ROME, Dimanche 25 juillet 2010 (<a href= »http://www.zenit.org/ »>ZENIT.org) – Mosquées et églises ont été contraintes de fermer en Albanie en 1967 ; depuis, la pratique religieuse n’a plus été autorisée pendant près d’un quart de siècle. En effet, l’Albanie est connue comme le plus grand Etat athée du monde.
Aujourd’hui, dans l’Albanie post-communiste, il est difficile d’évaluer le nombre de catholiques sur une population de 3,6 millions d’habitants – peut-être environ 10%, et 20% d’orthodoxes.
La doctoresse Anna Maria Doro, membre de la communauté catholique de Sant’Egidio, a oeuvré dans ce contexte pendant dix ans.
Dans cette interview accordée à l’émission de télévision « Là où Dieu pleure », elle partage son expérience de l’Albanie et nous explique comment le pays a changé et continue de changer.
Q : Qu’est-ce qui vous a le plus frappée quand vous êtes allée pour la première fois en Albanie ? Qu’est-ce qui vous touche le plus personnellement ?
Doctoresse Anna Maria Doro : Ce qui m’a touchée a été la différence entre les deux pays [Italie et Albanie]. L’Albanie est très près de l’Italie ; le port de Brindisi est à une distance de seulement 60 kilomètres (37 miles) du port de Vlore en Albanie.
L’Albanie n’a pas changé – le pays est resté le même qu’il y a cent ans : très peu de voitures dans les rues, de mauvaises routes, des coupures d’électricité. La vie des gens est tributaire d’une agriculture très archaïque et il y a de nombreux bergers. Mais ce qui m’a le plus touchée, c’est la chaleur humaine des gens. Les Albanais sont très accueillants envers les étrangers. Ils attachent un grand prix à l’hospitalité et, alors même qu’ils se trouvent dans une situation difficile, ils partagent ce qu’ils ont avec leurs hôtes.
Q : Le pays était entouré de barbelés électrifiés, non ?
Il y avait une sorte de clôture électrifiée, par exemple tout au long de la frontière de la Yougoslavie entourant le lac. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas d’arbres à la frontière. Les arbres ont tous été coupés pour empêcher les gens de quitter le pays. Sortir du pays était interdit et les gens qui étaient pris étaient exécutés et leur famille, poursuivie. J’ai rencontré des personnes qui n’ont pas pu terminer leurs études parce qu’un lointain cousin avait tenté de fuir.
Même les déplacements à l’intérieur du pays étaient interdits, de sorte que les gens des montagnes, économiquement défavorisés, avaient interdiction d’émigrer dans les zones urbaines, car le fait de vivre dans la ville constituait un privilège, qui n’était accordé qu’aux membres loyaux du régime. L’isolement culturel était total et on interdisait aux gens d’écouter les actualités et la musique étrangères si bien que, durant cette période, ils ont tout ignoré du monde extérieur, dont on leur inculquait une vision déformée.
Q : L’Eglise a été terriblement attaquée ; la persécution était dure. Quels exemples pouvez-vous nous donner de la façon dont cette attaque s’est produite ?
Ils ont commencé par tuer une soixantaine de prêtres ainsi que de nombreuses religieuses, et par arrêter tous les prêtres. Les ordres religieux ont été supprimés et les écoles catholiques fermées. J’ai rencontré une religieuse stigmatine à Shköder. Leur couvent était fermé. Elles étaient au nombre de 90 environ. Elles retournèrent chez elles, tout en demeurant religieuses, et les gens leur amenaient leurs enfants pour les faire baptiser secrètement. Certaines sœurs étaient novices et elles ont dû attendre pour revêtir à nouveau leurs habits religieux jusqu’en 1991, quand elles avaient atteint l’âge de 70 ans.
Q : Vous êtes médecin. Vous travaillez en Albanie depuis 1995 et vous y êtes en ce moment comme bénévole, c’est-à-dire que vous donnez 15 jours de vos vacances en Albanie et vous devez quitter le pays très bientôt, c’est bien ça ? Quels défis médicaux voyez-vous ? Vous travaillez avec des enfants. Quels défis voyez-vous dans les structures et infrastructures médicales en Albanie ?
