P. José Tolentino da Mendonça, Ariccia , 2018 capture @ Vatican Media

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END : "L’amour ne consiste pas à saisir, mais plutôt à doter d’ailes celui que l’on aime"

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Méditation de Mgr José Tolentino Calaça de Mendonça

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« L’amour ne consiste pas à saisir, mais plutôt à doter d’ailes celui que l’on aime », souligne Mgr José Tolentino Calaça de Mendonça, archiviste et bibliothécaire de la Sainte Église romaine, devant les Equipes Notre-Dame réunies à Fatima (Portugal) pour leur 12e rassemblement international.
Le poète portugais, qui a prêché la dernière retraite de carême pour la Curie romaine, donnait les méditations quotidiennes de ce rassemblement. Nous publions ci-dessous la première, du 17 juillet 2018, sur le thème « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient ».
Mgr José Tolentino Calaça de Mendonça assure que « la relation filiale ne peut pas ne pas être une aventure de liberté » : « Si, par peur ou par tentation de domination, nous sentons que nous pouvons être maîtres du sort de nos enfants, nous avons terriblement tort ». De même, « la foi n’est pas un état d’assujettissement, mais un espace relationnel d’aventure et de risque ».
AK
Méditation de Mgr José Tolentino Calaça de Mendonça
Il est bon que la Parole de Dieu ne résonne pas sur un plan abstrait, mais qu’elle se mêle au courant de la vie, de notre vie, car alors seulement elle peut l’éclairer et la féconder. Je crois, par exemple, que de notre expérience concrète de familles, de cette communauté de parents et d’enfants que nous sommes, il est plus facile pour nous de saisir l’intensité du sens joué dans la parabole du fils prodigue. D’une façon ou d’une autre nous la vivons tous déjà : c’est pourquoi cette parabole est inoubliable et tellement stimulante pour nous. L’efficacité de cette histoire que Jésus raconte dans l’Évangile de Luc (Lc 15,11-32) découle aussi du fait qu’elle nous est si proche, collée à notre univers familial commun, de ses réussites et de ses faiblesses. Il ne fait aucun doute que Jésus nous connaît de l’intérieur et utilise des images capables de toucher le fond de notre cœur. D’abord celle qui ouvre la parabole : un fils s’adresse à son père et lui demande : « Père, donne-moi ». Cela arrive chaque jour dans toutes les familles.
La famille est un exercice permanent du don, et cet exercice quotidien et répété – nous pouvons le dire – structure sa réalité. C’est pourquoi la première partie de la phrase de l’enfant prodigue n’a rien de surprenant. Tout au long de notre biographie familiale, nous sommes appelés à donner tant de choses à nos enfants: d’abord, et en collaboration avec le Créateur, leur donner la vie; leur donner du temps, de l’amour, de la présence, de la parole; leur donner le bain et la nourriture quand ils sont petits; leur donner confiance et inspiration au fur et à mesure qu’ils grandissent; leur donner du réconfort dans les larmes et de l’humilité dans les victoires; donner, donner… Et c’est vrai que dans ce don continu de nous-mêmes à nos enfants, nous ne sentons pas que notre vie soit dépensée ou diminue, mais au contraire qu’elle se découvre heureuse et qu’elle s’élargit. Si nous considérons nos vies de mères et de pères, combien de sacrifices, de travaux et d’efforts sommes-nous prêts à faire pour répondre positivement à l’appel d’un enfant qui vient vers nous et nous demande : « Père, donne-moi ». Souvent, notre souffrance c’est de ne pas pouvoir donner à nos enfants tout ce que nous voudrions ou que nous ayons rêvé ! Et de cette souffrance, nous devons aussi faire un chemin.
Mais viendra un jour où nos enfants nous demanderont non seulement ceci ou cela, comme ils nous l’ont toujours demandé. Oui, ils nous demandent de prendre en main leur propre vie, et plus encore, que nous les y aidions. « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient ». Quand ils sont petits et que nous y pensons, nous frémissons, un frisson nous envahit comme si une épée de douleur transperçait notre âme. Puis, lorsqu’ils sont grands, nous nous habituons à cette idée, mais cela ne signifie pas que nous n’ayons pas du mal à les voir partir, quitter la maison, quitter la ville, partir au loin. « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient». Quand nous entendons cela, nous avons tellement peur : « Sont-ils préparés pour cela ? » ; « seront-ils capables de gérer sans notre présence directe ce que la vie leur présentera ? » ; « seront-ils assez forts pour fuir le mal et assez sages pour faire le bien ? ». Quelles que soient nos craintes, la relation filiale ne peut pas ne pas être une aventure de liberté. Si, par peur ou par tentation de domination, nous sentons que nous pouvons être maîtres du sort de nos enfants, nous avons terriblement tort. L’amour ne consiste pas à saisir, mais plutôt à doter d’ailes celui que l’on aime. Ce qui revient à dire : lui donner la plus haute capacité d’être, en acceptant qu’il vive son unicité. Bien sûr, ce n’est pas vraiment une chose facile. Cela exige de nous un travail intérieur de détachement, un patient apprentissage de la gratuité et de l’espoir le plus inébranlable. Mais le détachement, la gratuité et l’espoir ne sont-ils pas synonymes de l’amour ?
Lorsque le fils prodigue approche son père dans la parabole et lui demande : « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient », nous sommes bien placés pour comprendre la grandeur de ce qu’il demande. Et si nous acceptons que ce père représente le Dieu même que Jésus est venu nous révéler, alors notre étonnement augmente. Cependant, il est curieux que le père de la parabole ne pose pas de questions pour essayer de gagner du temps ni négocie des conditions pour lui confier l’héritage. Dieu donne. L’amour que Dieu a pour nous, ses enfants, est un amour inconditionnel. La foi n’est pas un état d’assujettissement, mais un espace relationnel d’aventure et de risque. Dans la foi, nous découvrons ce que disait la philosophe Simone Weil : qu’avoir foi en Dieu, c’est tout d’abord comprendre et s’émerveiller de la foi que Dieu met en nous. « Qu’est donc le mortel, que tu en gardes mémoire, le fils d’Adam, que tu en prennes souci ? » (Ps 8,4). En effet, Dieu voit en nous une beauté que nous n’osons même pas imaginer. Mais Dieu la voit et ne cesse de la chuchoter à notre cœur vulnérable, tout en renforçant notre liberté. Sur la liberté, saint Paul rappellera aux chrétiens de Galatie : « C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés » (Ga 5,1). Aujourd’hui, nous aurons l’occasion de réfléchir sur l’horizon et la joie de la liberté chrétienne. Commençons cette matinée en le priant, en le contemplant d’une manière très personnelle, en y prêtant du temps intérieur. Dieu nous écoute lorsque nous lui disons : « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient ». Que signifie donc pour nous ce geste de confiance de Dieu ?

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Rédaction

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