Messe du 1er janvier 2019 © Vatican Media

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«Mater misericordiae», dans les litanies de Lorette (2)

« Surmonter l’écart entre la miséricorde et la culture »

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« Le titre de Mater misericordiae rappelle que Marie a participé, et qu’elle participe encore, à une histoire du salut dont l’auteur et le premier sujet est un Dieu de miséricorde, un Dieu empathique », lit-on dans L’Osservatore Romano en italien du 2 juillet 2020.

Michele Giulio Masciarelli poursuit sa longue réflexion sur la nouvelle litanie en expliquant : « En insérant l’invocation de Mater misericordiae dans les Litanies de Lorette, le pape François a voulu rappeler, entre autres, l’urgence de la miséricorde de Dieu pour notre temps qui se présente, surtout envers les plus faibles, avec les mâchoires ouvertes d’un tigre terriblement cynique. Le principe de la miséricorde est nécessaire aussi pour l’avenir qui apparaît incertain et souvent menaçant. »

Voici notre traduction de la deuxième partie de cet article.

La miséricorde et Marie « micro-histoire du salut »

En appelant Marie par l’expression originale et dense de « micro-histoire du salut » (Stefano De Fiores), on laisse entendre que la Mère du Messie transparaît en filigrane dans toutes les voies de Dieu, c’est-à-dire dans ses manières de se comporter dans l’histoire. Ainsi, pour approfondir la figure de la Vierge Marie, il convient d’explorer l’histoire du salut, mais également : c’est en scrutant sa personne et sa participation à l’œuvre messianique de Jésus que l’on parvient à entrevoir le dessein de l’histoire de la grâce par lequel le Dieu trinitaire sauve les hommes et la création tout entière.

Ce saint dessein montre un réseau de miséricorde global, qui imprègne par conséquent toute l’économie des deux alliances, à tel point que l’on peut dire que « miséricorde » est l’un des termes qui réussissent le mieux à dire ce qu’est la vérité du christianisme : « Il n’est pas exagéré d’affirmer, écrit Rino Fisichella, qu’avec le concept de miséricorde, on atteint une des expressions les plus élevées de la révélation chrétienne et, autour de celle-ci confluent les thèmes centraux de la foi » (Sulla teologia della misericordia, in Aa.Vv., Misericordia. Volto di Dio e dell’umanità nuova, Milano, Edizioni Paoline, 1999, p. 119).

Le titre de Mater misericordiae rappelle que Marie a participé, et qu’elle participe encore, à une histoire du salut dont l’auteur et le premier sujet est un Dieu de miséricorde, un Dieu « empathique » et « sympathique », Dieu-Amour (cf. Jean, 4,8). La miséricorde, rappelle le pape François, « est devenue vivante, visible et a atteint son sommet en Jésus de Nazareth » (Misericordiae vultus, 1), qui est « né d’une femme » (Galates, 4,4) : Jésus a été engendré par la Vierge Marie qui est ainsi devenue « Mère de Miséricorde » ou Mère du miséricordieux Redemptor hominis, qui incarne au plus haut degré l’empathie et la sympathie du Père pour l’homme. Jésus, en tant que Dieu fait homme, rapproche Dieu de l’homme et l’homme de Dieu. Avec ce double rapprochement, Jésus manifeste qu’il est le révélateur et le médiateur d’un Dieu des cœurs, à savoir un Dieu de miséricorde qui a un cœur penché sur les hommes pour les sauver.

Avec l’incarnation réalisée dans la Femme,

la miséricorde devient histoire, elle devient culture

Dans le sein de Marie, la miséricorde de Dieu entre dans les veines de l’histoire du salut. Dans les Ecritures, il ne s’agit pas simplement d’un Dieu qui a de l’amour, mais d’un Dieu qui est amour, ou plutôt qui est miséricorde de toujours à toujours : « La miséricorde fait de l’histoire de Dieu avec Israël une histoire de salut. Répéter continuellement : « Eternelle est sa miséricorde », comme le fait le psaume, semble vouloir briser le cercle de l’espace et du temps pour tout insérer dans le mystère éternel de l’amour. C’est comme si l’on voulait dire que non seulement dans l’histoire, mais pour l’éternité, l’homme sera toujours sous le regard miséricordieux du Père » (Misericordiae vultus, 7). L’abolition de l’espace et du temps des hommes se produit dans le cœur et les entrailles de la Vierge de Nazareth lorsqu’elle devient la Mère du Messie.

Mais Marie n’est pas Mater misericordiae uniquement parce qu’elle engendre le Fils miséricordieux, mais aussi parce qu’elle a assumé, comme mère du Messie, le projet trinitaire de la miséricorde par ses actes de coopération avec son Fils Sauveur et qu’elle a également fait sien ce plan divin dans son existence personnelle, devenant le modèle de la femme, sœur et mère de miséricorde pour tous. Comme on le voit, en Marie est donnée une géométrie paradoxale : elle a montré, plus qu’aucune autre créature, que l’imitation du Dieu miséricordieux est en soi une ascension imitative qui va du bas de l’expérience humaine jusqu’en haut du mystère de Dieu et aussi que l’on s’élève jusqu’à la perfection de la miséricorde du Père, paradoxalement, par un chemin horizontal vers ses frères : « La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de toute personne lorsqu’elle pose un regard sincère sur le frère qu’elle rencontre sur le chemin de la vie » (Misericordiae vultus, 2).

En insérant l’invocation de Mater misericordiae dans les Litanies de Lorette, le pape François a voulu rappeler, entre autres, l’urgence de la miséricorde de Dieu pour notre temps qui se présente, surtout envers les plus faibles, avec les mâchoires ouvertes d’un tigre terriblement cynique. Le principe de la miséricorde est nécessaire aussi pour l’avenir qui apparaît incertain et souvent menaçant. « Qu’à tous, croyants ou personnes éloignées de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous » (Misericordiae vultus, 5).

Enfin, la miséricorde devient culture. Marie, en tant que femme insérée dans la géographie et dans l’histoire des hommes, nous rappelle par toute son humanité que la miséricorde doit se faire concrète. C’est pourquoi il revient aux chrétiens de surmonter l’écart entre la miséricorde et la culture. Le pape François déplore « l’oubli du thème de la miséricorde dans la culture de notre temps » (Misericordiae vultus, 11). La préoccupation du pape doit être comprise et faire l’objet d’une étude attentive. Il est indéniable qu’il existe, à l’égard de la miséricorde, un sentiment d’étrangeté de la part de la culture, qu’il s’agisse de haute culture ou qu’il s’agisse de la culture entendue comme un vécu et comme un paradigme de sagesse de vie.

A ce dernier niveau, le décalage entre les deux termes est encore plus grand : aujourd’hui, la règle fondamentale qui sous-tend les comportements est celle, mercantile, du « do ut des » et du « do ut facias », du « facio ut des » et du « facio ut facias », tandis que la miséricorde se situe dans l’optique du mystère du Dieu trinitaire qui rappelle le principe de la paternité, et du problème de l’homme qui évoque celui de la fraternité, deux principes qui convergent dans celui de la gratuité. Marie, femme qui vit des dons de Dieu depuis sa naissance jusqu’à maintenant, où elle est glorieuse au ciel, nous avertit aimablement que la matrice extrême de la vie est la gratuité, le don radical de la miséricorde, dont le refus est l’unique misère insurmontable.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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