Cesena (Italie) 01/10/2017 © L’Osservatore Romano

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Il n’y a pas de baguette magique en politique (traduction complète)

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Allocution du pape François à Cesena

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Il n’y a pas de baguette magique en politique fait observer le pape François, qui parle dans ce domaine d’ « impossible perfection », mais il invite les politiciens à savoir s’excuser et reconnaître quand ils se sont trompé, et d’avoir la patience que tout ne se fait pas « en un éclair ».
Le pape a en quelque sorte brossé le portrait robot du bon politicien, ce dimanche matin, 1er octobre 2017, à Cesena (Italie) dans le cadre des célébrations du IIIe centenaire de la naissance du pape Pie VI, né le 25 décembre 1717, mort en France, prisonnier, à Valence, le 29 août 1799.
« Il faut relancer les droits de la bonne politique, son indépendance, son caractère spécifique qui est de servir le bien public, d’agir de façon à faire diminuer les inégalités, à promouvoir le bien des familles par des mesures concrètes, à fournir un cadre solide de droits-devoirs – équilibrer les deux – et à les rendre effectifs pour tous », a recommandé le pape.
Il a invité avec insistance à écouter à la fois les jeunes et les « anciens ».
Le pape a ensuite a salué et béni les malades dont les souffrances, a-t-il dit, soutiennent invisiblement le bien de la ville.
Puis le pape a rencontré les forces vives du diocèse dans la cathédrale avant de rencontrer les migrants, et à l’angélus, le monde du travail.
Le pape s’est ensuite rendu à Bologne pour rencontrer les migrants et pour un déjeuner « de solidarité ».  Il doit rencontrer les consacrés et les universitaires avant de présider la messe à 17h.
Voici notre traduction, rapide, de travail, et de l’italien, de l’allocution sur la politique.
AB
Discours du pape François
Chers frères et soeurs, bonjour!
Je suis heureux de commencer ma visite à Cesena en rencontrant les citoyens, en ce lieu si significatif pour la vie civile et sociale de votre ville. Une ville riche de civilisation et chargée d’histoire qui, parmi ses fils illustres a vu naître deux papes: Pie VI dont c’est le IIIe centenaire de la naissance, et Pie VII.
Depuis des siècles, cette place constitue le point de rencontre des citoyens et le cadre où se déroule le marché. Elle mérite donc son nom: Place du Peuple, ou simplement “la Place”, parce qu’elle est du peuple, un espace public où l’on prend des décisions importantes pour la ville, au palais communal, et où l’on lance des initiatives économiques te sociales.
La place est un lieu emblématique où les aspirations des personnes se confrontent aux exigences, aux attentes et aux songes de toute la communauté citoyenne ; où les groupes particuliers prennent conscience que leurs désirs doivent s’harmoniser avec ceux de la collectivité.
Je dirais – permettez-moi l’image – que sur cette place on « travaille la pâte » du bien commun de tous, ici, on travaille au bien commun de tous. Cette harmonisation des désirs de chacun avec ceux de la communauté fait le bien commun. Sur cette place, on apprend que si l’on ne poursuit pas le bien commun avec constance, engagement et intelligence, les personnes non plus ne peuvent pas jouir de leurs droits ni réaliser leurs plus nobles aspirations, parce que l’espace ordonné et civique où vivre et agir disparaîtrait.
Le caractère central de la place envoie par conséquent le message qui est essentiel de travailler tous ensemble pour le bien commun. Voilà la base du bon gouvernement de la ville, qui la rend belle, saine,, et accueillante, carrefour d’initiatives et moteur d’un développement durable et intégral.
Cette place, comme toutes les autres places d’Italie, rappelle la nécessité de la bonne politique pour la vie de la communauté; non pas de la politique asservie aux ambitions individuelles ou à la domination de factions ou de centres d’intérêts. Une politique qui ne soit ni esclave ni patronne, mais amie et collaboratrice; non pas peureuse ni téméraire, mais responsable et donc en même temps courageuse et prudente; qui fasse grandir l’implication des personnes, leur inclusion et leur participation progressives; qui ne laisse aucune catégorie aux marges, qui ne saccage ni ne pollue les ressources naturelles : en effet, elles ne sont pas un puits sans fond mais un trésor que nous a été donné par Dieu pour que nous en usions avec respect et intelligence. Une politique qui sache harmoniser les aspirations légitimes des personnes et des groupes en tenant bien fermement la barre en direction des intérêts de l’ensemble des citoyens.
Voilà la visage authentique de la politique et sa raison d’être: un service inestimable pour l bien de toute la collectivité. Voilà pourquoi la doctrine sociale de l’Eglise la considère comme une forme noble de la charité.
