Mgr Bernardito Auza @ Holy See Mission

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Changement climatique : les pays pauvres 5 fois plus vulnérables, par Mgr Auza

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Le St-Siège tire la sonnette d’alarme (Traduction intégrale)

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Si « les catastrophes liées au climat affectent tous les pays, riches et pauvres », fait observer Mgr Auza, « ce sont les plus pauvres qui paient le plus cher ». Il existe, explique-t-il, une « corrélation entre l’extrême pauvreté et les effets du changement climatique et des catastrophes liées au climat ». Des études récentes montrent en effet que « les personnes vivant dans des pays pauvres sont cinq fois plus susceptibles d’être déplacées par des conditions climatiques extrêmes que leurs homologues des pays riches ».

Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Organisation des Nations Unies, est intervenu au Débat ouvert du Conseil de Sécurité sur le thème : Incidences des catastrophes liées au climat sur la paix et la sécurité internationales, le 25 janvier 2019 à New York.

« Nous devons agir de toute urgence », alerte le représentant du Saint-Siège pour qui « il faut faire preuve d’une plus grande sensibilité et pro-activité afin de prévenir des conflits qui surviennent trop souvent lorsque la stabilité nationale et régionale est affectée par le manque d’accès à la nourriture et à l’eau potable et par leur incidence inévitable sur le mouvement des populations ». Il demande « des solutions ambitieuses, cohérentes et orientées vers l’action, dans le respect de la planète et le souci du développement intégral de tous ».

Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Auza.

HG

Intervention de Mgr Bernardito Auza

Monsieur le Président,

Le Saint-Siège remercie la présidence de la République dominicaine d’avoir organisé ce débat ouvert sur les incidences des catastrophes liées au climat sur la paix et la sécurité internationales. Le secrétaire général a déclaré que « le changement climatique est la question déterminante de notre temps et que nous sommes maintenant à un moment décisif » (1). C’est pourquoi ce débat est si opportun.

Les catastrophes liées au climat affectent tous les pays, riches et pauvres. Nous sommes témoins des effets des conditions climatiques extrêmes dans le monde, des Caraïbes au Pacifique.

Au cours de l’année écoulée, « les habitants de plusieurs régions des Amérique et d’Asie du Sud-est ont été frappés par une détresse et d’immenses souffrances causées par de fortes pluies, des inondations, des feux, des tremblements de terre et la sécheresse » (2). En août dernier, au Kerala, de fortes précipitations ont provoqué des inondations qui ont entraîné des pertes massives en vies humaines et des déplacements de population tandis que, dans d’autres parties de la planète, les pluies ont été insuffisantes « et la sécheresse et la désertification ont accru le risque d’instabilité et de conflit en raison de la perte de moyens de subsistance et de l’insécurité alimentaire, (3) augmentant ainsi le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire.

Outre les pertes tragiques en vies humaines causées par ces changements climatiques extrêmes et les coûts financiers massifs qu’entraînent de telles catastrophes, il faut faire preuve d’une plus grande sensibilité et pro-activité afin de prévenir des conflits qui surviennent trop souvent lorsque la stabilité nationale et régionale est affectée par le manque d’accès à la nourriture et à l’eau potable et par leur incidence inévitable sur le mouvement des populations, entraînant parfois un déplacement forcé et prolongé. Qu’il suffise de rappeler comment les tensions se sont accrues à cause du phénomène saisonnier de la transhumance, car la discorde entre agriculteurs et éleveurs, qui se disputent des ressources limitées ou décroissantes, est aggravée et, dans certains cas, devient un facteur supplémentaire d’instabilité, en particulier dans les régions où les groupes armés sont présents, profitant de l’absence de structures étatiques et de la mauvaise gouvernance.

Dans le bassin du Lac Tchad, qui a longtemps fourni une source de vie dans le désert pour des millions de personnes, nous sommes confrontés, en raison des conflits régionaux en cours et de la menace de l’expansion extrémiste, à des réfugiés et à des populations déplacées qui luttent pour trouver de l’eau, sans parler de l’impact sur la pêche, aggravant la pauvreté et laissant des populations déjà extrêmement vulnérables dans des conditions encore plus dramatiques. Si les catastrophes climatiques extrêmes frappent sans discrimination, ces exemples montrent que ce sont les plus pauvres qui paient le plus cher. Selon des études récentes, les personnes vivant dans des pays pauvres sont cinq fois plus susceptibles d’être déplacées par des conditions climatiques extrêmes que leurs homologues des pays riches (4).

La corrélation entre l’extrême pauvreté et les effets du changement climatique et des catastrophes liées au climat, y compris les impacts négatifs que cette pauvreté peut avoir sur la vulnérabilité des individus aux tactiques de recrutement par des groupes armés non-étatiques, démontre la nécessité d’avoir un travail décent, de la formation, de l’éducation, de la solidarité, de la protection sociale et du respect pour les droits humains fondamentaux, en particulier pour les personnes les plus vulnérables aux extrêmes climatiques (5).

Nous devons agir de toute urgence. Le récent rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a mis en lumière cinq éléments essentiels d’une réponse mondiale au changement climatique : renforcer la gouvernance à plusieurs niveaux, améliorer les capacités institutionnelles, promouvoir l’innovation technologique, renforcer les instruments politiques et le financement de la lutte contre le changement climatique, et permettre un changement des modes de vie et des comportements (6). Il faut agir immédiatement sur ces éléments non seulement pour empêcher les conséquences multiples de la hausse des températures sur notre maison commune, mais également pour éviter que des catastrophes climatiques évitables n’affectent la paix et la sécurité. Ces actions s’inscrivent dans le cadre de la « conversion écologique » que le Pape François encourage vivement la communauté internationale et chaque personne à vivre (7).

  1. le Président,

Ce débat ouvert est l’occasion de se pencher sérieusement sur certains de ces problèmes et de proposer des solutions ambitieuses, cohérentes et orientées vers l’action, dans le respect de la planète et le souci du développement intégral de tous. S’adressant aux diplomates accrédités auprès du Saint-Siège au début de cette nouvelle année, le pape François a exprimé l’espoir d’un « engagement plus résolu des États à renforcer la coopération pour lutter d’urgence contre le phénomène inquiétant du réchauffement climatique ». A cet égard, « l’appui de la communauté internationale est urgent pour favoriser le développement des infrastructures, la croissance des perspectives pour les générations futures et l’émancipation des secteurs les plus vulnérables de la société » [8], de peur que ceux-ci ne soient contraints de se battre pour la nourriture et de faire la guerre pour l’eau parce que nous ne faisons rien.

Merci, Monsieur le Président.

  1. Observations du secrétaire général sur les changements climatiques, New York, 10 septembre 2018.
  2. Pape François, Discours aux membres du Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège pour l’échange traditionnel des vœux du Nouvel An, 7 janvier 2019.
  3. Lettre datée du 2 janvier 2019, adressée au secrétaire général par le représentant permanent de la République dominicaine auprès de l’Organisation des Nations Unies, S/2019/1.
  4. Déraciné par le changement climatique, Oxfam International, novembre 2017.
  5. Cardinal Pietro Parolin, Intervention au débat de haut niveau de la XXIVe session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Katowice (Pologne), 3 décembre 2018.
  6. Global Warming of 1.5 Degrees C, Rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, chapitre 4, octobre 2018.
  7. Laudato si’, points 216-221.
  8. Pape François, Discours aux membres du Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège pour l’échange traditionnel des vœux du Nouvel An, 7 janvier 2019.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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