Inauguration de Radio Vatican par Pie XI et le card. Pacelli (futur Pie XII), le 12 fév. 1931, entre eux, Guglielmo Marconi @DP

Inauguration de Radio Vatican par Pie XI et le card. Pacelli (futur Pie XII), le 12 fév. 1931, entre eux, Guglielmo Marconi @DP

Qui était Eugenio Pacelli ?

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2e partie – Le décès du père Peter Gumpel sj, postulateur de la cause de béatification du pape Pie XII, remet en lumière une figure historique dont la mémoire a été ternie. 

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Deuxième partie de l’article dont la première a été publiée le 24 octobre 2022.

 

Eugenio Pacelli est né à Rome le 2 mars 1876, dans une famille très proche du Saint Siège, son grand père avait été ministre des finances de Gregoire XVI et comptait parmi les fondateurs de l’Osservatore Romano ; il avait accompagné le Pape Pie IX dans son court exil de 1849. Le père d’Eugenio,  Filippo (1837-1916) était avocat à la Rote, et s’opposa à l’annexion des États pontificaux par le royaume d’Italie. Cette famille qui compta d’autres serviteurs du pape faisait tout naturellement partie de la noblesse pontificale. Son frère Francesco Pacelli, docteur en droit canon sera parmi les négociateurs des accords du Latran de 1929 qui créèrent l’Etat de la Cité du Vatican. 

Doctorat en théologie et entrée à la Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires

Eugenio suivit une scolarité chez des religieuses puis dans une école publique assez anti cléricale, ce qui ne l’empêcha  pas de ressentir la vocation dès l’âge de 12 ans et de le dire. Il est sportif, joue du violon et s’intéresse à l’archéologie. Il commence sa théologie à la Grégorienne des jésuites en 1894 et fera l’université du Latran où il obtiendra trois licences : théologie, droit civil et droit canon. Il ne vise que le ministère en paroisse. Il est ordonné prêtre par monseigneur Francesco di Paola Cassetta, ami de la famille le 2 avril 1899. Ce prélat était patriarche latin de Constantinople et sera créé cardinal le 18 juin 1899 par le Pape Léon XIII. Il va devenir camerlingue du Sacré Collège. C’est lui qui va orienter le jeune prêtre qu’est Eugenio Pacelli vers un travail à la Curie, d’autant plus qu’il avait fait de brillantes études. Et d’emblée il est dirigé vers monseigneur Pietro Gasparri, s’occupant des affaires ecclésiastiques extraordinaires, après plusieurs ambassades en Amérique du Sud, c’était aussi un proche du cardinal Rampolla, secrétaire d’État du pape Léon XIII, et jugé par beaucoup comme étant son successeur.
En 1901, le père Pacelli devient docteur en théologie, et comme il est très doué pour les langues, il entre à la Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires où il fait la connaissance de Merry del Val le futur cardinal secrétaire d’Etat de Pie X. Il assiste au conclave de 1903 comme minutante, et est témoin de la dernière « exclusive » portée par l’empereur d’Autriche contre le cardinal Rampolla qui fait élire le cardinal Sarto qui régnera sous le nom de Pie X. Ami de Merry del Val qui devient secrétaire d’État, il demeure le protégé du cardinal Gasparri, ce qui lui vaut d’être promu prélat domestique en 1905, après avoir été nommé à la commission pour la codification du droit canonique.

 

