Propos recueillis par Britta Dörre
Rome, lundi 26 mars 2012 (ZENIT.org) – Convaincu de la possibilité et de la nécessité d’un rapprochement entre catholiques et luthériens, le pasteur Jens-Martin Kruse, témoigne comment, dans son quartier, à Rome, « l’œcuménisme vécu est une réalité ecclésiale », « un point de rencontre au niveau communautaire ».
Zenit publie la seconde partie de l’entretien avec le pasteur de l’Eglise évangélique luthérienne de la Ville éternelle (cf. Zenit du vendredi 23 mars 2012).
Zenit – Au cours de sa visite, le pape a souligné les éléments qui nous sont communs. D’après vous, où sont les points de convergence ?
Pasteur Jens-Martin Kruse – En effet, et cela correspond au point de vue de notre communauté. Le pape a parlé d’abord de la tristesse des chrétiens qui ont « brisé » l’unité. Puis il a souligné le fait que « nous devrions avant tout être reconnaissants qu’il y ait déjà tant d’unité ». Nous avons perçu sa visite comme un grand succès. C’était une opportunité de pouvoir utiliser le lieu de la communauté pour expliquer ce point de vue et contribuer à l’œcuménisme. Ce que je retiens, c’est qu’un rapprochement est possible et nécessaire. C’est particulièrement évident dans l’exemple de la Cène du Seigneur.
Des familles mixtes ne peuvent pas célébrer ensemble l’Eucharistie, et de nombreux couples souffrent de cette situation. Je vois cela comme un obligation, pour tous les théologiens, de créer des exceptions ou des opportunités pour une célébration commune de la Cène. Théologiquement, il n’y a quasiment plus aucune différence entre la vision catholique et la vision protestante de la Cène.
Les éléments qui, au XVIème siècle, ont mené à la séparation ne sont plus valides. C’est la doctrine de la présence réelle du Christ. 500 ans après la Réforme, les deux dénominations sont beaucoup plus proches, elles ont évolué l’une et l’autre. Trouver une solution définitive quant à la Cène du Seigneur est peut-être difficile, mais il est certainement possible de créer une opportunité.
Focaliser l’attention sur les éléments communs : cette vision émerge aussi clairement des récentes déclarations du président du Conseil de l’Eglise évangélique allemande (EKD), Nikolaus Schneider, et du cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens ?
Le président Schneider et le cardinal Kurt Koch ont annoncé au Forum de Trêves qu’une déclaration commune sur le thème « Eglise, Eucharistie et Ministère » était possible. Le président Nikolaus Schneider a affirmé en janvier qu’il désirait que l’on puisse célébrer ensemble une fête du Christ.
Lors de sa visite en Allemagne, en septembre 2011, dans son discours au couvent des Augustins d’Erfurt, où Luther a étudié, le pape a rappelé que nous devons nous aider mutuellement à croire plus profondément et plus ardemment. Le président Schneider, qui a décrit la rencontre comme engageante et fraternelle, a lancé une invitation à se compléter mutuellement. Dans son discours, il a décrit Luther comme une charnière entre les deux Eglises.
Comment votre Eglise contribue-t-elle à l’œcuménisme ?
Le Chemin de croix œcuménique est une tradition : elle aura lieu cette année la 4 avril, et toutes les communautés chrétiennes présentes dans notre quartier y participent. Arméniens, augustins irlandais, capucins, gréco-orthodoxes, anglicans ou méthodistes marchent, chantent et prient ensemble. Chaque année, entre 300 et 400 personnes se rassemblent avec la conscience d’être chrétiens. Le service œcuménique se tiendra le 4 avril à 19h30 dans la paroisse Saint Camille de Lellis.
La fête de l’Ascension de Jésus est une belle occasion de célébrer ensemble la liturgie, chaque année. En Italie, ce n’est pas un jour férié et ainsi, tout le monde peut se réunir et venir prier dans un même lieu. Cette année, le service sera célébré le 17 mai à 19h. La liturgie en italien sera présidée par le prêtre anglican Jonathan Boardmen.
Notre communauté organise des événements et des conférences. Le 24 mars, par exemple, le professeur Markschies, de Munich en Bavière, donnera une conférence sur le thème : « En quoi l’Eglise évangélique est-elle catholique ? protestante ? En quoi devrait-elle être catholique ? ». A l’occasion du 50èmeanniversaire de Voyages bibliques, un service œcuménique s’est déroulé samedi dernier au Campo Santo ; le cardinal Lajolo (qui a remplacé le cardinal Koch, malade) et moi-même avons donné une prédication. Ce fut un beau signe d’œcuménisme.
Cela veut-il dire que vous mettez en pratique l’idée fondamentale de la Rencontre mondiale des Eglises de l’année dernière à Assise ?
Le Chemin de croix œcuménique est quelque chose de plus. A Assise, le dialogue interreligieux a été thématisé. Mais nous, nous sommes tous chrétiens, et par conséquent nous pouvons prier ensemble. L’œcuménisme vécu est une réalité ecclésiale, c’est un point de rencontre au niveau communautaire.
Vous enseignez la religion à l’Ecole allemande de Rome. Que transmettez-vous aux jeunes ?
La fondation de l’Ecole allemande de Rome remonte à une initiative des communautés évangélique et catholique allemandes à Rome, Santa Maria dell’Anima. Les ministres des deux communautés ont donc le droit d’enseigner dans l’école allemande.
J’enseigne aux enfants et aux jeunes. Je vois ma tâche comme un accompagnement intensif, en discutant avec eux des questions religieuses fondamentales. Les enfants et les jeunes font partie de la minorité protestante et, pour cette raison, leur foi et leur identité sont importantes pour eux. Je constate qu’ils participent volontiers aux cours d’éducation religieuse. Les confirmands fréquentent le cours avec conviction. Je vois là une différence avec l’Allemagne. Contrairement à ce qui se passe là-bas, les jeunes ici viennent de familles qui ont un lien fort avec l’Eglise. Les dix confirmands de Rome ont du fond. C’est l’avantage d’être une petite communauté.
Votre communauté est engagée dans des activités caritatives. Quels sont les projets que vous accompagnez ?
Toutes les deux semaines, notre communauté offre un petit-déjeuner aux pauvres et une centaine de personnes y participent. L’association féminine est engagée dans des activités sociales. Le projet « Orsacchiotto » soutient surtout des mères célibataires originaires d’Afrique, qui reçoivent une fois par mois des couches, des vêtements et des jouets.
Comment expliquer le problème de la pauvreté des enfants ?
L’Italie et l’Allemagne sont des pays sécularisés. La situation économique est difficile dans toute l’Europe. L’Etat économise souvent dans les domaines où il n’y a pas d’opposition de la part des lobbies. C’est la raison pour laquelle de nombreuses communautés et mouvements religieux font le travail de l’Etat. En Italie, il y a un fort engagement civique. Les gens ne se contentent pas de se lamenter, ils savent aussi agir. Ici, le lien familial est encore plus prononcé et la structure est plus traditionnelle qu’en Allemagne.
Traduction d’Hélène Ginabat