CITE DU VATICAN, Vendredi 7 novembre 2003 (ZENIT.org) – A Hongkong, les déplacements répétés et prolongés pour cause professionnelle sur le continent constituent une menace pour la vie de famille, estiment des travailleurs sociaux, selon « Eglises d’Asie » (eglasie.mepasie.org), l’agence des Missions étrangères de Paris.
Agé de 34 ans, technicien en logistique, Wong Wai-ming, passe très fréquemment la frontière pour aller travailler en Chine continentale. Résidant de Hongkong, il estime que ses fréquents déplacements, surtout lorsque ceux-ci se prolongent au-delà de 24 heures, finissent par avoir un impact négatif sur sa famille. D’un côté, sa femme et ses enfants lui manquent et, de l’autre côté, son épouse se plaint de ses absences répétées. Le cas de Wong Wai-ming n’est pas isolé. A partir du milieu des années 1980, de nombreuses usines et entreprises de Hongkong sont parties s’installer dans la région du delta des perles et la province du Guangdong, pour bénéficier des faibles coûts de main d’œuvre et d’exploitation offerts par la Chine du Sud. De ce fait, les suppressions d’emplois ont été nombreuses à Hongkong et ceux qui ont conservé leur emploi ont dû accepter de souvent voyager entre Hongkong et la Chine, voire de déménager sur le continent. Selon les économistes de Hongkong, cette tendance n’est pas près de s’inverser, de récents accords économiques signés entre Hongkong et Pékin autorisant une interpénétration toujours plus grande des deux économies. Si les milieux économiques espèrent que cette interpénétration permettra de sortir l’économie hongkongaise du marasme dans lequel elle est plongée depuis plusieurs années, des travailleurs sociaux mettent l’accent sur les coûts humains et familiaux que cette évolution comporte.
Selon Ip Wai-chi, président de l’Association des chauffeurs routiers de Hongkong, ce sont les familles en premier lieu qui souffrent de l’augmentation continue des déplacements de Hongkongais sur le continent. Il a expliqué que les routiers concernés sont contraints à passer de moins en moins de temps chez eux et que leurs absences prolongées et répétées amènent leurs épouses à nourrir des soupçons sur leur conduite en Chine continentale. Selon une étude menée par l’Association, 20 à 30 % des chauffeurs routiers qui font la navette entre Hongkong et le Guangdong ont des relations sexuelles extraconjugales en Chine. Au cours d’un récent colloque organisé à l’Université chinoise de Hongkong, Angie Lai, coordinateur du service pour la famille de la Caritas Hongkong, a confirmé les témoignages des travailleurs sociaux constatant la « pression » et « les effets négatifs » au sein des familles où l’un des époux est fréquemment amené à passer la nuit en Chine continentale.
Organisé par le Centre de recherche sur la discrimination sexuelle et l’Institut des Etudes de l’Asie-Pacifique, deux organismes rattachés à l’Université chinoise de Hongkong, le colloque avait pour thème l’étude des « effets du phénomène transfrontalier sur la famille ». Pour Angie Lai, si la crainte du chômage et la recherche de revenus plus élevés poussent de nombreux Hongkongais à accepter, voire à rechercher, un emploi impliquant de fréquents déplacements transfrontaliers, les conséquences sur la vie sont désormais visibles. Les couples sont soumis à une pression affective croissante, a-t-elle affirmé, expliquant que, d’un côté, les travailleurs frontaliers, généralement les maris, connaissent mal le fonctionnement et les habitudes du travail en Chine, tandis que, de l’autre côté, restées à Hongkong, les épouses se trouvent obligées d’assumer seules les responsabilités familiales et craignent les relations extraconjugales de leur conjoint. Toujours selon Angie Lai, une étude de la Caritas en 1995 a établi que 72 % des cas d’adultères se comptaient dans les foyers des travailleurs frontaliers. En 1997, sur 3 289 appels à l’aide sur la ligne de téléphone ouverte par la Caritas pour les questions ayant trait à la famille, 702 concernaient des relations extraconjugales transfrontalières.
Selon Fanny Cheung Mui-ching, psychologue, qui a pris part au colloque, bien que les bénéfices politiques et économiques des accords de libre-échange entre Hongkong et Pékin aient été débattus à Hongkong, « leurs conséquences sur les familles ont à peine retenu l’attention ». Or, estime-t-elle, celles-ci sont « graves ».
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