Chapitre des FMA © Vatican Media

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Le message du pape François aux Filles de Marie auxiliatrice (traduction complète)

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Non à la mondanité spirituelle oui au style de Don Bosco

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Un « solide enracinement dans le Christ », c’est ce qui permet de ne pas céder à « la mondanité spirituelle », qui est le « pire » qui puisse arriver à un chrétien, à une personne consacrée, rappelle le pape François en soulignant cet enjeu du combat spirituel chrétien. 

Quittant la Maison Sainte-Marthe du Vatican, le pape François est sorti du Vatican, vendredi 22 octobre 2021, pour se rendre à la Curie générale des Filles de Marie Auxiliatrice (FMA, Salésiennes de don Bosco), au Nord-Est du Vatican, à quelques trente minutes de voiture (14km). Un indéniable signe de proximité spirituelle.

Voici notre traduction, rapide, de travail, du discours du pape François, prononcé en italien.

AB

Discours du pape François

Je vous souhaite, Mère, un bon travail, ainsi qu’au nouveau Conseil. Et nous remercions la Supérieure et les Conseillères sortantes. J’espère que la Mère reviendra en Afrique… Et s’il n’y a pas de place en Afrique, en Patagonie !

Au cours de ces journées de travail, vous avez suivi le thème « Des communautés qui génèrent la vie au cœur du monde contemporain », à la lumière des paroles de Marie aux noces de Cana « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2,5). C’est le plus beau geste de la Vierge Marie : la Vierge Marie ne prend jamais pour elle, jamais, elle indique toujours Jésus. Réfléchissez à cela : imiter la Vierge Marie et faire de même [le pape François fait le geste d’indiquer]. D’une part, donc, garder à l’esprit le contexte social multiculturel, marqué par des tensions et des défis parfois même dramatiques, comme ceux provoqués par la pandémie ; en même temps, écouter la parole du Seigneur, sa volonté, précisément en ce temps si fragile et si incertain, avec les formes de pauvreté que la crise actuelle a produites et multipliées. Vous le savez, c’est terrible. Les pauvretés se sont multipliées, même les pauvretés cachées. De nombreuses familles aisées, ou du moins dans la classe moyenne, n’ont pas de quoi vivre. La pandémie a causé tant de massacres.

Réveiller la fraîcheur originelle de la fécondité vocationnelle de l’institut : c’est l’objectif que vous vous êtes fixé. C’est une perspective clé pour répondre aux exigences du monde d’aujourd’hui, qui a besoin de découvrir dans la vie consacrée « l’annonce de ce que le Père, par le Fils dans l’Esprit, accomplit par son amour, sa bonté, sa beauté » (CIVCSVA, A vin nouveau, outres neuves, 6). Il ne s’agit pas de nier les fragilités ni les fatigues présentes dans les communautés, mais de croire que cette situation peut les aider à transformer l’aujourd’hui en un kairós, un moment propice pour aller aux racines charismatiques, travailler sur l’essentiel, en redécouvrant, vous d’abord, la beauté de la vie consacrée. Ce défi vous invite à renouveler votre « oui » à Dieu en ce moment, en tant que femmes et en tant que communautés qui se laissent interpeller par le Seigneur et par la réalité. Et devenir ainsi prophétie de l’Evangile, témoignage du Christ et de son style de vie.
Vatican II a montré à l’Église cette voie, qui est la voie de Dieu : l’incarnation dans l’histoire, l’immersion dans la condition humaine. Mais cela suppose un solide enracinement dans le Christ, afin de ne pas être à la merci de la mondanité sous ses diverses formes et déguisements. N’oubliez pas que le pire mal qui puisse arriver dans l’Église c’est la mondanité spirituelle. Je peux presque dire que cela semble pire qu’un péché, car la mondanité spirituelle c’est cet esprit subtil qui occupe la place de l’annonce, qui occupe la place de la foi, qui occupe la place du Saint-Esprit. Le père de Lubac, dans le livre Méditation sur l’Eglise, en parle dans les dernières pages. Allez les chercher. Les quatre dernières pages. Ce qu’il dit c’est très fort : la mondanité spirituelle est le pire mal qui puisse arriver à l’Église, pire que le scandale à l’époque des papes concubins. C’est fort. Le diable entre dans les maisons religieuses par cette voie.
Cela m’aide à comprendre comment le diable entre chez nous. Et ce n’est pas un péché, ce n’est pas une religieuse qui en tue une autre – un scandale ! – ou qui insulte une autre, non, cela c’est un vilain péché, tous se scandalisent, demandent pardon… Non. Jésus nous enseigne comment le diable entre ici, et il dit ceci: « Quand l’esprit impur a été chassé d’une personne, s’en va, erre dans les déserts, s’ennuie, puis dit : « Je vais retourner chez moi voir comment elle est ». Une maison toute propre, toute belle, toute préparée. Et il s’en va, trouve sept [esprits] pires que lui et entre dans cette maison. Mais il n’entre pas en forçant, non, il entre poliment : il sonne, il dit bonjour. Ce sont des diables polis. Nous ne remarquons pas qu’ils entrent. Alors ils entrent lentement et nous : « Ah, comme c’est beau, comme c’est beau, viens, viens… ». Et à la fin, la situation de cet homme est pire qu’au début. Cela arrive donc avec la mondanité spirituelle. Des personnes qui ont tout quitté, qui ont renoncé au mariage, ont renoncé aux enfants, à une famille… elles finissent, excusez la parole comme des « vieilles filles », c’est-à-dire mondaines, préoccupées par ces choses…
Et l’horizon se ferme, parce qu’elles disent : « Celle-là ne m’a même pas regardée, celle-là m’a insultée, celle-là… ». Les conflits internes qui enferment. S’il vous plaît, fuyez la mondanité spirituelle. Et aussi du statut : « Je suis religieux, je suis religieuse… ». Examiner cela. C’est le pire qui puisse arriver. C’est comme un […] qui t’enlève peu à peu des forces. Et au lieu d’être des femmes consacrées à Dieu, elles deviennent ainsi des « demoiselles polies ». […] Où est le service missionnaire, où est le service, où est la mortification, de se supporter les unes les autres? Et saint Jean Berchmans disait : « Ma plus grande pénitence c’est la vie communautaire ». Et il en faut ! Il faut beaucoup de pénitence pour se supporter les unes les autres. […] Mais attention à la mondanité spirituelle. Non pas que pour vivre j’ai besoin de changer de téléphone portable, que j’ai besoin de ceci, de cela, pour prendre des vacances à la plage… Je parle de choses vraies. Mais la mondanité c’est cet esprit qui t’amène à ne pas être en paix ou avec une paix pas belle, une paix sophistiquée.

Pour vous, consacrées, cela requiert une fidélité créative au charisme, et c’est pour cela vous revenez toujours au charisme. Le charisme est-il une relique ? Non, c’est une réalité vivante, pas une relique embaumée. Il est la vie qui crée et continue, pas une pièce de musée. La grande responsabilité c’est donc de collaborer avec la créativité de l’Esprit Saint, de revisiter le charisme et de faire en sorte qu’il exprime sa vitalité dans l’aujourd’hui. De là naît la véritable « jeunesse », parce que l’Esprit fait toutes choses nouvelles. Et nous trouvons des religieux et des religieuses plus âgés qui semblent plus jeunes – comme le bon vin – que la puissance de l’Esprit aide à trouver de nouvelles expressions du même don qu’est le charisme. Un charisme qui est le même pour toutes, mais différent pour toutes. C’est la même chose, mais avec les nuances de chaque personne ; et cela signifie que cette personne est pleine de ce charisme, est créative aussi dans le charisme. Elle ne sort pas du charisme, non. C’est le même charisme. C’est la créativité que donne fidélité au charisme. Voilà le chemin de l’Église que nous ont montré les saints Papes du Concile et de l’après-Concile : Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier – bientôt bienheureux – et Jean-Paul II, dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire.

Un autre aspect que je vois dans le thème du Chapitre c’est le besoin de faire grandir des communautés tissées de relations intergénérationnelles, interculturelles, de relations fraternelles, de relations cordiales. Pour cela, vous pouvez puiser dans votre esprit de famille, qui a caractérisé la première communauté, à Mornèse, et qui vous aide à saisir dans la diversité une opportunité d’accueil et d’écoute, en valorisant les différences comme des richesses. Dans cette perspective, je vous encourage également à poursuivre l’engagement de travailler en relation avec d’autres congrégations, en cherchant à vivre des relations de réciprocité et de co-responsabilité. Mais on peut faire cela bien si au sein de ta congrégation tu as un beau rapport comme cela, [mais] ne pas fuir vers d’autres congrégations parce que tu n’es pas capable de tolérer la tienne. C’est pour vous une manière concrète de vivre la synodalité ; et, là aussi, le présupposé c’est la docilité à l’Esprit Saint, l’ouverture à ses nouveautés et ses surprises.
Je voudrais me concentrer là-dessus : sur « l’intergénérationnalité ». Je me souviens une fois d’une congrégation religieuse – pas vous – en Argentine, qui avait eu des problèmes, il y a de nombreuses années, il y a plus ou moins quarante ans. La Mère Générale était une religieuse douée pour l’organisation et elle a dit : « Non non : il faut de la jeunesse ici », car à cette époque il y avait beaucoup de vocations. Les [soeurs] âgées étaient toutes dans une maison pour personnes âgées et les jeunes à part. Mais c’est un péché, un péché contre la famille ! Les personnes âgées doivent vivre, dans la mesure du possible, dans la communauté vivante. Et un devoir des jeunes c’est de s’occuper des personnes âgées, d’apprendre d’elles, de dialoguer avec les personnes âgées. S’il n’y a pas un tel échange dans une congrégation, c’est le chemin qui mène à la mort. [Le pape montre une image qui a été distribuée, représentant un jeune moine portant un moine âgé sur ses épaules] Cette image que j’ai apportée… Ce jeune moine portant un vieil homme. C’est le « métier » du jeune. Etre capables d’avoir des grands-mères, des grands-pères à la maison.
Je me souviens que dans cette congrégation dont j’ai parlé tout à l’heure, que les soeurs âgées mouraient de chagrin. « Elle est morte… Elle va mal… ». Le chagrin venait de la tristesse de ne pas pouvoir profiter des nouvelles générations. Faites un examen de conscience : comment est-ce que j’accueille les personnes âgées ? C’est vrai que les vieux deviennent parfois un peu capricieux – nous sommes comme cela – et les défauts de la vieillesse se voient mieux ; mais c’est aussi vrai que les vieux ont cette sagesse, cette grande sagesse de vie : la sagesse de la fidélité de vieillir dans la vocation. Et merci pour tout ce que vous ferez. Ne jamais isoler les personnes âgées ! Oui, il y aura des maisons pour personnes âgées qui ne peuvent pas mener une vie normale, qui sont alitées… Mais y aller continuellement, visiter les personnes âgées, leur rendre visite… C’est le trésor de l’histoire !
Cette expérience de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus m’aide beaucoup, lorsqu’elle accompagnait une vieille religieuse qui marchait avec difficulté. Mais c’était un peu religieuse névrosée, parfois cela arrive. Et Thérèse faisait tout son possible… Et Thérèse ne perdait jamais le sourire. Elle la conduisait puis la faisait asseoir, puis coupait son pain. La pauvre petite vieille, un peu névrosée, se plaignait de tout, mais la regardait avec amour. Et il est arrivé une fois, dans le passage du chœur au réfectoire, qu’on entendait un bruit de l’extérieur, on entendait la musique d’une bal, il y avait une fête à proximité. Et Thérèse dit : « Je n’échangerai jamais ceci pour cela ». Elle avait compris la grandeur de la vocation. Le respect des personnes âgées. S’il vous plaît, porter les personnes âgées!
La même ouverture à l’Esprit permet de persévérer dans l’engagement d’être des communautés génératrices au service des jeunes et des plus pauvres. Des communautés missionnaires, en sortie, tendues pour annoncer l’Évangile aux périphéries, avec la passion des premières Filles de Marie Auxiliatrice. Mais cette passion est impressionnante, celle des premiers salésiens ! Mais c’était vrai, ça émerveillait les jeunes gens et les jeunes filles. Dans un livre que je vous ai apporté – j’en laisserai un à la Mère Générale -, un livre qui parle d’un prêtre salésien de Lodi qui était missionnaire en Argentine, le p. Enrico Pozzoli: l’introduction du livre – c’est intéressant – montre la quantité de salésiens que Don Bosco a envoyé en Argentine. Si nombreux! Et quand ils sont arrivés à Buenos Aires – c’est la beauté des premiers salésiens – ils ne sont pas allés dans les quartiers bourgeois, non, ils sont allés chercher des frontières… Qu’est-ce qui attire une vocation ? La sainteté, le zèle. Cherchez, voyez cet esprit missionnaire… A propos des jeunes, je veux vous encourager, car ce n’est pas facile d’accompagner des adolescents, garçons et filles. Les parents le savent bien, et vous le savez aussi. C’est aussi pour cela que j’ai voulu le Synode des jeunes et avec les jeunes, d’où est sortie l’Exhortation Christus vivit. Je sais que vous l’utilisez ; je vous encourage à continuer à le faire car je suis sûr que vous pourrez y trouver différents points en harmonie avec votre charisme et avec votre service éducatif.
Chères sœurs, je sais que vous vous préparez à célébrer le 150e anniversaire de la fondation de l’institut. Cela aussi c’est une occasion de renouveau et de revitalisation vocationnelle et missionnaire. N’oubliez pas la grâce des origines, l’humilité et la petitesse des débuts qui ont rendu l’action de Dieu transparente dans la vie et le message de celle qui, remplies d’émerveillement, ont commencé ce chemin. Marie Auxiliatrice vous aidera : vous êtes ses filles ! Ses paroles aux noces de Cana ont été et sont un phare de lumière pour votre discernement : « Tout ce qu’Il vous dira, faites-le ». Marie est la femme attentive, pleinement incarnée dans le présent et pleine de sollicitude, une femme attentionnée. Puissiez-vous être ainsi attentives à la réalité, saisir les situations de besoin, quand le « vin » manque, c’est-à-dire la joie de l’amour, et porter le Christ, non pas en paroles mais dans le service, dans la proximité, avec compassion et avec tendresse.
Je m’arrête là-dessus. Pour moi, il y a une chose très mauvaise, c’est une religieuse en colère, une religieuse qui semble prendre son petit déjeuner non pas avec du lait mais avec du vinaigre. Soyez des mères. Tendresse. Le style de Dieu c’est toujours la proximité. Il l’a dit au début, dans le Deutéronome : « Réfléchissez : quel peuple a ses dieux aussi proches que vous m’avez ? ». Proximité. Et la proximité de Dieu est toujours compatissante et tendre. La proximité est compassion et tendresse. Chaque jour, dans l’examen de conscience, se demander : « Est-ce que j’ai été proche aujourd’hui ? Est-ce que j’ai été compatissante ? Est-ce que j’ai été tendre ? » Avancez avec cela! Utilisez beaucoup le mot tendresse. C’est important pour la manière d’être. Apportez l’espérance qui ne déçoit pas. La vraie. Être comme Marie des femmes d’espérance. Faites-le à partir de l’identité salésienne, avec le style salésien : surtout l’écoute, la présence active, l’amour pour les jeunes. La créativité du moment, comme le disait Don Bosco.

Ce « la Mère de Jésus y était » (Jn 2,1) de l’Evangile des noces de Cana, devient dans vos Constitutions « Marie est activement présente dans notre vie et dans l’histoire de l’Institut » (cf. Const. FMA , 44) . Accompagnée par elle, avancez avec enthousiasme sur le chemin que l’Esprit vous suggère. Le cœur ouvert pour accueillir les élans de la grâce de Dieu, le regard attentif pour reconnaître les besoins et les urgences d’un monde en continuel changement. Regarder le changement, mais le cœur toujours amoureux du Seigneur. Coeur de mère, coeur proche, avec compassion et avec tendresse.

Et merci de cette rencontre ! Merci pour ce que vous êtes et de ce que vous faites. Je suis proche de vous par la prière et je vous bénis ainsi que toutes vos sœurs dans le monde. Et je vous demande de prier pour moi : ce n’est pas facile d’être Pape !

© Traduction de Zenit, Anita Bourdin

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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