Début d’une carrière diplomatique

C’est en 1908 qu’il rencontrera à Londres Winston Churchill, car il représentait le Vatican pour un congrès eucharistique, et toujours à ce titre il assistera au sacre du roi d’Angleterre Georges V en 1911. Il était clair que le Saint Siège le dirigeait vers une carrière diplomatique. De fait Benoît XV, après l’avoir sacré lui-même Archevêque « in partibus » de Sardes, lui faisait présenter quelques jours plus tard ses lettres de créances, comme nonce, au roi Louis III de Bavière le 29 mai 1917, il sera rapidement nonce à Berlin 1920, tout en demeurant nonce en Bavière jusqu’en 1925, du fait du décès rapide de son prédécesseur dans la capitale allemande. J’indique que cette nomination était prévue depuis un moment et qu’Eugenio Pacelli eut le temps de s’y préparer, tant par la connaissance de l’histoire de l’empire allemand que par l’approfondissement de la langue. Il soutint activement à l’été 1917 les propositions de paix du pape, pleinement d’accord avec son secrétaire d’État Gasparri en ce 1er août 1917. Ce fut hélas un échec. La guerre continua, pour aboutir au traité de Versailles que notre nonce apostolique qualifia en privé «  d’aberration diplomatique ».
L’avenir lui donnera raison. Il allait devoir affronter le problème majeur de la nomination des évêques, qui à la fondation du IIe Reich, était une affaire entre l’État et les chapitres cathédraux. Avec une grande fermeté doublée d’habileté diplomatique, le nonce sut faire donner priorité aux choix du Pape et faire comprendre la nécessité des concordats. Avec la Bavière, la signature se fit en 1924, avec la Prusse en 1929, et avec le pays de Bade en 1932. Celui qui sera signé avec le Reich en 1933, était en préparation pendant cette période, et il devait s’appliquer à tous les autres Länder.
Il est clair qu’en 1933, le Reich étant toujours demandeur malgré l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il était impossible au Saint Siège de ne pas signer, Pacelli étant cardinal secrétaire d’État revenu à Rome auprès du nouveau Pape Pie XI, et ce en toute connaissance de cause grâce aux connaissances multiples qu’avait pu établir le Nonce jusqu’à son départ de Berlin et à la confiance totale que lui faisait Pie XI. Dans une période aussi complexe que celle que connut l’Allemagne de 1917 à 1929, le Nonce avait visité tous les diocèses, et rencontré de très nombreuses personnes, d’où l’énormité en quantité de ses archives, car tous ses comptes rendus étaient envoyés à Rome.
Il faut relever qu’il a assisté au putsch d’Hitler à Munich en 1923 et qu’il a averti le pape des dangers qu’il représentait. Il estime que : « le nazisme est la pire hérésie de notre époque ». Et il fera en 1929 au nonce autrichien un portrait très peu flatteur d’Adolf Hitler. Il est plus que probable que les nazis ont eu connaissance de cette opinion qui expliquerait la haine viscérale de Goebbels contre Pacelli, présenté à Hitler comme son pire ennemi, et le projet d’assassinat du pape en 1943, lors de l’occupation de Rome. 

 

Nonce en Allemagne et créé cardinal prêtre de Saint-Jean-Saint Paul par le Pape Pie XI

Sa grande connaissance de l’Allemagne explique sa position vis à vis du parti catholique Zentrum. Étant très ami avec monseigneur Kaas porté à la présidence du parti en 1928, contre un syndicaliste, le nonce Pacelli fait l’analyse que ce parti ne pourra rien faire sans alliance préjudiciable à son devoir premier de défendre le catholicisme allemand. En effet, celui-ci était menacé par des intellectuels récalcitrants voulant « rapprocher les catholiques autant que possible de la culture moderne et déterminer eux-mêmes les limites d’un tel rapprochement, indépendamment de l’autorité de l’Eglise et même contre elle » (cf. Hubert Wolf, Le pape  et le diable, p. 65 : il s’agit d’une lettre du nonce). Or sans les voix socialistes, le Zentrum n’avait pas d’autres choix que de s’allier aux nazis l Le Nonce portait le même jugement sévère que notre futur ambassadeur à Berlin, André Francois-Poncet (lire son passionnant ouvrage «  Souvenirs d’une ambassade à Berlin »  1931-1938) sur le manque d’envergure des autres dirigeants du Zentrum à savoir le chancelier Brüning, Papen et Schleicher, ce dernier étant sans doute le plus intelligent mais manipulable, puisque Hindenburg ne l’appela à la Chancellerie que pour le faire échouer. Pour beaucoup d’observateurs la république de Weimar était condamnée avec tout son personnel politique. Celui qui quitte l’Allemagne en 1929 parce que créé cardinal prêtre de Saint-Jean-Saint-Paul, par le Pape Pie XI, est l’un des hommes de son temps qui connaît le mieux la situation de l’Allemagne et du monde de cette époque, et sa nomination dès février 1930 comme secrétaire d’État, successeur du cardinal Gasparri surprendra certains mais pas tous ! C’était en tout cas le meilleur connaisseur du problème allemand et de bien d’autres en Europe ! Il faut se demander pourquoi ? Et la réponse est simple, il a vécu dix ans comme nonce dans ce pays, connaissait sa culture et sa langue et y a rencontré un nombre impressionnant de gens qui comptaient. 

 

Un parallèle entre le futur Pie XII et Léon Blum

Et je me permettrai de faire un parallèle qui peut paraître surprenant, mais qui ne le sera pas pour des personnes qui réfléchissent un peu. Je pense à deux illustres contemporains de cette période, le futur Pie XII et Léon Blum. Les deux avaient en commun d’être de purs intellectuels, admirant à juste titre la culture allemande. Les deux avaient une piètre opinion d’Hitler, mais le nonce Pacelli connaissait par expérience directe son emprise quasi démoniaque sur le peuple allemand, aspect des choses que Blum ignorait complètement et qui lui fera écrire en novembre 1932 à la suite d’un revers électoral des nazis « Hitler est exclu du pouvoir ; il est même exclu, si je puis dire de l’espérance du pouvoir ». Comptait-il sur, Hindenburg, Papen, voir le général Schleicher, tête politique de la Reichswehr ? Qu’on en juge parce que Blum écrivait en août 1932 : « Von Papen et Von Schleicher, nous ne nous lassons pas de le répéter, incarnent la vieille Allemagne d’avant 1914 dont la révolution victorieuse a, par un irréparable malheur laissé subsister les fondations et les cadres, l’Allemagne impériale, l’Allemagne féodale, patronale, piétiste, avec son sens massif de la discipline, son orgueil collectif, sa conception à la fois scientifique et religieuse de la civilisation. Hitler, au contraire… symbolise un esprit de changement, de rénovation, de révolution.

Dans le creuset du racisme hitlérien bouillonne confusément, à côté de certaines traditions nationales de la vieille Allemagne, tous les instincts contradictoires, toutes les angoisses, toutes les misères, toutes les révoltes de l’Allemagne nouvelle. Qu’en sortirait-il, le moment venu, dans quel moule viendrait se fixer le jet de métal en fusion ? Nul ne peut le dire exactement, mais c’est contre cette virtualité mystérieuse et formidable que les hommes de l’Allemagne impériale, appuyés sur la Reichswehr, opposent aujourd’hui leur barricade. En ferai-je l’aveu ? Si je me plaçais sur le plan du « devenir », la victoire de von  Schleicher me paraîtrait encore plus décevante , encore plus désolante que celle de Hitler ». Je m’aventure peut-être ? Mais je pense que le Nonce Pacelli pensait la même chose.
En 1932 puis en 1933, Blum nourrissait encore l’espoir qu’Hitler au pouvoir pourrait changer ou ne pas durer. Pacelli, secrétaire d’État du Pape, avait beaucoup moins d’illusions parce que ayant constaté de lui-même l’état d’esprit du peuple allemand, sa profonde humiliation et la fascination de beaucoup pour le chef nazi, il lui pressentait, à son grand regret un avenir plus long que celui envisagé par Blum. Ce n’est qu’en arrivant au pouvoir en 1936, que le chef socialiste aura pleine connaissance du danger allemand (grâce aux notes d’ambassade de François-Poncet). Et le 7 septembre 1936 le Front populaire adoptera un plan de 14 milliards pour le réarmement de la France, et cet effort continuera jusqu’en 1940 avec des sommes plus élevées.

Mais qu’en fera le cardial secrétaire d’État Pacelli ? Cela fera l’objet d’un suivant article. 

Père Michel Viot 

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Rédaction

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