"Cap Anamur" : Des réfugiés "du Soudan" pour un missionnaire, pas pour le ministère

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Les enjeux: l’asile politique et « l’image » internationale du Soudan

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CITE DU VATICAN, Jeudi 15 juillet 2004 (ZENIT.org) – Demander à des personnes qui n’ont jamais vu une carte géographique d’indiquer sur l’une d’elles le pays d’où elles viennent : ce procédé est dénoncé par un missionnaire italien, qui conteste les conclusions des autorités sur l’identité de passagers clandestins du « Cap Anamur » un navire arrivé sur les côtes de Sicile. Pour lui, ils sont bien Soudanais, chassés par la situation dramatique du Darfour, et ont droit à l’asile politique. L’agence missionnaire italienne Misna raconte.

« Les réfugiés ont été placés devant une carte géographique et il leur a été demandé, explique un missionnaire, d’indiquer où se trouve le Soudan. Nombre d’entre eux n’ont jamais vu une carte géographique de leur vie. Comment peut-on penser que cela constitue une preuve? ». Le Père Cosimo Spadavecchia, missionnaire combonien qui a passé plus de 30 ans de sa vie entre le Soudan et l’Egypte, est resté aux côtés des 37 réfugiés du Cap Anamur ces derniers jours et il n’a aucun doute quant à la nationalité de la majorité d’entre eux. Les déclarations du missionnaire sont en opposition avec celles du ministère de l’Intérieur et avec les propos du ministre de l’Intérieur, M. Giuseppe Pisanu.

« De Rome ils peuvent dire ce qu’ils veulent, ces jeunes m’ont dit qu’ils sont soudanais et je ne vois pas pourquoi je ne devrais pas les croire », s’exclame père Spadavecchia, qui s’est entretenu avec la plupart des demandeurs d’asile africains.

« Je suis soudanais, je ne parle pas anglais, mes parents sont soudanais du Darfour et aujourd’hui on continue de me demander de nier mes origines »: c’est ce qu’a dit en larmes l’un des 37 réfugiés récupéré en mer sur le Cap Anamur, en exprimant au missionnaire combonien toute sa colère dans un moment de désespoir; ce dernier l’a raconté à l’agence Misna.

Le Père Spadavecchia répète que « la majorité de ces jeunes sont d’origine soudanaise. Je voudrais préciser que j’ai vécu, comme missionnaire, pendant 18 ans au Soudan (surtout dans l’ouest) et pendant 18 autres années je suis resté avec des réfugiés soudanais (originaires des quatre coins du Soudan) en Egypte. Mes constatations sont basées sur leurs noms, sur leur façon de se saluer matin et soir », raconte encore le missionnaire qui a passé trois nuits et trois jours à bord du Cap Anamur avec les demandeurs d’asile, « sur la façon dont ils prient, sur leurs réactions face à la situation désespérée dans laquelle ils se trouvent: de tout cela j’ai compris qu’ils proviennent d’un théâtre de guerre, mais surtout leur origine soudanaise a émergé clairement de la façon dont ils ont parlé avec moi, en arabe comme en anglais ».

Selon le ministère italien de l’intérieur – appelé « le Viminal » d’après la colline romaine où il a son siège – les 37 demandeurs d’asile ne seraient pas soudanais, sur la base de la déclaration d’un diplomate présumé soudanais, qui ces derniers jours aurait rencontré les réfugiés, niant leur provenance, explique Misna.

« Quel intérêt pourrait avoir le consul soudanais à confirmer que parmi les réfugiés du Cap Anamur se trouvent quelques-uns de ses compatriotes, sans doute originaires du Darfour? » a commenté à Misna un des plus hauts représentants de la diaspora soudanaise en Italie, sous couvert de l’anonymat, pour des motifs de sécurité. « Au contraire, il devrait expliquer pour quelle raison ils fuient du pays. Khartoum cherche d’ailleurs de longue date à minimiser les proportions de la guerre du Darfour pour ne pas causer trop de dommages à son image internationale », conclut le témoin contacté par Misna.

Les 37 demandeurs d’asile continuent d’avoir peur, explique l’agence, enfermés dans le Centre de permanence temporaire (CPT) de Caltanissetta, et isolés du monde extérieur par les hautes clôtures de fil barbelé, dans une petite structure à proximité du stade communal, surveillée par la police, et les contacts sont difficiles. Les longues journées passées dans la soute, dans la tension et la frénésie au large des côtes de Port Empédocle, le débarquement, leur passage aux mains de la police italienne, le transfert mouvementé d’hier du CPT d’Agrigente au CPT de Caltanissetta, alimentent l’incertitude et la confusion de ces jeunes et les rendront difficilement coopérants, souligne Misna.

« Les Africains ne te dévoilent pas leur passé du matin au soir, surtout s’il est négatif. Il faut du temps et de la patience, et il est nécessaire d’établir avec eux un rapport d’amitié. Pour nombre d’entre eux raconter leur vie signifie la revivre et leur histoire, quelle que soit leur provenance géographique, est faite de souffrance et de douleur, souvent aussi de guerre et de mort », conclut père Cosimo Spadavecchia. A l’extérieur du CPT depuis ce matin quelques représentants d’associations locales se sont rassemblés.

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ZENIT Staff

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