Par conséquent j’invite les jeunes à se préparer adéquatement et à s’engager personnellement dans ce domaine, en assumant dès le début la perspective du bien commun et en repoussant toute forme – même minime – de corruption. La corruption est le ver de la vocation politique. La corruption ne laisse pas la civilité grandir. Et le bon politicien a aussi sa croix quand il veut être bon parce que si souvent il doit abandonner ses idées personnelles pour prendre les initiatives des autres et les harmoniser, les joindre, afin justement de faire progresser le bien commun. Dans ce sens, le bon politicien finit toujours par être un « martyre » du service, parce qu’il laisse ses idée propres, mais il ne les abandonne pas, il en discute avec tous pour avancer vers le bien commun et c’est très beau cela.
Depuis cette place, je vous invite à considérer la noblesse de l’action politique au nom et en faveur du peuple : on la reconnaît dans une histoire et dans des valeurs partagées et elle requiert tranquillité de vie et développement ordonné. Je vous invite à exiger des protagonistes de la vie publique la cohérence de l’engagement, la préparation, la rectitude morale, la capacité d’initiative, la longanimité, la patience et la force d’âme pour affronter les défis d’aujourd’hui, sans cependant prétendre une impossible perfection.
Et quand le politicien se trompe, qu’il ait la grandeur d’âme de dire : « Je me suis trompé, excusez-moi, avançons ». C’est noble cela ! Les vicissitudes humaines et historiques et la complexité des problèmes ne permettent pas de tout résoudre tout de suite. La baguette magique ne fonctionne pas en politique. Un sain réalisme sait que même la meilleure classe dirigeante ne peu pas résoudre toutes les questions en un éclair. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’essayer d’agir en personne au lieu de se limiter à observer et à critiquer depuis le balcon ce que font les autres. C’est un défaut quand les critiques ne sont pas constructives. Si le politicien se trompe, va le lui dire, il y a tant de façons de le dire : « Mais, je crois que cela serait mieux comme ci, comme cela… » Par la presse, la radio… mais le dire de façon constructive. Et ne pas regarder du balcon, no l’observer depuis le balcon en attendant qu’il échoue.
Non, cela ne construit pas la citoyenneté. De cette façon, on trouvera la force d’assumer les responsabilités de chacun, en comprenant en même temps que, même avec l’aide de Dieu et la collaboration des hommes, il arrivera qu’on commette de toute façon des erreurs. Nous commettons tous des erreurs. « Excusez-moi, je me sui s trompé. Je reprends le juste chemin et j’avance. »
Chers frères et sœurs, cette ville, comme toute la Romagne, a été, traditionnellement, une terre de vives passions politiques. Je voudrais dire, à vous et à tous : redécouvrez aussi pour aujourd’hui la valeur de cette dimension essentielle du vivre ensemble en citoyens, apportez votre contribution, prêts à faire prévaloir le bien du tout sur celui d’une partie ; prêts à reconnaître que toute idée doit être vérifiée et remodelée en la confrontant à la réalité ; prêts à reconnaître qu’il est fondamental de lancer des initiatives en suscitant de d larges collaborations plus qu’en misant sur l’occupation de postes. Soyez exigeants avec vous-mêmes et avec les autres, en sachant que l’engagement consciencieux précédé d’une préparation adéquate portera son fruit et fera grandir le bien et même le bonheur des personnes.
Ecoutez tout le monde, tous ont le droit de faire entendre leur voix, mais écoutez spécialement les jeunes et les personnes âgées. Les jeunes parce qu’ils ont la force de réaliser les choses et les personnes âgées parce qu’elles ont la sagesse de la vie et qu’elles ont l’autorité de dire aux jeunes – même aux jeunes politiciens – : « Ecoute, jeune homme, jeune fille, sur ce point tu te trompes, prends un autre chemin, réfléchis. » Ce rapport entre les personnes âgées et les jeunes est un trésor que nous devons retrouver. C’est aujourd’hui l’heure des jeunes ? Oui, pour moitié. C’est aussi l’heure des personnes âgées, pour moitié. S’il vous plaît, prenez ce chemin ! La politique a parfois semblé ces dernières années reculer face à l’agressivité et la prégnance d’autres formes de pouvoir, comme le pouvoir financier ou médiatique. Il faut relancer les droits de la bonne politique, son indépendance, son caractère spécifique qui est de servir le bien public, d’agir de façon à faire diminuer les inégalités, à promouvoir le bien des familles par des mesures concrètes, à fournir un cadre solide de droits-devoirs – équilibrer les deux – et à les rendre effectifs pour tous.
Le peuple qui se reconnaît dans un ethos et une culture propres, attend de la bonne politique la défense et le développement harmonieux de ce patrimoine et de ses meilleurs potentiels. Prions le Seigneur pour qu’il suscite de bons politiciens qui aient vraiment à cœur la société, le peuple et le bien des pauvres. A Lui, le Dieu de la justice et de la paix, je confie la vie sociale et civique de votre ville. Merci.
© Traduction de ZENIT, Anita Bourdin

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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