ROME, mardi 27 mars 2012 (ZENIT.org) – Le P. Daniel-Ange propose aux lecteurs de Zenit de participer à l’entrée du Christ à Jérusalem, en la contemplant et revivant de l’intérieur, en préparation au Dimanche des Rameaux, dimanche prochain, 1er avril, qui est aussi la Journée mondiale de la jeunesse 2012 et le grand porche de la Semaine Sainte.
Le Roi que les jeunes triomphalement acclament
[Lc 19, 28-44 ; Mt 21, 1-11 ; Mc 11, 1-11]La joyeuse entrée dans sa Cité
Viens et vois Jésus tout embaumé, prenant sa dernière nuit de repos chez ses amis. La dernière de ces nuits qui ont si souvent refait ses forces durant ses courses apostoliques.
Tôt le lendemain, la petite troupe reprend la route de Jérusalem. Ils gravissent ces quelques centaines de mètres qui les séparent du sommet du mont des Oliviers : le petit hameau de Bethphagé. Et là-haut, tout à coup, en ce dimanche matin : la Ville sainte dans son éclatante splendeur ! Cette Ville sainte, telle que Jésus – de ce même endroit – l’avait découverte avec ses yeux émerveillés d’enfant de 12 ans.
Viens et vois Jésus entouré de ces foules qui ont été témoins de tous ces signes, de ces merveilles accomplies pour elles. Elles se mettent à l’acclamer. Joie indescriptible ! Débordement d’enthousiasme ! Explosion d’allégresse !
C’est la toute première fois de sa vie qu’il accepte simplement d’être glorifié par son peuple. Et la dernière ! Même après sa Résurrection, il n’en donnera pas l’occasion. Et auparavant, chaque fois qu’on voulait le faire Roi, il s’enfuyait dans la montagne : son heure n’était pas venue. Mais maintenant l’heure est là. Oui, c’est l’unique fois que Dieu en sa chair humaine se laisse ainsi acclamer !
C’est en tant que Roi qu’il entre dans sa Cité royale (je pense à la joyeuse entrée de Salomon dans cette même Jérusalem, aux joyeuses entrées d’un nouveau roi en chacune des cités de Belgique). Le fils de David, aujourd’hui, prend possession de la Cité de David. On ne sait comment exprimer sa reconnaissance : vêtements sur le chemin, palmes en mains, flûtes et tambourins, chants et danses…
Jésus entre à Jérusalem, comme la toute première fois, âgé de quarante jours. Il était porté par Marie et Joseph. Maintenant, le voici porté par son peuple. Spontanément, sur les lèvres de ces jeunes gens et jeunes filles, revient la louange des anges pendant la nuit de Noël : « Paix dans le ciel ! Gloire sur les hauteurs ! »
Marie, qui se trouve dans la foule, doit être bouleversée d’entendre – trente-trois ans plus tard – ce qu’elle a entendu résonner sur les collines de Bethléem : « Paix sur la terre et gloire au plus haut des cieux ! »
Et en même temps, ils crient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (repris au psaume 117 de la fête des Tentes). Aujourd’hui encore, à chaque Sanctus, au cœur de chaque Eucharistie, dans les liturgies d’Orient et d’Occident – et ceci, jusqu’à la fin du monde –, le peuple des fidèles reprendra la louange des jeunes au jour des Rameaux : « Hosannah au plus haut des cieux ! Béni soit celui qui vient ! » A chaque messe, nous mêlons la louange des enfants à la louange des chérubins, entendue par Isaïe : « Saint ! Saint ! Saint ! » [Is 6, 3]
La toute première JMJ
C’est la première Journée mondiale de la jeunesse. Car ce sont surtout des jeunes et des enfants qui l’acclament. Journée zéro de toute cette lignée qui ponctue la fin de ce second millénaire : Rome, Buenos Aires, Compostelle, Czestochowa, Denver, Manille, Paris, Rome. De tous les rassemblements (diocésains, nationaux, ou internationaux) de jeunes autour du Christ – super-intuition de Paul VI –, faire de chacun un nouveau dimanche des Rameaux, une grande fête des jeunes autour du Christ. Le sens : prolonger dans le temps et l’espace cette fête des jeunes du matin des Rameaux.
C’est en Roi que Jésus est acclamé. En Roi de toutes les nations. En Roi qui apporte la paix à tous les peuples. Et la fête est déjà internationale : foule cosmopolite affluant par centaines de milliers de tous les pays du Bassin méditerranéen, pour célébrer la Pâque !
C’est en Roi tout simple et pauvre, qu’il veut être acclamé. Les soldats romains se moquent de ce roitelet juché sur même pas un âne : un petit d’ânesse. Ridicule ! A côté des chars prestigieux tirés par des pur-sang arabes !
Aujourd’hui encore, c’est là où il est le plus humble, le plus pauvre, qu’il veut être fêté : en son Eucharistie. Comme il aime ces processions et ces reposoirs de Fête-Dieu où on l’acclame, à travers villes et villages, prairies et forêts, Lui en son humble Présence eucharistique ! Quoi qu’en pensent ces messieurs de l’intelligentsia, garants de l’ordre établi, qui nous toisent de haut !
Quand les pharisiens, furieux, se mettent à vitupérer, c’est Jésus lui-même qui prend la défense de ces enfants qui l’acclament. Il leur rétorque :
« Si eux se taisent, les pierres de Jérusalem vont se mettre à crier », vont se mettre à m’acclamer !
