Benoît XVI et le pape François, 27/06/2017 © Vatican Media

Benoît XVI et le pape François, 27/06/2017 © Vatican Media

"Cette «voie pénitentielle» qui unit deux pontificats", par Andrea Tornielli

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Une réponse «profondément et simplement chrétienne»

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«Cette « voie pénitentielle » qui unit deux pontificats»: le directeur éditorial du dicastère du Vatican pour la communication, Andrea Tornielli, fait observer, dans L’Osservatore Romano en italien, des 15-16 avril 2019, l’unité profonde des pontificats de Benoît XVI et du pape François, au moment où de très nombreuses lectures de l’intervention du pape émérite, le 11 avril, dans la revue du clergé bavarois «Klerusblatt», sur la crise de la pédophilie dans l’Eglise, suscite au contraire une lecture en opposition.
«La réponse de Benoît d’abord, et de François ensuite, est profondément et simplement chrétienne. Pour le comprendre, il suffit de relire trois documents. Trois lettres au peuple de Dieu, en Irlande, au Chili et dans le monde entier, que deux papes ont écrites dans les moments de plus grande tension en raison des scandales», souligne Tornielli, en bon historien, qui s’appuie sur la mémoire des documents.
Le pape émérite aura 92 ans demain, 16 avril 2019. Le pape François lui a rendu visite, ce 15 avril pour lui souhaiter un bon anniversaire et lui présenter ses voeux de Pâques, annonce le Vatican.
Voici notre traduction, de l’italien, de la prise de position d’Andrea Tornielli.
AB
Cette « voie pénitentielle » qui unit deux pontificats
Le pape émérite atteint l’âge de 92 ans et cette fois-ci, son anniversaire est accompagné d’un vif débat autour d’un de ses écrits, quelques « notes » – comme il les a appelées – consacrées au thème des abus sur des mineurs. Dans ce texte, Benoît XVI se demande quelles sont les réponses justes au fléau des abus et il écrit : « L’antidote au mal qui nous menace, ainsi que le monde entier, ne peut en dernier recours que consister dans le fait que nous nous abandonnions » à l’amour de Dieu. Aucune espérance ne peut exister dans une Église que nous ferions nous-mêmes, construite par les mains de l’homme, qui se fie à ses propres capacités. « Si nous réfléchissons à ce qu’il faut faire, il est clair que nous n’avons pas besoin d’une autre Église que nous inventerions ». Aujourd’hui, « l’Église est vue en grande partie comme une sorte de système politique » et « la crise provoquée par de nombreux cas d’abus commis par des prêtres pousse à considérer carrément l’Église comme quelque chose de raté que nous devons résolument prendre en main nous-mêmes et former d’une nouvelle manière. Mais une Église qui serait faite par nous ne peut représenter aucune espérance ».
En célébrant l’anniversaire de Joseph Ratzinger, il peut être utile de souligner l’approche que tant Benoît XVI que son successeur François ont gardée face aux scandales et aux abus sur mineurs. Une réponse peu médiatique et peu retentissante qui ne se prête pas à être réduite à un slogan. C’est une réponse qui ne met pas sa confiance dans les structures (bien qu’elles soient nécessaires), dans les nouvelles normes d’urgence (tout aussi nécessaires) ou dans les protocoles de plus en plus détaillés et précis pour garantir la sécurité des enfants (de toute façon indispensables) : tous ces instruments sont déjà définis et en voie de l’être.
La réponse de Benoît d’abord, et de François ensuite, est profondément et simplement chrétienne. Pour le comprendre, il suffit de relire trois documents. Trois lettres au peuple de Dieu, en Irlande, au Chili et dans le monde entier, que deux papes ont écrites dans les moments de plus grande tension en raison des scandales.
Écrivant aux fidèles d’Irlande, en mars 2010, le pape Ratzinger expliquait que « les mesures pour s’occuper de manière juste des crimes individuels sont essentielles, toutefois, seules, elles ne sont pas suffisantes : il faut une nouvelle vision pour inspirer la génération présente et les générations futures à faire grandir le don de notre foi commune ».
Benoît XVI invitait « tout le monde à dédier vos pénitences du vendredi, pendant une année entière, à partir de maintenant jusqu’à Pâques 2011, à cet objectif. Je vous demande d’offrir votre jeûne, votre prière, votre lecture de l’Écriture sainte et vos œuvres de miséricorde pour obtenir la grâce de la guérison et du renouveau pour l’Église en Irlande. Je vous encourage à redécouvrir le sacrement de la réconciliation et à profiter plus fréquemment de la force transformatrice de sa grâce ».
« Il faudra aussi, ajoutait le pape, réserver une attention particulière à l’adoration eucharistique ». Prière, adoration, jeûne et pénitence. L’Église n’accuse pas des ennemis extérieurs, elle est consciente que l’attaque la plus forte vient des ennemis intérieurs et du péché dans l’Église. Et le remède proposé est la redécouverte de l’essentiel de la foi et d’une Église « pénitentielle », qui reconnaît avoir besoin de pardon et d’aide d’En-haut. Le cœur du message, empreint d’humilité, de souffrance, de honte et de contrition, mais en même temps ouvert à l’espérance, est le regard chrétien, évangélique.
Huit ans plus tard, le 1er juin 2018, une autre lettre d’un pape est publiée, adressée aux chrétiens d’un pays frappé par le scandale de la pédophilie. C’est celle que François envoie aux laïcs chiliens. « Faire appel à vous, vous demander de prier – écrit-il – n’était pas un recours fonctionnel usuel, ni un simple geste de bonne volonté », mais au contraire « je voulais situer le problème là où il doit être : le statut du Peuple de Dieu… Le renouvellement de la hiérarchie ecclésiale par elle-même ne génère pas la transformation à laquelle le Saint-Esprit nous pousse. Nous sommes tenus de promouvoir conjointement une transformation ecclésiale qui nous concerne tous ».
Le pape Bergoglio insiste sur le fait que l’Église ne se construit pas toute seule, ne s’appuie pas sur elle-même : « Une Église avec des plaies ne se met pas au centre, ne se croit pas parfaite, ne cherche pas à couvrir et à cacher son mal, elle se remet plutôt au seul qui peut guérir les blessures et qui a pour nom Jésus-Christ ».
Nous arrivons ainsi au 20 août 2018, à la lettre de François au peuple de Dieu sur la question des abus. La première qu’un pape ait adressée sur ce thème aux fidèles du monde entier. Ce nouvel appel au peuple de Dieu se termine aussi de la même façon : « Pour cela, la prière et la pénitence nous aideront. J’invite tout le saint peuple fidèle de Dieu à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne, conformément au commandement du Seigneur, pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du “jamais plus” à tout type et forme d’abus ».
En outre, la pénitence et la prière « En même temps, la pénitence et la prière nous aideront à sensibiliser nos yeux et notre cœur à la souffrance de l’autre et à vaincre l’appétit de domination et de possession, très souvent à l’origine de ces maux ».
Encore une fois, François suggère une voie pénitentielle, très loin de tout triomphalisme – comme il l’a redit dans son homélie de ce Dimanche des Rameaux – et de l’image d’une Église forte et protagoniste, qui cherche à cacher ses faiblesses et son péché. La même réponse que son prédécesseur.
Copyright: traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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