ROME, Vendredi 23 mars 2007 (ZENIT.org) –Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du Dimanche de Pâques proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 20, 1-9
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
© AELF
Il est ressuscité
Il y a des hommes – nous le voyons dans le phénomène des terroristes kamikazes – qui meurent pour une cause erronée ou même injuste, convaincus, à tort, même s’ils sont de bonne foi, que celle-ci est bonne. La mort du Christ elle-même, ne témoigne pas en soi de la vérité de sa cause mais uniquement du fait qu’il croyait à la vérité de sa cause. La mort du Christ est le témoignage suprême de sa charité, mais pas de sa vérité. Le seul témoignage approprié de sa vérité est la résurrection. « La foi des chrétiens, dit saint Augustin, est la résurrection du Christ. Il n’est pas difficile de croire que Jésus est mort ; les païens le croient également, tout le monde le croit. Mais ce qui est vraiment grand, c’est de croire qu’il est ressuscité ».
Mais, fidèles à l’objectif qui nous a guidés jusqu’ici, nous sommes cependant contraints de laisser la foi de côté pour le moment, et de nous en tenir à l’histoire. Nous allons tenter de répondre à la question : pouvons-nous ou non, définir la résurrection du Christ comme un événement historique, dans le sens commun du terme, c’est-à-dire de quelque chose qui s’est « réellement produit » ?
Deux faits s’offrent à la considération de l’historien et lui permettent de parler de la résurrection : tout d’abord, la foi soudaine et inexplicable des disciples, une foi d’une ténacité telle, qu’elle résiste même à l’épreuve du martyre ; deuxièmement, l’explication de cette foi que les intéressés, c’est-à-dire les disciples, nous ont laissée. Au moment décisif, lorsque Jésus fut arrêté et exécuté, les disciples n’étaient dans l’attente d’aucune résurrection. Ils prirent la fuite et considérèrent que le cas de Jésus était clos.
Il a donc dû se produire quelque chose qui, en peu de temps, a non seulement provoqué le changement radical de leur état d’âme mais les a conduits à une activité complètement nouvelle et à la fondation de l’Eglise. Ce « quelque chose » est le noyau historique de la foi de Pâques.
Le témoignage le plus ancien de la résurrection est celui de Paul qui dit : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures, qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de 500 frères à la fois — la plupart d’entre eux demeurent jusqu’à présent et quelques-uns se sont endormis — ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Et, en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi, comme à l’avorton ». (1 Co 15, 3-8).
Ces paroles ont été écrites en 56 ou 57 après J.C. Le noyau central du texte cependant, est constitué d’un credo antérieur, que saint Paul dit avoir lui-même reçu d’autres personnes. Si l’on tient compte du fait que Paul apprit ces formules immédiatement après sa conversion, nous pouvons les faire remonter à environ 35 après J.C, c’est-à-dire à cinq, six ans après la mort du Christ. Un témoignage d’une rare valeur historique, par conséquent.
Les récits des évangélistes furent écrits quelques décennies plus tard et reflètent une phase ultérieure de la réflexion de l’Eglise. Le noyau central du témoignage demeure toutefois inchangé : le Seigneur est ressuscité et est apparu vivant. A cela s’ajoute un élément nouveau, peut-être déterminé par une préoccupation apologétique et donc de moindre valeur historique : l’insistance sur le fait du sépulcre vide. Pour les évangiles également, les apparitions du Ressuscité restent le fait décisif.
Les apparitions témoignent toutefois également de la nouvelle dimension du Ressuscité, sa manière d’être « selon l’Esprit », qui est nouvelle et différente de la manière d’être antérieure, « selon la chair ». Il ne peut pas être reconnu par exemple par toute personne qui le voit mais seulement par celui de qui il se fait connaître. Son corps est différent d’avant. Il est libre des lois physiques : il entre et sort à portes closes ; il apparaît et disparaît.
Rudolf Bultmann avance une explication différente de la résurrection, encore reproposée par certains, selon laquelle il s’agit de visions psychogènes, c’est-à-dire de phénomènes subjectifs, du genre des hallucinations. Mais si cela était vrai, ce serait en définitive un miracle aussi grand que celui que l’on veut éviter d’admettre. Cela suppose en effet que des personnes différentes, dans des situations et des lieux différents, aient toutes eu la même impression, ou hallucination.
Les disciples n’ont pas pu se tromper : ils étaient des personnes concrètes, des pêcheurs, loin d’être enclins à avoir des visions. Au départ, ils ne croient pas ; Jésus doit presque forcer leur résistance : « Ô cœurs… lents à croire ! ». Ils n’ont pas pu vouloir tromper les autres non plus. Tous leurs intérêts y étaient opposés ; ils auraient été les premiers à se sentir trompés par Jésus. S’il n’était pas ressuscité, à quoi cela servait-il d’affronter la persécution et la mort pour lui ? Quel avantage matériel en tiraient-ils ?
Après avoir nié le caractère historique, c’est-à-dire le caractère objectif et pas seulement subjectif de la résurrection, la naissance de l’Eglise et de la foi devient un mystère encore plus inexplicable que celui de la résurrection elle-même. L’on a remarqué à juste titre que : « L’idée que l’imposant édifice de l’histoire du christianisme soit comme une énorme pyramide placée en équilibre sur un fait insignifiant est certainement moins crédible que l’affirmation selon laquelle l’événement dans son ensemble – c’est-à-dire l’état de fait et la signification inhérente à cet état de fait – ait réellement occupé une place dans l’histoire comparable à celle que lui attribue le Nouveau Testament ».
Quel est alors le résultat de la recherche historique à propos de la résurrection ?
Nous le saisissons dans les paroles des disciples d’Emmaüs : le matin de Pâques, quelques disciples se sont rendus au sépulcre de Jésus et ont trouvé les choses comme l’avaient rapporté les femmes, qui y étaient allées avant eux, « mais lui, ils ne l’ont pas vu ». L’histoire également se rend au sépulcre de Jésus et d
oit constater que les choses sont comme les témoins l’ont affirmé. Mais lui, le Ressuscité, elle ne le voit pas. Il ne suffit pas de constater historiquement, il faut voir le Ressuscité et cela, l’histoire ne peut le donner, seule la foi peut le faire.
L’ange qui apparut aux femmes, le matin de Pâques, leur dit : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (Lc 24, 5). Je vous confesse qu’au terme de ces réflexions je sens ce reproche comme s’il m’était adressé à moi également. Comme si l’ange me disait : « Pourquoi t’attardes-tu à chercher parmi les arguments morts de l’histoire, celui qui est vivant et qui agit dans l’Eglise et dans le monde ? Va plutôt et dis à tes frères qu’il est ressuscité ».
Si cela ne dépendait que de moi, je ne voudrais faire que cela. J’ai laissé depuis trente ans l’enseignement de l’histoire des origines chrétiennes pour me consacrer à l’annonce du royaume de Dieu, mais ces derniers temps, face aux négations radicales et infondées de la vérité des évangiles, je me suis sentis obligé de reprendre mes outils de travail. D’où la décision d’utiliser ces commentaires des évangiles du dimanche pour enrayer une tendance souvent provoquée par des intérêts commerciaux, et donner à ceux qui par hasard, les liront, la possibilité de se faire une opinion sur Jésus, moins influencée par le tapage publicitaire.