment constitutif pour sa part de la gloire et de la joie du Ressuscité lui-même. De même qu’il n’a pu entrer dans le monde par son incarnation que par la médiation du fiat de Marie, Il ne peut apparaître dans toute sa gloire de Rédempteur que par l’accueil virginal de Notre Dame. »
Le p. Jean-Marie Hennaux explique l’apparition du point de vue du Christ et de Marie. D’une part, « en apparaissant à Marie, le Christ ressuscité l’agrège, d’une manière définitive déjà, à son corps de gloire, à son corps mystique ». Et d’autre part, « dans l’apparition dont elle est la bénéficiaire, Marie consent à la Résurrection » – alors que les évangiles rapportent les résistances de tel ou tel apôtre -, elle « accepte de faire partie définitivement du Corps du Ressuscité ».
La figure de l’humanité croyante
Pour saint Ignace, explique encore le p. Hennaux, « c’est au nom de toute l’humanité » que Marie « a consenti et coopéré à l’Incarnation rédemptrice » et, « en tant que telle, elle est, devant le Christ et auprès du Christ, la figure de l’humanité croyante, espérante et aimante » : « en d’autres termes, elle est la figure de l’Église ».
Ainsi, pour l’auteur des Exercices Spirituels, « le Christ ressuscité apparaît à Marie en tant qu’elle représente et récapitule en elle-même toute l’Église » : « Elle lui offre (…) un espace virginal et immaculé où son apparaître peut se déployer sans obstacle. Il trouve en elle son Corps de gloire. Il peut lui communiquer la totalité du salut et de la grâce, de telle sorte qu’associée à son œuvre de salut depuis l’Incarnation, elle puisse devenir, après avoir participé de la manière la plus étroite à Sa Passion, sa parfaite collaboratrice dans la diffusion même des fruits de la rédemption. »
« En d’autres mots, poursuit le théologien, le Christ la constitue figure personnelle de l’Église-médiatrice de toute grâce. Le Seigneur, en effet, ne veut rien faire sans l’aide, sans la médiation, de son Épouse, l’Église. Celle-ci intervient dans la dispensation de toute grâce. »
C’est pourquoi le théologien interroge: « Ne fallait-il pas que le Christ apparaisse à celle qui est toute l’Église avant d’apparaître à d’autres personnes ? »
Et il affirme, en conclusion : « cette apparition est, aux yeux d’Ignace, l’acte de fondation par excellence de l’Église ».
Au fait, que dit saint Ignace? « Jésus ressuscité apparut premièrement à la Vierge Marie. Quoique l’Écriture n’en fasse pas mention, elle nous le donne assez à entendre, en disant qu’il apparut à tant d’autres. Elle suppose que nous avons l’intelligence, et que nous ne voulons pas mériter le reproche que le Sauveur fit un jour à ses Apôtres: « Êtes-vous encore sans intelligence? » »(cf. n. 299 « De la Résurrection de Jésus-Christ, notre Seigneur, et de sa première apparition« ).

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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