Léopold Sedar Senghor (1906-2001): "L´arc en ciel de ta paix"

Président catholique d´un pays – le Sénégal – essentiellement musulman

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CITE DU VATICAN, Vendredi 21 décembre 2001 () –
Le 7 juin 1963, Léopold Sedar Senghor (1906-2001), président catholique d´un pays – le Sénégal – essentiellement musulman, déclarait en inaugurant la mosquée mouride de Touba « musulmans et chrétiens, nous allons prier ensemble ». Chef d´État, homme politique, poète, essayiste, il s´est éteint le 20 décembre, en Normandie, à l´âge de 95 ans, au moment où Jean-Paul II appelle les religions à prier pour la paix en un même lieu, Assise.

Dans son poème « L´arc en ciel de ta paix », cet homme de combat, champion de la « négritude », de l´indépendance de son pays, implore la paix comme un don de Dieu.

« Ô bénis ce peuple, Seigneur
Qui cherche son propre visage sous le masque et a peine à te reconnaître…
Ô bénis ce peuple qui rompt ses liens… et avec lui tous les peuples d´Europe, tous les peuples d´Asie, tous les peuples d´Afrique et tous les peuples d´Amériques qui suent sang et souffrances.
Et au milieu de ces millions de vagues, vois les têtes houleuses de mon peuple.
Donne à leurs mains chaudes qu´elles enlacent la terre d´une ceinture de mains fraternelles dessous l´arc en ciel de ta paix ».

En Italie, sous le titre « l´orgueil de s´appeler Négro », l´agence missionnaire Misna () lui rend hommage en tant « qu´homme de culture et l’un des pères fondateurs, avec le poète martiniquais Aimé Césaire, du mouvement littéraire et culturel de la « Négritude ». »

« Senghor, souligne Jean-Léonard Touadi dans sa dépêche, a occupé la scène intellectuelle africaine avant, pendant et après la décolonisation. Ses œuvres poétiques « Chants d’ombre » (1945), « Hosties Noires » (1948), « Anthologie de la Nouvelle poésie nègre et malgache de langue française » (1948) et d’autres formeront l’ossature de la revendication et de l’affirmation des valeurs du monde nègre ».

« Etudiant à Paris, Senghor participe et nourrit, grâce à son érudition et à sa passion, le mouvement de renaissance de l’Afrique subsaharienne. Il reprend, à travers une opération de catharsis intellectuelle, le mot « négro » … pour le transformer en point de départ pour le retour impératif à la « Mère Africa ». « 

Il souligne, en même temps que cette affirmation de la singularité africaine, l´aspiration de Senghor à l´universel. A la fraternité universelle. « La négritude, explique l´auteur, devient un paradigme idéal pour accomplir le voyage de réaffirmation de son être propre et de son histoire, à l’époque niée. Retrouver soi-même pour être prêt à se rendre au « rendez-vous de l’Universel », dit Senghor qui souhaite l’avènement d’une civilisation métisse où tous les peuples pourront finalement apporter tout le génie de leur personnalité spécifique. Senghor appelle ce moment le « rendez-vous du donner et du recevoir ». Les écrivains subsahariens de la deuxième et de la troisième génération se montreront très critiques envers le mythe Senghor parce que dans ce « donner et recevoir », les africains devraient apporter seulement l’exubérante vitalité de leur émotivité (Senghor a remplacé le « Cogito ergo sum », « Je pense donc je suis » cartésien par « Je danse donc je suis ») et cela constituerait une forme de servitude devant les peuples qui apportent raison et rationalité technologique ».

« Senghor, conclut l´auteur, reste un géant de la pensée africaine moderne. Son érudition et sa stature intellectuelle ont fait de lui le premier africain subsaharien à être membre de l’Académie Française. Outre la valeur littéraire et poétique, il convient de rappeler l’homme politique, père de l’indépendance du Sénégal et co-fondateur de l’Organisation de Unité Africaine (OUA, ndlr). Il a été l’unique président à instaurer un régime démocratique dans son pays et le premier à quitté librement le pouvoir en 1980 ».

