Mgr Follo, 2016 © courtoisie de la Mission du Saint-Siège à l'UNESCO

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La joie de la miséricorde, par Mgr Follo

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Commentaire des lectures de la messe du dimanche 11 septembre 2016

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e baptisé qui « retourne contrit vers le Père » reçoit lui aussi « l’anneau et les sandales qui confirment que nous sommes fils et non pas serviteurs », explique Mgr Francesco Follo, Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, dans ce commentaire des lectures de la messe de dimanche prochain, 11 septembre 2016, XXIVème Dimanche du Temps Ordinaire (Année C ).
Mgr Follo invite à faire cette expérience spirituelle de « la joie de la miséricorde ».
Les lectures sont: Exode 32, 7-11.13-14; Psaume 50; 1 Timothée 1, 12-17; Luc 15, 1-32 (Parabole du père et des deux fils).
Comme lecture patristique, Mgr Follo propose un sermon de saint Pierre Chrysologue (Ve s.).
La joie de la miséricorde
            1) La logique de la miséricorde.
La raison pour laquelle Jésus raconte les trois paraboles proposées ce dimanche par la liturgie de la Parole nous est donnée par Saint Luc au début du chapitre 15 de son Évangile: « Les collecteurs d’impôts et les pécheurs s’approchaient tous de lui (le Christ) pour l’écouter. Et les pharisiens et les scribes murmuraient ; ils disaient : « Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » (cf v 1-3) Alors Jésus raconte les paraboles qui narrent l’histoire d’une brebis, d’une pièce d’argent et d’un fils qui ont été successivement perdus puis retrouvés.
Dans la parabole de la brebis perdue et retrouvée, il faut remarquer que le berger n’interrompt pas ses recherches tant qu’il ne l’a pas retrouvée : c’est donc une recherche obstinée, persévérante, en aucune façon disposée à abandonner la brebis à son destin. Dans ce récit, le Christ nous présente donc un Dieu fidèle, persévérant, tenace. Le cœur de Dieu a un grand et unique désir : qu’aucun homme ne se perde et si cela se produit, la ténacité du Père fait qu’il reste toujours un père pour ses enfants, quoi qu’il arrive.
Dans la parabole de la drachme[1] perdue c’est la joie d’une pauvre femme qui retrouve ce dont elle a besoin pour vivre qui ressort. Pour chercher cette pièce, cette femme alluma une lampe : à cette époque les maisons étaient plutôt obscures et sans lumière elle n’aurait pas pu retrouver sa précieuse monnaie. Quand la lumière se réfléchit sur la pièce en la faisant briller, alors il fut possible de la retrouver. Cela nous apprend que nous pouvons nous perdre mais que nous ne devons pas cesser de « briller » parce que nous pouvons ainsi être retrouvés plus facilement.
Dans la parabole du fils perdu (plus connue comme celle du fils prodigue) nous contemplons le Père, fidèle au fils, qui est dans la joie quand celui-ci revient dans la maison paternelle, lieu de pardon et de fête.
Le Père pardonne et organise une fête pour ce fils perdu et peu sage, qui, ayant désiré avoir tout pour lui, avait prétendu et obtenu « seulement » sa part puis l’avait dissipée. Ce Père miséricordieux n’accueille pas seulement à nouveau son fils mais il lui redonne aussi sa dignité de fils (cf Pape François, Audience générale du 30 août 2016). Ce fils reçoit plus qu’il ne demande. Affligé par son péché, ce jeune homme retourne vers son père et lui demande d’être accueilli « seulement » comme un serviteur. A celui qui se serait contenté d’un cœur de serviteur, le père redonne un cœur de fils.
Ce fils prodigue et perdu remet à son père sa propre douleur et son père le confirme dans cet amour contre lequel il s’était  révolté de façon absurde.
Nous aussi avec notre péché nous refusons l’amour gratuit de Dieu le Père. Mais quand nous revenons vers Lui et que nous nous convertissons par sa justice miséricordieuse, nous recevons un vêtement pour la fête, un anneau et des sandales.
A chacun de nous aussi, quand nous nous convertissons, le Père dit «  Vite, apportez le plus beau vêtement et habillez-le ». Quel était le premier vêtement d’Adam ? Il était nu. Son vêtement était d’être à l’image et à la ressemblance de Dieu c’est à dire d’être fils. Voilà notre vêtement : être fils aux côtés du Père. Le fait d’être fils habille notre dignité et notre identité.
