Les Assomptionnistes allaient promouvoir les pèlerinages alors que leur fondateur le P. d’Alzon estimait qu’on « peut prier sans pèleriner », paradoxe (cf. www.assomption.org).
Un homme en son siècle
Les historiens du P. d’Alzon ( 1810- 1880 ), fondateur en 1845 de la Congrégation des Religieux de l’Assomption dits Assomptionnistes, ne s’attardent guère en général sur la ‘pratique pèlerine’ de celui dont on dit que les fils ressuscitèrent dans les années 1872 les pèlerinages de l’époque moderne. Ce silence peut s’expliquer par l’évidente notoriété des premiers disciples du P. d’Alzon qui lancent des pèlerinages vers les grands centres de la chrétienté, Rome ou Jérusalem, un peu sur le mode revisité des croisés, à la fois tapageur, provocant et combatif, dans le contexte des prédications et manifestations de foi revendicatrices sur la place publique des ‘droits de Dieu’, des droits de l’Eglise ou encore des droits du pape-roi après 1870.
A plus d’un siècle de distance, nos pouvons faire justice, en dehors de la question un peu accessoire d’une paternité réelle ou supposée dans la reprise des grands pèlerinages, aux uns et aux autres, de leurs intentions sinon des interprétations auxquelles ont donné lieu leurs faits et gestes. Nous connaissons mieux le milieu porteur dans lequel est né le courant rénovateur des pèlerinages à la fin du XIX ème siècle, grâce notamment aux études et aux différentes manifestations qui ont accompagné la célébration du centenaire de la mort du P. d’Alzon.
A la manière de son siècle, dans le climat ascendant de la piété ultramontaine et dans la ferveur d’une religion populaire à évangéliser, le P. d’Alzon prône et pratique cette reprise de possession du sol public et du grand air, et ce d’autant plus fermement, après le Second Empire, que la société civile tend à se séculariser et à n’accorder aux Eglises et aux catholiques en particulier que l’espace d’un culte privé.
Cependant l’action du P. d’Alzon en ce domaine ne dépasse guère au départ le cadre d’une conduite personnelle ou privée, étendue certes sur le plan local et diocésain, à la direction de quelques pèlerinages, mais en des temps et des lieux bien définis, tout à fait concordants avec la pratique générale des diocèses. Encore en 1875, le P. d’Alzon écrit au P. Picard qu’il » estime que le moment est venu de laisser aux évêques la direction des pèlerinages. C’est ma plus profonde conviction. Vous aurez des ennuis pour rien. La question des œuvres nous tant éparpiller. On peut prier sans pèleriner ou sans diriger soi-même les pèlerinages « .
Il est très suggestif de constater que les Constitutions écrites de sa main, tant en 1855 qu’en 1865 ne mentionnent aucunement dans l’énumération des activités apostoliques pour les religieux le mot ou même l’idée expresse des pèlerinages, même si l’expression générale de ‘œuvres de charité’, plus tarde celle de ‘propagande’ peut les sous-entendre ‘comme un moyen de retenir les hommes dans la pratique de leurs devoirs chrétiens’, mais au même titre que d’autres activités d’apostolat ou de piété non détaillées, donc sans relief particulier.
(à suivre)