Pour l’archevêque d’Alger, la condamnation du prêtre catholique semble « exagérée »

Entretien accordé à « L’Osservatore Romano »

Share this Entry

ROME, Lundi 18 février 2008 (ZENIT.org) – Le 30 janvier dernier, un prêtre catholique a été condamné par le tribunal d’Oran, en Algérie, à un an de prison avec sursis et au paiement d’une contravention, pour avoir prié en plein air avec d’autres chrétiens, le 29 décembre.

Dans un entretien accordé à « L’Osservatore Romano », l’archevêque d’Alger, Mgr Henri Teissier, revient sur cet événement.

L’OR – Monseigneur Teissier, comment se sont réellement déroulés les faits ?

Mgr Teissier – C’était le 29 décembre. Le Père Wallez, comme cela est déjà arrivé par le passé, a rendu visite à un groupe de chrétiens du Cameroun qui, depuis 1999, avec des milliers d’autres africains sub-sahariens, vivent dans le bidonville de Maghnia, à la frontière avec le Maroc, en attendant d’émigrer vers l’Europe. Il a été tout naturel, quatre jours après Noël, de réciter une prière en commun. Un simple moment de recueillement entre frères dans la même foi. Mais une patrouille de police a remarqué la scène. Aucune messe n’a été célébrée. C’est pour cette raison que la condamnation, infligée le 30 janvier par le tribunal, semble exagérée : le prêtre n’a pas célébré de cérémonie religieuse mais il a simplement dirigé une prière communautaire.

L’OR – La réglementation très stricte introduite par l’Algérie contre le prosélytisme est surtout née pour mettre un frein aux chrétiens évangéliques accusés par les musulmans de mener une campagne systématique de conversions clandestines, notamment en Kabylie, région où l’opposition politique à l’Etat est la plus forte. Mais à présent, les catholiques semblent eux aussi être pris pour cible par l’Etat.

Mgr Teissier – La loi est la loi et elle vaut pour tous les chrétiens. Mais il ne fait aucun doute que l’objectif du gouvernement est de bloquer une manière agressive de faire du prosélytisme, par le porte à porte, par la distribution de bibles dans la rue ou par la conversion facile de musulmans à travers des méthodes qui ne sont pas toujours irrépréhensibles du point de vue pastoral. Ce n’est pas un hasard si la mesure punit quiconque incite, oblige ou utilise des moyens de persuasion pour pousser un musulman à embrasser une autre religion. Les catholiques, du point de vue de leur comportement, ne peuvent pas être assimilés à ces nouveaux groupes évangéliques, et les autorités algériennes le savent bien.

L’OR – Combien y a-t-il de catholiques en Algérie et où opèrent-ils ?

Mgr Teissier – Comme pour les chrétiens évangéliques, il est difficile de fournir des chiffres précis. Nous sommes une petite minorité, quelques milliers de personnes. La communauté catholique est composée en grande partie d’étrangers, dont beaucoup d’immigrants provenant d’autres pays africains, notamment des étudiants. Nous ne faisons pas de catéchisme, nous travaillons à l’intérieur de la société, dans le domaine social et culturel. Nous sommes une Eglise diaconale, de la charité, au service des pauvres, des malades, des laissés-pour-compte. Avec nos amis musulmans, grâce auxquels nous sommes insérés, il existe un respect et une estime réciproques, et beaucoup d’entre eux nous aident, y compris financièrement, dans l’accomplissement de nos activités pastorales.

L’OR – Certains parlent d’une nouvelle vague de radicalisme islamique en Algérie, dont témoigneraient des affiliations de plus en plus nombreuses aux groupes les plus extrémistes. Existe-t-il un risque pour la communauté chrétienne de se retrouver victime des violences des fondamentalistes ?

Mgr Teissier – Tout d’abord, il ne faut pas confondre le terrorisme et le fondamentalisme avec l’islam. La situation est tout à fait différente de celle des années 90, lorsque le pays fut bouleversé par une guerre civile. Ce furent des années de répression, de censure de l’information, d’arrestations de nature politique. Notamment entre 1994 et 1996, les extrémistes se rendirent responsables d’attentats terroristes, en grande partie dirigés contre les Algériens eux-mêmes, qui coûtèrent la vie à de nombreux prêtres et sœurs catholiques. Aujourd’hui, grâce à une plus grande stabilité politique, on peut parler d’un parcours difficile de paix qui se poursuit. Quoi qu’il en soit, c’est une erreur d’affirmer que les catholiques seraient une cible. L’introduction de mesures de contrôle concernant l’exercice des pratiques de culte non musulman, ne signifie pas que l’on ait interdit aux chrétiens de professer leur foi dans les lieux autorisés.

L’OR – Existe-t-il en Algérie un véritable dialogue interreligieux ?

Mgr Teissier – Il existe des exemples consolidés de rencontres, de collaboration, d’amitié, tant dans la vie quotidienne qu’au niveau académique. Les catholiques sont présents de manière stable dans la réalité sociale et culturelle algérienne et il s’agit déjà d’une forme de dialogue entre personnes de religions différentes. Mais les musulmans et les chrétiens doivent travailler davantage ensemble : ce n’est qu’ainsi qu’ils gagneront réciproquement la confiance de l’autre, ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront être frères et affronter un parcours commun.

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel