Mgr Silvano Maria Tomasi

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Renforcer le droit international humanitaire, par Mgr Tomasi

Conférence sur la Croix-Rouge à l’ONU à Genève (traduction complète)

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Le Saint-Siège « soutient les efforts » de l’ONU pour « renforcer le droit international humanitaire et de surveiller de près sa mise en œuvre par les États et toutes les autres parties prenantes »: en effet il est de plsu en plus violé, déplore Mgr Tomasi.

Mgr Silvano M. Tomasi, représentant permanent du Saint-Siège auprès de l’Organisation des Nations unies et des autres organisations internationales à Genève est en effet intervenu lors de la 32e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à Genève, 8-10 décembre 2015

Mgr Tomasi rappelle les Principes fondamentauxde la Croix Rouge: « Humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité et universalité ». 

Voici notre traduction complète de l’intervention de Mgr Tomasi à Genève.

Intervention de Mgr Tomasi

Monsieur le Président,

La délégation du Saint-Siège est heureuse de participer à cette 32e Conférence internationale. Elle reconnaît la contribution exceptionnelle de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (CRCR) en réponse à de nombreux besoins humains, spécialement dans les situations de crise humanitaire et d’autres situations d’urgence. En particulier, nous tenons à souligner les efforts déployés par le CRCR en réponse à l’épidémie d’Ebola qui a causé une très grande souffrance en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. L’engagement du Mouvement à fournir des soins spécialisés contre Ebola, ainsi que des sépultures sécurisées et dignes, a permis d’éviter une angoisse humaine et des pertes de vie supplémentaires, à la suite de l’épidémie. Beaucoup d’établissements de soins de santé, de services sociaux et de pastorale liés à l’Église catholique et d’autres communautés de foi ont travaillé côte à côte avec les membres nationaux et locaux dans les efforts pour lutter contre Ebola. Ainsi, ma délégation adhère à la décision prise par la Conférence d’accorder un Prix aux bénévoles, qui ont généreusement répondu aux familles et aux membres des communautés locales touchées par cette épidémie tragique.

Cette conférence coïncide avec le 50e anniversaire de la proclamation des Principes fondamentaux du Mouvement : humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité et universalité. Ceux-ci fournissent le thème global pour ce rassemblement quadriennal. En effet, de nombreux acteurs humanitaires à travers le monde, y compris les organisations d’inspiration religieuse, partagent ces mêmes principes. Par conséquent, ma délégation aussi soutient les efforts de cette Conférence afin de renforcer le droit international humanitaire et de surveiller de près sa mise en œuvre par les États et toutes les autres parties prenantes.

Les besoins humanitaires sont de nature complexe et la réponse exigée par les principales parties prenantes peut courir le risque de trop mettre l’accent sur ces aspects, avec de plus grandes implications juridiques et techniques, tout en minimisant ou en ignorant les aspects qui, dans le jugement du Saint-Siège, sont les plus essentiels – en d’autres termes, le principe d’« humanité », par lequel le Mouvement signifie « protéger la vie et la santé et faire respecter la personne humaine », et à travers laquelle il vise à « favoriser la compréhension mutuelle, l’amitié, la coopération et une paix durable entre tous les peuples »[1]. Lors de son récent discours à l’Assemblée générale des Nations unies, le pape François a exhorté la communauté internationale à éviter la conclusion erronée selon laquelle « (…) le travail bureaucratique consistant à dresser de longues listes de bonnes intentions – buts, objectifs et indications statistiques – (…) donnera une réponse à tous les défis » du monde d’aujourd’hui. Il a souligné qu’« il y a des femmes et des hommes concrets qui vivent, luttent et souffrent, et qui bien des fois se voient obligés de vivre dans la misère, privés de tous droits.[2] »

Monsieur le Président,

La délégation du Saint-Siège partage la préoccupation exprimée dans le document conceptuel pour cette Conférence, à savoir que nous « [sommes] aujourd’hui confrontés à un environnement extrêmement complexe d’exploitation humanitaire ». La série actuelle des conflits sans fin entraîne des conséquences de plus en plus difficiles et tragiques. En un sens, nous sommes confrontés à « une vraie guerre mondiale qui se déroule par morceaux », qui affecte de nombreux domaines dans notre monde sous différentes formes et à des degrés d’intensité variables.[3]