Le site de l´Académie française (http://academie-francaise.fr), lui consacre la notice biographique suivante, rappelant que le président Senghor avait été élu à l´Académie française, le 2 juin 1983, au fauteuil du duc de Lévis-Mirepoix (16e fauteuil).

Né à Joal, au Sénégal, le 9 octobre 1906, Léopold Sédar Senghor fait ses études à la mission catholique de Ngasobil, au collège Libermann et au cours d´enseignement secondaire de Dakar, puis, à Paris, au lycée Louis-le-Grand et à la Sorbonne. Il est reçu à l´agrégation de grammaire en 1935.

Tout en enseignant les lettres et la grammaire au lycée Descartes à Tours (1935-1938), il suit les cours de linguistique négro-africaine de Lilias Homburger à l´École pratique des hautes études et ceux de Paul Rivet, de Marcel Mauss et de Marcel Cohen à l´Institut d´ethnologie de Paris. Nommé professeur au lycée Marcellin Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés en 1938, il est mobilisé en 1939 et fait prisonnier en juin 1940. Réformé pour maladie en janvier 1942, il participe à la Résistance dans le Front national universitaire. De 1944 jusqu´à l´indépendance du Sénégal, il occupe la chaire de langues et civilisation négro-africaines à l´École nationale de la France d´outre-mer.

L´année 1945 marque le début de sa carrière politique. Élu député du Sénégal, il est, par la suite, constamment réélu (1946, 1951, 1956). Membre de l´assemblée consultative du Conseil de l´Europe, il est, en outre, plusieurs fois délégué de la France à la conférence de l´UNESCO et à l´assemblée générale de l´ONU. Secrétaire d´État à la présidence du Conseil (cabinet Edgar Faure : 23 février 1955 – 24 janvier 1956), il devient maire de Thiès, au Sénégal, en novembre 1956. Ministre-conseiller du gouvernement de la République française en juillet 1959, il est élu premier Président de la République du Sénégal, le 5 septembre 1960. Ses activités culturelles sont constantes : en 1966, se tient, à Dakar, le 1er Festival mondial des arts nègres. Réélu Président de la République en 1963, 1968, 1973, 1978, il se démet de ses fonctions le 31 décembre 1980.

Léopold Sédar Senghor avait obtenu un festival de prix littéraires. Il était médaille d´or de la langue française ; grand prix international de poésie de la Société des poètes et artistes de France et de langue française (1963) ; médaille d´or du mérite poétique du prix international Dag Hammarskjoeld (1965) ; grand prix littéraire international Rouge et Vert (1966) ; prix de la Paix des libraires allemands (1968) ; prix littéraire de l´Académie internationale des arts et lettres de Rome (1969) ; grand prix international de poésie de la Biennale de Knokke-le-Zoute (1970) ; prix Guillaume Apollinaire (1974) ; prince en poésie 1977, décerné par l´association littéraire française L´Amitié par le livre ; prix Cino del Duca (1978) ; prix international du livre, attribué par le Comité international du livre (Communauté mondiale du livre, UNESCO, 1979) ; Prix pour ses activités culturelles en Afrique et ses œuvres pour la paix, décerné par le président Sadate (1980) ; médaille d´or de la CISAC (Confédération internationale des sociétés d´auteurs et compositeurs) ; premier prix mondial Aasan ; prix Alfred de Vigny (1981) ; prix Athénaï, à Athènes (1985) ; prix international du Lion d´or, à Venise (1986) ; prix Louise Michel, à Paris (1986) ; prix du Mont-Saint-Michel, aux Rencontres poétiques de Bretagne (1986) ; prix Intercultura, à Rome (1987).

Il était docteur honoris causa de trente-sept universités, dont Paris-Sorbonne, Strasbourg, Louvain, Bordeaux, Harvard, Ifé, Oxford, Vienne, Montréal, Francfort, Yale, Meiji, Nancy, Bahia et Evora.

Il était membre de nombreuses académies et titulaire de prestigieuses décorations françaises et étrangères.

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ZENIT Staff

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