La communauté de Sant’Egidio apporte son aide principalement dans les domaines de la santé et de l’éducation. Le secteur de la santé est mal équipé, comme la plupart des secteurs publics en Albanie. Nous aidons donc par des donations en équipements médicaux et sanitaires pour les hôpitaux. Et en particulier dans le nord, la région la plus pauvre du pays, nous aidons 14 cliniques pédiatriques à combattre la malnutrition infantile. Depuis 1991, la situation économique en Albanie s’est bien sûr améliorée, mais les besoins sont encore grands dans le secteur de la santé et les gens continuent à souffrir. Les infrastructures sont inexistantes, il y a encore des coupures d’électricité et, pour les gens, c’est très difficile.
Q : La communauté internationale ne parle guère de l’Albanie. Quelle est selon vous la raison de ce silence ?
Pendant 40 ans, il a été impossible de savoir quoique ce soit de l’Albanie. Maintenant, la situation est très différente. D’une façon générale, je dirais que les Albanais sont fortement intéressés par d’autres pays et langues, mais il n’y a pas de réciprocité du côté des Européens de l’Ouest et des Etats-Unis. Les Italiens, par exemple, sont mal informés sur l’Albanie. Leur perception est fondée sur les premiers Albanais qu’ils ont rencontrés en 1991 : les réfugiés pauvres. A présent, la situation est différente. L’Albanais qui émigre à l’étranger devrait contribuer à changer la perception de la communauté internationale, à travers le tourisme également. Il y a beaucoup de sites merveilleux en Albanie.
Q : Comment l’Eglise participe-t-elle à cet effort de reconstruction ?
L’Eglise a accompli un travail considérable en Albanie. Elle a aidé à la reconstruction de la société en termes de développement humain et à la communication de l’Evangile. Cela a commencé avec notamment, au départ, l’aide de l’Eglise universelle. De nombreux missionnaires – prêtres et religieux – sont venus d’Italie, du Kosovo, de Croatie, d’Inde, des Philippines et d’Allemagne. Ils aident à reconstruire églises, écoles et cliniques. Au début, l’Eglise s’est vue contrainte de jouer le rôle d’administrateur par procuration du fait que l’Etat était inexistant ou inefficace. Je pense que l’Eglise constitue un point de référence très important pas seulement pour les catholiques mais pour tous, y compris ceux qui n’ont pas une identité religieuse claire, parce que l’Eglise témoigne de l’amour du Christ qui est gratuité, compassion et amour, ce qui est n’est pas courant dans cette société.
Q : L’Eglise inspire une grande confiance aux gens parce qu’elle a vécu avec eux durant les temps difficiles, peut-être plus que l’Etat…
Oui, elle inspire confiance et est respectée, non seulement par l’Etat, mais aussi par les autres religions, car elle nous aide tous sans distinction, et les gens le reconnaissent.
Q : Comment se présente la relation entre chrétiens et musulmans en Albanie ? D’une totale harmonie, semble-t-il ?
Oui, jusqu’à présent. Catholiques et musulmans cohabitent. Les catholiques rendent visite aux musulmans à l’occasion de leurs fêtes et vice versa. A présent, on note des signes d’effilochage dans les relations, les évènements internationaux ayant des répercussions également en Albanie mais, d’une façon générale les relations sont excellentes et il y a beaucoup de mariages mixtes.
Propos recueillis par Mark Riedemann, pour l’émission télévisée « La où Dieu pleure », conduite par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaboration avec l’association Aide à l’Eglise en Détresse (AED).
Traduit de l’anglais par ZENIT
Sur le Net : www.wheregodweeps.org
www.wheregodweeps.org/albania-a-nation-without-god/
– Aide à l’Eglise en détresse France
www.aed-france.org
– Aide à l’Eglise en détresse Belgique
– Aide à l’Eglise en détresse Canada
www.acn-aed-ca.org
– Aide à l’Eglise en détresse Suisse
www.aide-eglise-en-detresse.ch