Entretien à TV2000, capture TV2000

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Justice: "si la peine est sans espérance, ce n’est pas une peine chrétienne", affirme le pape

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Entretien à TV2000 (2/4)

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« Si la peine est sans espérance, ce n’est pas une peine chrétienne, c’est une peine pas humaine », a affirmé le pape François. Il a comparé la prison à un « purgatoire » où l’on se prépare « à une réinsertion ».

Le pape a parlé de la condition des prisonniers et des pauvres dans une interview de 40 minutes accordée à la chaîne de télévision catholique italienne TV2000.

Dans la vidéo diffusée le 20 novembre 2016, le pape raconte qu’il téléphone aux détenus qu’il a connue quand il rendait visite aux prisons de Buenos Aires: “car j’ai ce sentiment : pourquoi lui et pas moi? … le Seigneur a suffisamment de raisons pour m’envoyer en galère”.

Il dit admiré “les femmes courageuses”, épouses et mères, “qui n’ont pas honte de faire la queue” pour visiter leurs proches dans une prison.

Le plus grand ennemi de Dieu c’est l’argent, affirme aussi le pape en appelant à «lutter pour faire une Eglise pauvre pour les pauvres».

Extraits de l’interview du pape François (2/4) :

(Question sur les prisonniers et les législations qui prévoient la peine de mort ou la prison à vie)

La première partie de la question: l’autre jour, dimanche dernier, j’ai appelé une personne que je connaissais à la prison de Buenos de Aires, je lui ai demandé: «  Comment vas-tu? Bien … » … Quand j’ai un peu de temps, j’essaie d’appeler, de téléphoner aux détenus que j’ai connus quand je rendais visite aux prisons, car j’ai ce sentiment : pourquoi lui et pas moi? Si moi … mais, le Seigneur a suffisamment de raisons pour m’envoyer en galère, et lui a couvert … Car un délit ne doit pas être puni à la fin, mais doit être puni quand il commence, peut être puni quand il commence et il y en a eu des choses pas belles dans ma vie, que si le Seigneur avait enlevé sa main de mon épaule …c’est ce que veut dire «  pourquoi eux et pas moi ». Et puis, il y a cette idée assez répandue de penser que si un homme est en prison c’est parce qu’il a fait quelque chose de mal et qu’il doit donc payer. De penser à la prison comme à une punition, ça ne va pas. La prison – pouvons-nous dire entre guillemets, pour donner un exemple – c’est comme un ‘purgatoire’, je pense, c’est-à-dire pour se préparer à une réinsertion. Ce n’est pas une vraie peine sans espérance. Si la peine est sans espérance, ce n’est pas une peine chrétienne, c’est une peine pas humaine. Et c’est pourquoi la peine de mort ne va pas. Si, me diriez-vous, au XVème siècle, au XVIème siècle on tuait les criminels – la peine de mort – avec l’espérance d’aller au paradis – il y avait un aumônier qui t’envoyait au paradis. Je pense au grand abbé Joseph Cafasso là, près de sa fourche… Mais c’était une autre anthropologie, une autre culture. Aujourd’hui on ne peut pas voir les choses comme ça. Les hommes condamnés à vie aussi, non ? Je dis ceci : la condamnation à vie, si froide, est une peine de mort un peu couverte. Mais dans le cas d’une personne dont les caractéristiques psychologiques ne donnent pas une garantie de réinsertion? Il y a des formes de réinsertion par le travail, par la culture, à l’intérieur d’un certain régime carcéral, où il se sent utile à la société, surveillé, mais son âme a changé: il n’est plus celui qui commis le délit, un criminel, mais quelqu’un qui a changé de vie et maintenant fait quelque chose à l’intérieur de la prison qui le réinsère et se sent avec une autre dignité, n’est-ce pas ? C’est important. Mais le mur – la peine de mort aussi bien que la prison à vie, comme ça, comme une punition – n’aide pas. Je ne sais pas si je me suis bien expliqué. Et puis il y a une chose qui m’émeut, c’est quand je vois – ou voyais à Buenos Aires – toutes ces mamans faire la queue devant la prison pour les visites. Des femmes qui n’ont pas honte de faire la queue, devant toute la ville, car il y a les bus qui passant, les gens … «  C’est mon fils: j’y vais ». Que d’amour, eh? Une maman … Des épouses aussi qui vont là-bas et qui subissent tant d’humiliations pour entrer; mais l’humiliation aussi de faire la queue devant tout le monde … «  C’est mon fils, j’y vais ». Voir cela m’a fait beaucoup de bien et je me suis demandé: «  Et moi, est-ce que je m’expose pour mes fidèles, pour mes chrétiens ? Ou pas ? ». Pour moi, ceci a été motif de réflexion, voir ces femmes courageuses m’a fait beaucoup de bien.

(Vous dites souvent que vous aimeriez une Eglise pauvre pour les pauvres : est-ce vraiment possible, et comment ? Cela concerne l’Eglise comme institution ou en réalité chacun de nous aussi ? »

L’Eglise comme institution c’est nous tous, chacun de nous, qui devons la faire ; la communauté c’est nous. L’ennemi le plus grand – le plus grand! – de Dieu c’est l’argent. Pensez à Jésus qui a donné à l’argent un statut de seigneur, de maître quand il a dit: « Personne ne peut servir deux maîtres, deux seigneurs : Dieu et l’argent ». Dieu et les richesses. Il ne dit pas Dieu et je ne sais quelle maladie, ou Dieu et autre chose, mais l’argent. Car l’argent est l’idole. On le voit bien aujourd’hui, n’est-ce pas? Dans ce monde où l’argent semble avoir pris les commandes. L’argent est un moyen fait pour servir, et la pauvreté est au cœur de l’Evangile. Jésus parle de ce conflit: deux seigneurs, deux maîtres. Ou je m’enrôle dans l’un ou je m’enrôle dans l’autre. Je choisis le camp du Père ; ou je choisis celui qui fait de moi un esclave. Et puis la vérité: le diable entre toujours par les poches, toujours. C’est sa porte d’entrée. On doit lutter pour faire une Eglise pauvre pour les pauvres, selon l’évangile, n’est-ce pas ? On doit lutter. Et quand je lis Matthieu, au chapitre 25, qui est le protocole sur lequel nous serons jugés, je comprends mieux ce que signifie une Eglise pauvre pour les pauvres: les œuvres de miséricorde, n’est-ce pas? Au chapitre 25 de Matthieu. C’est possible mais nous devons toujours lutter car la tentation des richesses est très forte. Saint Ignace nous apprend, dans les exercices, qu’il y a trois marches: la première, la richesse qui commence à corrompre l’âme; puis la vanité, les bulles de savon [lui il dit: pompes à savon, de l’espagnol pompas de jabón ndr] une vie frivole, paraître, figurer … et puis la suffisance et l’orgueil. Et de là tous les péchés. Mais à la première marche on trouve l’argent, le manque de pauvreté. C’est pourquoi c’est difficile, et il faut continuellement, continuellement, réfléchir, s’examiner …

Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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