P. Vincent Sénéchal, supérieur général des MEP © missionsetrangeres.com

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Interview du P. Vincent Sénéchal : « Une Église qui se veut proche des peuples »

Zenit a interrogé le supérieur général des Missions étrangères de Paris (MEP)

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Alors que le pape François continue son voyage apostolique dans les pays d’Asie et d’Océanie, Zenit a interrogé le P. Vincent Sénéchal, supérieur général des Missions étrangères de Paris (MEP).

Depuis plus de 360 ans, cette Société missionnaire envoie des prêtres dans les pays lointains, mais également des jeunes volontaires célibataires ou mariés, qui donnent plusieurs mois de leur vie au service des Églises locales.

 

Zenit : Le pape effectue ces jours-ci un long voyage apostolique dans quatre pays d’Asie et d’Océanie. Quels sont les enjeux d’un tel déplacement pour l’Église et la mission ?
Le P. Laurent Bissaria, MEP, en mission en Inde pour témoigner auprès des plus pauvres © facebook.com/missionsetrangeresdeparis

Le P. Laurent Bissaria, MEP, en mission en Inde pour témoigner auprès des plus pauvres © facebook.com/missionsetrangeresdeparis

P. Vincent Sénéchal : Les voyages du Saint-Père sont toujours des événements importants car ils permettent au successeur de Pierre d’encourager et soutenir la foi, de plaider pour la paix et la justice, de favoriser le dialogue interreligieux, de témoigner de la communion de l’Église et renforcer son unité. Il ne faut pas oublier que le pape François est un jésuite et que jeune, il a eu le désir comme saint François-Xavier, jésuite, de partir comme missionnaire au Japon.

L’Asie a toujours été l’objet du souci pastoral du Saint-Père. Il est vrai que c’est le continent le plus peuplé avec 4,7 milliards de personnes sur les 8 milliards dans le monde, mais le nombre des catholiques – 150 millions – y reste faible par rapport au 1,3 milliard de catholiques dans le monde.

Le pape François a déjà visité de nombreux pays asiatiques depuis le début de son pontificat : Corée du Sud, Sri Lanka, Philippines, Birmanie, Bangladesh, Thaïlande, Japon, Mongolie. On peut dire qu’il « navigue » entre les deux mastodontes que sont l’Inde et la Chine. S’il a été invité en Inde par le Premier ministre Narendra Modi, un voyage évoqué depuis plusieurs années, il rêve d’être invité en Chine mais sans succès jusqu’à ce jour.

Pour lui, aller à la rencontre des Églises d’Asie, petites en nombre, dans un continent si peuplé, c’est aller aux périphéries dont il aime parler. Pour ce pape qui a forgé le terme « disciple-missionnaire », la visite fait partie de son action missionnaire et a un effet d’entraînement.

Zenit : Quelle est la situation actuelle des Missions étrangères de Paris en Asie et en Océanie ?
Logo des missions étrangères de Paris © facebook.com/missionsetrangeresdeparis

Logo des missions étrangères de Paris © facebook.com/missionsetrangeresdeparis

P. V. Sénéchal : Notre Société des Missions étrangères de Paris (MEP) a été fondée sur impulsion du Saint-Siège en 1658 à partir de volontaires prêtres et laïcs recrutés en France pour répondre aux besoins des nouvelles Églises locales du XVIIe siècle en Chine, au Tonkin, en Annam et en Cochinchine. 365 ans plus tard, nous poursuivons cette mission d’être, en Asie et en océan Indien, des soutiens des Églises locales dans leur action d’évangélisation.

Quasiment partout où nous sommes, nous travaillons sous la direction d’évêques locaux, dans des domaines variés : première évangélisation et création de paroisses, formation et accompagnement du clergé local, action sociale, auprès des minorités, des migrants, ministère en paroisse, communautés de base, groupes de foi, dialogue interreligieux, action catholique.

Nous comptons aujourd’hui 140 missionnaires répartis dans 14 pays situés entre le Japon et Madagascar. Nous envoyons aussi annuellement un peu plus d’une centaine de volontaires laïcs, garçons et filles, entre 20 et 35 ans, pour soutenir l’action missionnaire dans 19 pays. Notre vocation est de porter l’Évangile aux peuples qui ne connaissent pas encore le Christ, tout en respectant profondément leurs cultures et traditions, dans cette zone du monde où globalement les chrétiens sont très minoritaires.

Nous avons aussi une mission particulière dans le domaine de la formation : nous soutenons la formation du clergé local et des laïcs, pour que les Églises locales portent la mission de l’Église dans leurs contextes spécifiques. Cela se traduit par la fondation de séminaires, d’écoles et d’institutions de formation à travers toute l’Asie et l’océan Indien.