A chacun de nous aussi, qui retourne contrit vers le Père, sont donnés l’anneau et les sandales qui confirment que nous sommes fils et non pas serviteurs. En effet donner l’anneau avec le blason signifie donner le sceau, c’est à dire avoir à sa disposition tous les biens familiaux et pas seulement une partie. C’étaient les hommes libres qui mettaient des sandales aux pieds parce que les esclaves allaient pieds nus.
            2) Justice et amour : la miséricorde.
Je crois qu’il est utile de rappeler que la miséricorde de Dieu est inconcevable pour un homme parce qu’elle dépasse ses pensées. Avant de le comprendre par la réflexion, je l’ai compris par ce fait :
je me trouvais en Allemagne, à Francfort sur le Main, pour un cours d’allemand et un jour le professeur demanda aux étudiant de parler de ce que chacun de nous considérait comme le plus caractéristique de son pays. Comme ils savaient que je venais du Vatican, je dus parler de la ville du Vatican. Pendant les dix minutes qui m’avaient été données je parlai du Vatican comme état « fonctionnel » qui permet au Saint Père d’exercer sa « fonction » de chef de l’Église Universelle, au service de la vérité et de la charité.
Après moi, ce fut le tour d’un jeune ukrainien qui raconta la parabole du fils prodigue. Je fus stupéfait de ce choix. Mais je fus encore plus stupéfait de la réaction des quatre étudiants de la Corée du Sud qui dirent : « C’est vraiment une très belle histoire mais elle n’est pas humaine. » Ces jeunes asiatiques avaient compris que la parabole ne pouvait pas être le fruit d’un esprit humain. Seul un esprit divin pouvait la concevoir, seul un amour divin pouvait la réaliser. Seul un cœur humain inquiet peut la rechercher, seul un cœur humain contrit peut l’accueillir et la mettre en pratique à travers les œuvres de miséricorde.
Dans son essence, la miséricorde exprime le lien d’amour qui unit le Créateur à la créature, le Père au fils et les fils entre eux.
L’important est de vivre la vie comme un persévérant retour à la maison du Père.
Un retour à travers la douleur, la contrition et la conversion du cœur ce qui présuppose le désir de changer, la ferme décision d’améliorer notre vie.
Un retour à la maison du Père à travers le sacrement du pardon où en confessant nos péchés nous revêtons le Christ et nous redevenons ses frères et les membres de la famille de Dieu.
Dieu, ce Père riche de miséricorde, non seulement attend « avec  anxiété » que nous retournions vers Lui, mais il vient aussi le premier à notre rencontre vers nous pécheurs repentis. Il nous rejoint alors que nous sommes encore seulement en route vers Lui, il nous embrasse avec amour et sans nous reprocher nos fautes, il nous couvre de grâces et de dons.
Ne cessons pas de contempler avec stupeur « le père du fils prodigue qui « est fidèle à sa paternité, fidèle à cet amour qu’il prodiguait depuis toujours à son fils » (Saint Jean Paul II, Dives in misericordia, IV, 6). Cette fidélité est exprimée par la rapidité de l’étreinte et par la joie de la fête.
Dans sa maison qui est aussi la nôtre, Dieu nous attend, comme le père de la parabole, bien que nous ne le méritions pas. Peu lui importe la gravité de notre péché. Ce qui importe, c’est que nous sentions la nostalgie de la maison paternelle, que nous ouvrions nos cœurs à la miséricorde divine, stupéfaits de l’amour fidèle du Père et que nous nous réjouissions devant le don divin de pouvoir être appelés ses enfants et de l’être de fait.
            3) La virginité, tendresse et miséricorde.
Commentant cette parabole du fils prodigue, principalement la phrase « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers », le Pape François a dit : « Quelle tendresse ! » et il a ajouté. « Il le vit de loin, ce qui signifie qu’il l’attendait continuellement, d’en haut. Il l’attendait, c’est une belle chose que la tendresse ». Avec le terme de « tendresse », le Saint Père n’entend pas une action basée uniquement sur l’émotion et le sentiment. Tendresse veut dire accueillir l’autre dans la totalité de ce qu’il est. Une maman est tendre non pas tant parce qu’elle caresse ou embrasse avec douceur son enfant mais quand elle s’occupe de lui avec la tendresse, la sollicitude et la douceur de la bonté de Dieu. Déjà les prophètes de l’Ancien Testament ont employé pour Dieu des mots qui rappellent la tendresse, l’intensité et la totalité de l’amour de Dieu qui se manifeste dans la création, dans toute l’histoire du salut et qui culmine dans l’incarnation du Fils. Dieu cependant dépasse toujours tout amour humain, comme dit le prophète Isaïe : « La femme oublie-t-elle son nourrisson, oublie-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas ! » (Is 49, 15).
