Card. Sarah, La force du silence (Fayard)

Card. Sarah, La force du silence (Fayard)

«La force du silence»: un livre du cardinal Sarah pour l’Avent

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«La conquête du silence est un combat»

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C’est un paradoxe : on parle beaucoup de ce livre sur… le silence. Il s’agit du nouveau livre du cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements – le dicastère romain pour la liturgie – : « La force du silence », élaboré avec Nicolas Diat, et publié chez Fayard.
Le cardinal Sarah a présenté son livre à Rome, à l’Institut français, le 6 octobre – en la fête de saint Bruno -, à Versailles, à la cathédrale Saint-Louis, le 5 novembre, et à Paris. En décembre il sera à Créteil et en janvier à Lyon et à Toulon.
Le sous-titre opère déjà un discernement : « Contre la dictature du bruit ». Il invite à l’action, lâchons le mot : à un exercice spirituel. Car tout indique dans ce livre une dynamique, une « force », justement. Il n’est d’ailleurs pas parti d’une réflexion théorique dans l’isolement. Il est né d’une expérience de communication presque totalement silencieuse avec le regretté frère Vincent-Marie de la Résurrection, chanoine de l’abbaye Sainte-Marie de Lagrasse.
Et la forme même du livre, fait de pensées numérotées, et organisées, reflète le jaillissement de la vie : la lecture peut butiner chacune pour en faire librement son miel.
Cette « dictature du bruit » est spécialement le thème du premier chapitre : « Le silence contre le bruit du monde ». Le discernement spirituel s’avère d’une grande gravité : « Sans le silence, Dieu disparaît dans le bruit. Et ce bruit devient d’autant plus obsédant que Dieu est absent. Si le monde ne redécouvre pas le silence, il est perdu. La terre s’engouffre alors dans le néant ».
L’enjeu est de taille : c’est la communication de l’homme avec son Dieu, brouillée par une pollution sonore. C’est l’intériorité sacrifiée. Le cardinal Sarah rappelle entre autres que Dieu parle au prophète Elie, à l’Horeb, dans le bruit d’un fin silence et non dans le vacarme d’une tempête. Et le silence, extérieur, intérieur, voilà la clef pour percevoir ce que Dieu dit aujourd’hui encore aux consciences dans un « fin silence ».
Même si cette pollution sonore a des racines lointaines, voire originelles, c’est un combat spécifique d’aujourd’hui, à la mesure de la croissance exponentielle des techniques de sonorisation et de communication. Et le cardinal Sarah avertit qu’il faut être courageux en matière d’écologie spirituelle : « La conquête du silence est un combat et une ascèse. Oui, il faut du courage pour se libérer de tout ce qui alourdit notre vie. »
Puis l’auteur indique les trésors que ce silence dévoile : le mystère et le sacré. « Si nous ne savons plus nous taire, alors nous serons privés du mystère, de sa lumière qui est au-delà des ténèbres, de sa beauté qui est au-delà de toute beauté. Sans le mystère, nous sommes réduits à la banalité des choses terrestres. » Il invite à réhabiliter le silence au cœur des liturgies.
Dans « La force du silence », le cardinal affronte aussi la terrible question du « silence de Dieu face au déchaînement du mal ». Il évoque la Shoah – la monstrueuse tentative d’extermination programmée des juifs d’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale -, les autres tragédies qui torturent les nations, et les tragédies intimes vécues par les malades. Il témoigne que le silence de Dieu, au cœur des douleurs humaines, est un « silence aimant et proche de la souffrance ». Et c’est l’attitude qu’il recommande au chevet d’un grand malade – il parle d’expérience – : « Il faut compatir silencieusement, aimer, et prier, avec la certitude que le seul langage qui convient à l’amour, c’est la prière et le silence. »
Car le silence ouvre aussi, de l’intérieur, à l’espérance chrétienne, reflétée par la Préface des défunts que cite le cardinal Sarah : « La vie n’est pas détruite, elle est seulement transformée ; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux ». Il constate que « le christianisme permet à l’humanité d’avoir une vision plus simple, plus sereine et plus silencieuse de la mort, loin des cris, des pleurs et du désespoir ». « Le trépas est la porte de la vie », écrit-il encore. Il invite à tourner le regard vers le Christ et vers Marie, debout au pied de la Croix.
Le cinquième et dernier chapitre réserve une surprise : après une expérience profonde vécue à la Grande Chartreuse, le cardinal Sarah a su convaincre le prieur, dom Dysmas de Lassus, ministre général de l’Ordre des chartreux, de communiquer au lecteur le goût de ce grand silence choisi qui enveloppe la vie des moines, jusqu’au cœur de l’obscurité de la nuit. Un entretien sans précédent, à trois voix, mené par Nicolas Diat.
Le prieur précise: « En chartreuse, nous ne cherchons pas le silence, mais l’intimité avec Dieu par le moyen du silence. (…) Le silence représente pour nous une ascèse et un désir. (…) Il ouvre notre espace intérieur. (…) Le silence et la solitude en chartreuse reçoivent leur sens dans ce grand désir d’intimité avec Dieu. Pour les fils de saint Bruno, le silence et la solitude sont le lieu parfait du cœur à cœur. »
Pour dom Dysmas, le « grand remède » aux « maladies du bruit » c’est « la découverte de l’amour de Dieu, de son appel à la vie éternelle, de la victoire du Christ sur la mort qui fait de cette dernière une amie, la porte qui ouvre sur la vie », avec « la miséricorde divine qui guérit de la peur du mal que nous trouvons en nous ». « L’âme de l’Ordre, c’est la soif de Dieu », résume dom Dysmas: « Nous portons en nous l’attente de l’humanité qui, sans le savoir, a soif de Dieu quand elle aspire à la paix, à la justice et à l’amour. »
Voilà l’aventure intérieure dont témoigne la chartreuse au cours des siècles, et que « La force du silence » vient proposer aussi, à sa mesure, et selon son charisme, au laïc engagé au cœur du monde,  comme au séminariste et au prêtre: un exercice spirituel pour tous.
Le point d’orgue de la présentation du cardinal Sarah, à Rome comme à Versailles, a été cette réflexion du théologien allemand d’origine italienne, Romano Guardini (1885-1968), qui n’a rien perdu de son acuité en ce XXIe siècle: « Les grandes  choses  s’accomplissent  dans  le  silence.  Non  pas  dans  le bruit  et  la  mise  en  scène  des événements extérieurs, mais dans la clarté du regard intérieur, dans le mouvement discret de la décision, dans des sacrifices et des victoires cachées, quand l’amour touche le cœur, que l’action sollicite l’esprit libre. Les puissances silencieuses sont les puissances vraiment fortes. Nous voulons appliquer notre attention à l’événement le plus caché, le plus silencieux, dont les sources secrètes sont perdues en Dieu, inaccessibles aux regards humains » (in Le Dieu vivant).
Au moment où l’Avent approche, ce silence prend comme une saveur de nuit de Noël.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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