Monsieur le Président,

Avec la communauté internationale, le Saint-Siège, de même que des organisations d’inspiration catholique engagées dans une action humanitaire dans toutes les parties du monde, est déterminé à empêcher une nouvelle détérioration de la situation. À cette fin, il a participé à la Conférence mondiale sur la prévention des risques de catastrophes, tenue à Sendai, au Japon, en mars 2015, et aux négociations qui ont conduit à l’adoption du Cadre post-2015 pour la réduction des risques de catastrophes. Accroître l’investissement dans la prévention des catastrophes et traiter les causes des risques de catastrophe finira par réduire les coûts écrasants, les conséquences tragiques et les cas de catastrophes naturelles en série en raison de la dégradation de l’environnement et des changements climatiques. Les moyens pour atteindre cet objectif sont une volonté politique et un apport économique accrus ainsi qu’un plus grand déploiement de ressources humaines, en conformité avec les normes et les accords établis au niveau international.

La meilleure « prévention », cependant, passe par le développement humain intégral, qui prend en compte tous les aspects du progrès humain, y compris les aspects sociaux, économiques, éducatifs, émotionnels et spirituels. L’amélioration de la qualité de vie, pour les individus comme pour les familles, et la promotion des droits de l’homme et des libertés, surtout au sein des communautés pauvres et marginalisées, peuvent de la même manière prévenir de nouveaux incidents de conflits armés, de guerres civiles et d’échecs en confirmant la primauté du droit.

Dans le contexte du droit international humanitaire, une évolution alarmante semble gagner du terrain. Le respect et la promotion du droit international humanitaire sont de plus en plus ignorés et violés. Le Saint-Siège est préoccupé par ces développements qui ne peuvent conduire qu’à davantage de violence, de misère et de souffrance. Il se rallie à l’avertissement sobre et urgent lancé récemment par le secrétaire général des Nations unies et par le président du Comité international de la Croix-Rouge. La description qu’ils donnent de l’érosion continue des règles du droit international humanitaire et de la non-conformité avec celles-ci, est alarmante. Ces deux hauts dirigeants jugent la situation actuelle inacceptable. Ils voient que le monde est à la croisée des chemins et que tous les acteurs étatiques et non étatiques ont le devoir de s’engager à « renouveler un contrat pour l’humanité » qui devrait profiter à des millions de personnes touchées par les conflits armés.

Monsieur le Président,

En mettant l’accent sur les conflits actuels et prolongés, la communauté internationale doit rester vigilante et ne pas se lasser d’attirer l’attention sur les besoins des personnes qui se trouvent au milieu d’urgences humanitaires. La capacité d’attention limitée des médias, et de beaucoup d’autres dans la communauté internationale, devrait être ranimée en appelant régulièrement l’attention sur les situations d’urgence en cours qui semblent se multip
lier en intensité et en complexité. Soulignons l’interconnexion des phénomènes mondiaux et rejetons la « culture du jetable » qui sévit dans notre monde et alimente les tendances à la cupidité, à la corruption, à la violence, à la guerre et à la dégradation environnementale. Insistons sur la responsabilité qui incombe à tous les citoyens de ce monde, de prendre soin de leurs voisins. À cet égard, la délégation du Saint-Siège propose une définition globale du « voisin », puisque toutes les personnes sont des membres égaux de la famille humaine et devraient être en solidarité mutuelle. Nous sommes tous créés avec une égale dignité et nous avons donc droit à l’égalité d’accès aux biens de ce monde. En outre, toutes les personnes doivent avoir voix au chapitre dans la formulation des politiques et des décisions qui affecteront leur propre vie et celle des générations futures.

Monsieur le Président,

Les mesures préventives et correctives doivent aller de pair. Tous les joueurs doivent traiter les causes profondes des nombreux problèmes auxquels notre monde globalisé est confronté. Au nom d’une humanité et d’une dignité partagée, il y a un besoin urgent d’affronter collectivement les problèmes mondiaux qui affectent l’ensemble de la famille humaine. Le désarmement, et le désarmement nucléaire en particulier, la migration, la pauvreté, les conflits armés, le respect des droits humains et la primauté du droit, le changement climatique et les problèmes environnementaux, les maladies, etc., sont les domaines où les États, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, les organisations internationales et la société civile doivent travailler ensemble pour assurer un avenir meilleur aux générations à venir.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

 

 


 

[1] http://www.ifrc.org/fr/vision-et-mission/vision-et-mission/les-7-principes—-les-7-principes/humanity/

[2]http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2015/september/documents/papa-francesco_20150925_onu-visita.html

[3]http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2015/january/documents/papa-francesco_20150112_corpo-diplomatico.html

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Silvano Maria Tomasi

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