Journée inoubliable pour l’histoire de l’Église ce 27 avril 2014, Dimanche de la Miséricorde divine: deux papes ont été canonisés, un événement doublement inédit car deux papes étaient aussi présents lors de la célébration.
Le pape François a en effet inscrit les papes Jean XXIII et Jean-Paul II au catalogue des saints lors d’une célébration, place Saint-Pierre, en présence du pape émérite Benoît XVI et de quelque 500.000 personnes, selon le Vatican.
La foule, qui s’étendait à perte de vue jusque sur les rives du Tibre, avait empli la place Saint-Pierre dès avant l’aube, après la « nuit blanche » de prière dans les églises du centre historique de Rome. Venus notamment en grand nombre de Pologne et de Bergame, les racines de Jean-Paul II et Jean XXIII, tandis que des drapeaux du monde entier ondulaient sous un ciel couvert et une brise légère.
Des écrans géants avaient été installés tout le long des rues et des places qui rassemblaient 300 000 autres personnes – Place Navone, Place Farnèse, Forums impériaux – pour retransmettre l’événement en mondovision, grâce à 13 caméras. En tout, 93 pays et organisations internationales étaient représentés, entre autres par 24 chefs d’État et souverains, ainsi que 10 chefs de gouvernement. Plus de 26.000 volontaires régulaient le cours du fleuve humain
Un temps de prière a commencé à 9h, une heure avant la célébration, autour de textes des futurs saints papes et de la prière du chapelet de la Miséricorde divine.
Benoît XVI est arrivé quant à lui aux environs de 9h30, applaudi avec enthousiasme par la foule et il s’est assis parmi les cardinaux concélébrants. Le président italien, Giorgio Napolatino, qu’il a rencontré à plusieurs reprises au cours de son pontificat, et avec lequel il a lié une grande amitié, est venu le saluer à son arrivée.
Animée par quatre chorales – le choeur de la chapelle Sixtine, le choeur du diocèse de Rome, et ceux de Cracovie et Bergame – la célébration s’est ouverte à 10h avec la litanie des saints, tandis que les cardinaux et patriarches des Églises d’Orient arrivaient en procession en précédant le pape François. Après avoir encensé l’autel, le pape est venu embrasser chaleureusement Benoît XVI.
Saints Jean XXIII et Jean-Paul II
La célébration s’est poursuivie directement avec le rite de la canonisation, introduite par un échange entre le pape et le cardinal Angelo Amato, sdb, préfet de la Congrégation pour les causes des saints : par trois fois, le cardinal a demandé au pape d’inscrire Jean XXIII et Jean-Paul II dans le catalogue des saints, invoquant l’aide de l’Esprit-Saint par l’hymne « Viens Esprit créateur ».
Soulignant la solennité de l’acte, et la triple autorité engagée par la canonisation – celle du Christ, celle des Apôtres Pierre et Paul et celle du pape lui-même – le pape François a proclamé en latin selon la formule consacrée :
« En l’honneur de la Très Sainte et indivisible Trinité,
pour l’exaltation de la foi catholique et
la croissance de la vie chrétienne,
par l’autorité de notre Seigneur Jésus Christ,
des saints Apôtres Pierre et Paul et la Nôtre,
après avoir réfléchi longuement,
ayant imploré de nombreuses fois l’aide divine
et ayant écouté l’avis de nombreux frères,
nous déclarons et définissons comme saints
les bienheureux
Jean XXIII
et Jean-Paul II,
et nous les inscrivons au Livre des Saints,
et nous établissons qu’ils soient honorés avec piété et dévotion
parmi les saints dans l’Église universelle.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. »
L’assemblée a répondu trois fois « Amen! », applaudissant vivement les deux nouveaux saints dont les portraits sur fond bleu ornaient la façade de la basilique vaticane.
Les reliques des deux saints papes – un tissu de peau de Jean XXIII et du sang de Jean-Paul II – ont été apportées en procession au pape François qui les a vénérées, puis placées sur un piédestal auprès de l’autel fleuri de roses de l’Equateur multicolores.
Le cardinal Amato a remercié le pape au nom de l’Église, après le chant d’action de grâce « Iubilate Deo ». La liturgie s’est poursuivie avec le « Gloire à Dieu » et la liturgie de la Parole. Pour cette messe internationale, la première lecture et le psaume ont été lus en italien, la deuxième lecture en polonais. Après la séquence pascale « A la victime pascale », l’Evangile a été proclamé en latin et en grec, selon une antique tradition romaine.
Le pape de la docilité à l’Esprit et le pape de la famille
Commentant l’Évangile du jour, où Jésus présente ses plaies à l’apôtre Thomas, le pape François a souligné que les plaies glorieuses de Jésus ressuscité sont « un scandale pour la foi, mais elles sont aussi la vérification de la foi », en tant que « signe permanent de l’amour de Dieu pour nous ».
« Saint Jean XXIII et saint Jean Paul II ont eu le courage de regarder les plaies de Jésus, de toucher ses mains blessées et son côté transpercé. Ils n’ont pas eu honte de la chair du Christ, ils ne se sont pas scandalisés de lui, de sa croix ; ils n’ont pas eu honte de la chair du frère, parce qu’en toute personne souffrante ils voyaient Jésus », a-t-il ajouté.
« Jean XXIII et Jean Paul II ont collaboré avec le Saint Esprit pour restaurer et actualiser l’Église selon sa physionomie d’origine, la physionomie que lui ont donnée les saints au cours des siècles », a-t-il poursuivi en rendant hommage à Jean XXIII comme « le Pape de la docilité à l’Esprit » et à Jean Paul II comme « le Pape de la famille ».
« Qu’ils nous apprennent à ne pas nous scandaliser des plaies du Christ, et à entrer dans le mystère de la miséricorde divine qui toujours espère, toujours pardonne, parce qu’elle aime toujours », a conclu le pape en ce dimanche de la Miséricorde divine institué par Jean-Paul II.
La Prière universelle, lue en espagnol, en arabe, en anglais, en chinois et en français – par Soeur Marie Simon-Pierre, guérie de la maladie de parkinson grâce à Jean-Paul II – invoquait notamment l’intercession de Jean XXIII pour que les gouvernants rejettent toute escalade de la violence et l’intercession de Jean-Paul II pour qu’ils nourrissent une « passion pour la dignité de l’homme ».
Après la liturgie eucharistique, la célébration s’est conclue par la prière du Regina Coeli, qui remplace l’angélus durant le temps pascal. Le pape François est allé à nouveau saluer chaleureusement Benoît XVI, puis a rencontré les délégations officielles présentes, parmi lesquelles Manuel Valls, Premier ministre français, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, le président libanais Michel Sleimane,ou le vice Premier ministre turc Emrullah Isler.
Plus d’une vingtaine de pays africains étaient représentés ainsi qu’une quinzaine de pays latino-américains et 6 pays à majorité musulmane (Soudan, Turquie, Qatar, Koweït, Palestine, Bahreïn). Pour accompagner ce moment, diverses œuvres musicales ont été interprétées, parmi lesquelles la chanson en espagnol « Cherche la paix », « Busca la paz » composée sur
des paroles de Jean-Paul II par le jeune italo-argentin, Odino Faccia.
Le pape a ensuite fait un tour de la place en papamobile, descendant le long de la via della Conciliazione, et en empruntant la rue du Borgo Santo Spirito pour revenir vers le Vatican, sous les hourras de la foule agglutinée sur son passage, dans un déchaînement de tablettes, de portables, de caméscopes et d’appareils photos.