L’œil de la foi nous permet de voir le monde de Dieu, explique le P. Cantalamessa

Il commente l’Evangile de l’aveugle de naissance

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ROME, Vendredi 29 février 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile du dimanche 2 mars, quatrième dimanche de carême, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.  

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 9, 1-41 

Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance. 
Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? » 
Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui. 
Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir. 
Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » 
Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, et il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (ce nom signifie : Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait. 
Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » 
Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui affirmait : « C’est bien moi. » 
Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-il ouverts ? » 
Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : ‘Va te laver à la piscine de Siloé.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. » 
Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. » 
On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle. 
Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. 
A leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois. » 
Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés. 
Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. » 
Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? » 
Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle. 
Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. » 
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie. 
Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! » 
Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » 
Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. » 
Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? » 
Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? » 
Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. 
Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. » 
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. 
Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. 
Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. 
Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » 
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors. 
Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors il vint le trouver et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » 
Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » 
Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » 
Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui. 
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » 
Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? » 
Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure. 

© Copyright AELF – Paris – 1980 – 2006  tous droits réservés 

L’aveugle de naissance

La guérison de l’aveugle de naissance nous concerne de près car, d’une certaine manière, nous sommes tous des aveugles de naissance. Le monde lui-même est né aveugle. Selon l’état actuel de la science, on sait que pendant des millions d’années la vie existait sur la terre mais c’était une vie à l’état aveugle. L’œil pour voir n’existait pas encore, le fait même de voir n’existait pas. L’œil, dans sa complexité et sa perfection, est l’une des fonctions qui se sont formées le plus lentement. Cette situation se reproduit en partie dans la vie de tout homme particulier. Même s’il n’est pas proprement aveugle, l’enfant qui naît est encore incapable de distinguer les contours des choses. Il ne commence à voir clairement qu’au bout de quelques semaines. Si l’enfant était capable d’exprimer ce qu’il ressent quand il commence à voir clairement le visage de sa maman, les personnes, les choses, les couleurs, on entendrait un « oh ! » d’émerveillement, un hymne à la lumière et à la vue ! Voir, est un miracle, mais nous n’y faisons pas attention parce que nous y sommes habitués et le considérons normal. Et voilà que Dieu parfois réalise cela de manière soudaine, extraordinaire, pour nous réveiller de notre torpeur et nous rendre attentifs. C’est ce qu’il fit avec la guérison de l’aveugle de naissance et d’autres aveugles dans l’Evangile. 

Mais est-ce uniquement pour cela que Jésus guérit l’aveugle de naissance ? Nous sommes nés aveugles, dans un autre sens. Il y a un autre œil qui doit encore s’ouvrir dans le monde, outre l’œil matériel : l’œil de la foi ! Celui-ci permet de distinguer un autre monde, au-delà de celui que nous voyons avec les yeux du corps : le monde de Dieu, de la vie éternelle, le monde de l’Evangile, le monde qui ne finit même pas avec la… fin du monde. 

C’est ce que Jésus a voulu nous rappeler avec la guérison de l’aveugle de naissance. Il envoie tout d’abord le jeune aveugle à la piscine de Siloé. Jésus voulait ainsi montrer que cet œil différent, l’œil de la foi, commence à s’ouvrir dans le baptême, lorsque nous recevons justement le don de la foi. C’est pour cette raison que dans l’antiquité, le baptême ét
ait également appelé « illumination » et être baptisés se disait « être illuminés ». 

Dans notre cas, il ne s’agit pas de croire de manière générale en Dieu, mais de croire en Jésus Christ. L’évangéliste utilise cet épisode pour nous montrer comment on parvient à une foi totale et mûre dans le Fils de Dieu. L’aveugle recouvre la vue et, parallèlement, il découvre en effet qui est Jésus. Au départ, pour l’aveugle, Jésus n’est qu’un homme : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue… ». Plus tard, à la question : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » il répond : « C’est un prophète ! » Il a fait un pas supplémentaire ; il a compris que Jésus est un envoyé de Dieu, qu’il parle et agit en son nom. Enfin, rencontrant à nouveau Jésus, il s’exclame : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterne devant lui pour l’adorer, le reconnaissant ainsi ouvertement comme son Seigneur et son Dieu. 

En nous décrivant tout cela de manière aussi détaillée, c’est comme si l’évangéliste Jean nous invitait très discrètement à nous poser la question : « Et moi, où en suis-je sur ce chemin ? Qui est Jésus de Nazareth pour moi ? ». Personne ne nie le fait que Jésus soit un homme. Il est également reconnu presque universellement qu’il a été un prophète, un envoyé de Dieu. Et beaucoup s’arrêtent là. Mais cela ne suffit pas. Même un musulman, s’il est cohérent avec ce qui est écrit dans le Coran, reconnaît que Jésus est un prophète. Mais il ne se considère pas un chrétien pour autant. Le saut avec lequel on devient chrétien au sens propre est quand on proclame, comme l’aveugle de naissance, Jésus « Seigneur » et qu’on l’adore comme Dieu. La foi chrétienne n’est pas essentiellement croire à quelque chose (que Dieu existe, qu’il existe un au-delà…), mais croire en quelqu’un. Dans l’Evangile, Jésus ne nous donne pas une liste de choses à croire ; il dit : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jn 14, 1). Pour les chrétiens, croire, c’est croire en Jésus Christ.

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ZENIT Staff

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