Avec les jeunes volontaires ou séminaristes qui nous rejoignent, nous continuons de vivre l’esprit missionnaire en Asie et dans l’océan Indien, en réponse aux besoins de l’Église universelle. Notre mission reste celle d’une Église qui se veut proche des peuples, ancrée dans la réalité locale, et en dialogue avec les cultures et les religions environnantes. C’est une mission de foi, de service, et de témoignage.

Zenit : Quels sont les défis ou difficultés de la mission dans certaines de ces Églises locales ?
Les volontaires MEP partent plusieurs mois en mission au service des Églises locales © facebook.com/missionsetrangeresdeparis

Les volontaires MEP partent plusieurs mois en mission au service des Églises locales © facebook.com/missionsetrangeresdeparis

P. V. Sénéchal : Il m’est difficile de vous répondre concernant la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Timor-Oriental, qui sont des pays où nous n’avons jamais été présents et où je ne me suis jamais rendu. Pour ce qui est de l’Indonésie, dont on répète à raison qu’il est le pays avec la plus grande population musulmane au monde, ce qui m’a marqué, en le visitant à plusieurs reprises, est la vitalité des communautés chrétiennes, leur visibilité et leur statut reconnu grâce aux cinq principes – pancasila – énoncés par l’État pour guider la coexistence des cultures et des religions de ce pays.

Cependant, malgré ces efforts de l’État pour une coexistence harmonieuse, des attentats récurrents ont frappé le pays depuis les années 2000, avec parfois des attaques d’églises. Le défi est donc de vivre l’Évangile comme ferment de solidarité et de justice dans une diversité culturelle et religieuse parfois émaillée de violences. 

La visite récente du pape à la mosquée Istiqlal à Jakarta été un moment important et il a pu y porter un message de dialogue interreligieux, de paix et de fraternité. Il a rencontré aussi les bénéficiaires d’organisations caritatives, ce qui rappelle un autre défi de la mission en Indonésie, tout comme en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Timor-Oriental me semble-t-il, qui est d’œuvrer pour la solidarité et le développement intégral de tous.

À Singapour, une des cités-états les plus riches du monde, le catholicisme est une religion minoritaire dans une société multiconfessionnelle et fortement urbanisée. L’un des principaux défis est de maintenir la vitalité de la foi dans un environnement souvent marqué par le matérialisme et le sécularisme. Sous la houlette du cardinal William Goh, l’Église est dynamique et bien organisée. Elle veille à ce que les jeunes générations continuent de s’engager activement dans la foi, comme en témoigne le nombre important de catéchumènes dans les paroisses. Le diocèse promeut aussi le dialogue interreligieux dans cette société pluraliste où la population est originellement composée de chinois, de malais et d’indiens.

Zenit : Il y a une forte augmentation des sacrements en Asie, notamment des baptêmes. Comment analysez-vous cela ?

P. V. Sénéchal : Nous observons avec beaucoup de joie et d’espérance cette augmentation qui est inégale selon les pays et les régions. Elle témoigne de la vitalité de l’Église mais aussi de recherches personnelles de sens qui trouvent dans l’Évangile un débouché, de besoins humains qui trouvent dans la charité partagée un soulagement et dans la communauté bâtie autour du Christ une famille.

Il ne faut pas oublier également que le 20e siècle a vu un basculement qui fait qu’aujourd’hui les Églises locales sont quasiment partout servies par des baptisés locaux, des évêques, des prêtres, des religieux et religieuses, des laïcs bien formés qui jouent un rôle crucial dans l’expansion de la foi. Ils sont issus des mêmes cultures que les personnes qu’ils servent, ont une capacité à incarner et transmettre l’Évangile de manière adaptée aux contextes locaux.

N’oublions pas aussi le témoignage jusqu’au sang des « ancêtres » dans la foi des nombreux catéchumènes d’aujourd’hui, je veux dire le témoignage des martyrs qui ont été nombreux en Asie, en particulier au Japon, en Corée, au Vietnam et en Chine, mais aussi dans une mesure moindre dans beaucoup d’autres pays.

Cependant, il faut aussi préciser que la croissance que vous évoquez n’est pas sans défis. L’Église doit s’assurer que cette augmentation des sacrements s’accompagne d’une formation chrétienne solide et d’une intégration dans la vie ecclésiale. Il y a un enjeu majeur à ce que ces nouveaux baptisés soient bien soutenus dans leur parcours de foi et le témoignage de leur vie chrétienne au sein de leurs sociétés.

 

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Anne van Merris

Anne van Merris est journaliste, formée à l’Institut de journalisme européen Robert Schuman à Bruxelles. Elle est mariée et mère de quatre enfants.

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