Ces jeunes sont la voix des créatures sans voix : des arbres, des étoiles, des bêtes, des montagnes, des océans, des fleuves et des fleurs…
Aujourd’hui encore, des foules de jeunes laissent éclater la joie de la louange, exploser l’enthousiasme de la foi, n’ont pas peur de célébrer des liturgies débordantes d’une allégresse divine, de danser pour Dieu quand ils sont devant le Corps de Jésus – comme David devant l’Arche… Jésus se fait leur avocat face à tous ceux qui les méprisent et les narguent : « Des lèvres des tout-petits jaillit la louange de ma gloire ! » Oui, Jésus est content, heureux, fier de son peuple !
Jésus entrant à Jérusalem, entouré de toute cette foule débordante d’allégresse, c’est une anticipation de ce qu’il va vivre au matin de sa Résurrection-Ascension, quand il va entrer au Ciel, acclamé par tous les anges et tout le peuple des sauvés. C’est ce qu’exprime admirablement la liturgie, chaque dimanche des Rameaux, quand le prêtre frappe sur la porte avec une croix, et qu’on entend à l’intérieur (pour signifier les anges) la chorale chantant les strophes d’une hymne, et que la foule au dehors y répond par le refrain. Et quand enfin les “anges” ouvrent la porte, la foule – après la longue procession – peut entrer dans l’église tout illuminée et parfumée, signe de la Jérusalem céleste[1].
Gloire et Croix,
acclamations et lamentations…
Jésus accepte – pour la première et unique fois sur terre – une telle explosion de joyeuse louange, car il sait que ce n’est qu’un avant-goût, une anticipation du temps de l’Église et, au-delà, de l’éternité du ciel. Beaucoup de ces mains ouvertes qui l’applaudissent aujourd’hui seront demain des poings fermés réclamant sa mort. Beaucoup de ceux qui crient : « Hosannah ! » aujourd’hui, diront demain : « A bas ! » Pas tous, bien sûr ! Même très peu. Mais enfin quelques-uns. Il sait qu’avant d’entrer dans la Jérusalem céleste avec tous les siens, il lui faut traverser de part en part, d’une porte à l’autre, la Jérusalem de la terre. De l’autre côté, il aperçoit déjà un petit mamelon. Entre le mont des Oliviers et le Calvaire, il lui faut entrer dans sa Ville sainte en Roi glorieux, mais en sortir en malfaiteur condamné.
Arrivé à mi-pente, il se met soudain à sangloter. Contraste saisissant entre cette foule en liesse
et Jésus qui pleure ! Larmes, non plus de compassion pour ses amis de Béthanie, de tendresse pour son ami Lazare, mais d’autres larmes, bienheureuses elles aussi, sur le péché du monde. Très précisément sur la Ville sainte, sa Cité tant aimée : Jérusalem !
« Ah, si, en ce jour, tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux… »
Peu de temps auparavant, une immense tristesse au cœur, il s’exclame :
« Jérusalem ! Jérusalem ! Toi qui tues les prophètes – toi qui vas tuer le prophète que je suis et lapides ceux qui te sont envoyés – moi qui suis l’envoyé du Père –, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! Oui, je vous le dis, vous ne me verrez plus jusqu’à ce qu’arrive le jour où vous direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » [Lc 13, 34]
Effectivement, sa Ville ne le reverra plus jusqu’à son retour en gloire, où il n’y aura plus qu’une seule voix s’échappant de toutes les poitrines : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Mais déjà aujourd’hui, n’est-ce pas ce verset qui est chanté ?
La foule danse autour du petit âne, alors que son Roi assis dessus pleure ! Ce sont déjà les larmes que va verser la Mère de Dieu, en 1846, sur les sommets d’une montagne, dans les Alpes : à La Salette. Ou en bien d’autres lieux depuis. Ces larmes qu’évoquait Jean Paul II, du fond de son lit d’hôpital, en s’adressant aux évêques d’Afrique rassemblés à Rome : « Les larmes de Marie sont un sourire pour nous… »
A Jérusalem de nos jours, on voit la chapelle Dominus flevit. Là commence le jardin des Oliviers. Jésus sait qu’il reviendra ici dans quatre jours, mais la foule aura disparu. Disparu aussi l’allégresse ! Cela évoque David chassé de Jérusalem – la cité par lui construite – par son fils Absalom, révolté contre lui. Il doit s’enfuir comme un malfaiteur, lui, le Roi. En pleurant, il traverse pieds nus le torrent du Cédron. S’enfuyant vers le désert comme un pauvre, poursuivi par la police de son propre fils [cf. 2 Sm 15, 23].
Jésus est ce David, non pas s’enfuyant, mais allant au devant de ses fils révoltés. Il ne s’enfuit pas au désert pour éviter la mort, mais de lui-même il va au devant d’elle.
Père Daniel-Ange
***
[1] Dans nos liturgies, à Jeunesse-Lumière, pour donner tout son relief à ce temps de louange gratuite du Seigneur, nous consacrons toute la matinée à cette procession, où le célébrant portant le Seigneur est monté sur un petit âne, et nous dansons autour de lui, jusqu’à ce qu’en fin de matinée ait lieu le rite que je viens de décrire. Ce n’est que le soir, avec la sainte Eucharistie, que nous entrons dans le mystère de la Passion et de l’Agonie de Jésus, dans une église où fresques et icônes sont toutes voilées de violet.