Les vierges consacrées dans le monde sont fidèles à leur vocation quand elles pratiquent la chasteté comme amour de Dieu. Cet amour comprend l’amour du prochain qui attend des gestes de miséricorde et de tendresse. Avec une vie humble, elles vont au-delà des apparences et discrètement elles montrent la tendresse de Dieu que chacune porte en elle-même. Dans ce monde, elles suivent l’invitation : « Que votre vie soit un témoignage particulier de charité et un signe visible du Royaume future. » ( Rituel de Consécration des Vierges, 30). Avec cette forte tendresse, elles irradient la dignité d’être épouse du Christ miséricordieux et elles témoignent que celui qui s’abandonne à l’amour tendre de Dieu est dans la joie et dans la paix. En se faisant proche avec tendresse et amour des situations de souffrance et de faiblesse, ces femmes consacrées « illuminent par l’exemple de la valeur de la vie consacrée et en font resplendir la beauté et la sainteté dans l’Église » (Pape  François)
Lecture Patristique: Saint Pierre Chrysologue (+ 450)
Sermon 168, 4-6; CCL 24 B, 1032-1034.
Le fait de retrouver un objet que nous avions perdu nous remplit chaque fois d’une joie nouvelle. Et cette joie est plus grande que celle que nous éprouvions, avant de le perdre, quand cet objet était bien gardé. Mais la parabole de la brebis perdue parle davantage de la tendresse de Dieu que de la façon dont les hommes se comportent habituellement. Et elle exprime une vérité profonde. Délaisser ce qui a de l’importance pour l’amour de ce qu’il y a de plus humble, est propre à la puissance divine, non à la convoitise humaine. Car Dieu fait même exister ce qui n’est pas; il part à la recherche de ce qui est perdu tout en gardant ce qu’il a laissé sur place, et il retrouve ce qui était égaré sans perdre ce qu’il tient sous sa garde.
Voilà pourquoi ce berger n’est pas de la terre mais du ciel. La parabole n’est nullement la représentation d’oeuvres humaines, mais elle cache des mystères divins, comme les nombres qu’elle mentionne le démontrent d’emblée: Si l’un de vous, dit le Seigneur, a cent brebis et en perd une… (Lc 15,3)
Vous le voyez, la perte d’une seule brebis a douloureusement éprouvé ce berger, comme si le troupeau tout entier, privé de sa protection, s’était engagé dans une mauvaise voie. Aussi, laissant là les quatre-vingt-dix-neuf autres, il part à la recherche d’une seule, il ne s’occupe que d’une seule, afin de les retrouver et de les sauver toutes en elle.
Mais il est temps d’expliquer le sens caché de cette parabole céleste. Cet homme qui possède cent brebis, le Christ, est le bon pasteur, le pasteur miséricordieux qui a établi tout le troupeau de la race humaine en une seule brebis, c’est-à-dire en Adam. Il avait placé la brebis dans le paradis enchanteur et dans la région des pâturages de vie. Mais elle, se fiant aux hurlements des loups, a oublié la voix du berger, elle a perdu le chemin qui conduit au bercail du salut et s’est trouvée toute couverte de blessures mortelles. Le Christ est venu dans le monde chercher la brebis et l’a retrouvée dan s le sein de la Vierge. Il est venu, il est né dans la chair, il a placé la brebis sur la croix, et l’a prise sur les épaules de sa passion. Puis, tout rempli de la joie de la résurrection, il l’a élevée, par son ascension, jusqu’à la demeure du ciel.
Il réunit ses amis et ses voiins, c’est-à-dire les anges, et il leur dit: Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue (Lc 15,6)! Les anges jubilent et exultent avec le Christ pour le retour de la brebis du Seigneur. Ils ne s’irritent pas de la voir siéger devant eux sur le trône de majesté. Car l’envie n’existe plus au ciel dont elle a été bannie avec le diable. Grâce à l’Agneau qui a enlevé le péché du monde, le péché d’envie ne peut plus pénétrer dans les cieux.
Frères, le Christ est venu nous chercher sur la terre; cherchons-le dans les cieux. Il nous a emportés dans la gloire de sa divinité; nous, portons-le dans notre corps par la sainteté de toute notre vie. Rendez gloire à Dieu, dit l’Apôtre, et portez-le dans votre corps (1Co 6,20 latin). Celui qui vit dans la chair sans lui faire accomplir aucune oeuvre de péché, celui-là porte Dieu dans son corps.
[1] La drachme était une pièce d’argent et elle correspondait à ce que l’on donnait- il y a deux mille ans – à un paysan pour une journée de travail.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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