Diocèse de Rome, 18 sept. 2021 © Vatican Media

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« Devenir une école de fraternité »: le pape François explique le synode à son diocèse (3)

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Et l’exercice du sensus fidei

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« La première étape du processus synodal (octobre 2021 – avril 2022) c’est celle qui concerne les Églises diocésaines’, rappelle le pape François dans un long discours à son diocèse de Rome, prononcé ce samedi matin, 18 septembre 2021, dans la salle Paul VI du Vatican, pour expliquer le processus qui préparera le l’assemblée des évêques d’octobre 2023. Il souligne ici ce que signifie une « Eglise synodale ».

Le pape a été accueilli par l’assemblée diocésaine et a pris le temps de saluer les personnes présentes, des anciens aux enfants, et il a été accueilli par son vicaire pour le diocèse de Rome, le cardinal Angelo De Donatis.

Dans la première étape, que le pape va ouvrir dimanche 10 octobre, et les diocèses autour de leur évêque dans leur cathédrale, le 17 octobre, il s’agit d’une « écoute mutuelle » et d’une écoute de Dieu, de l’Esprit Saint, insiste le pape François.

Le pape François explique ce que signifie le « sensus fidei » et affirme le caractère indissociable des « deux aspects, personnel et ecclésial » de l’Eglise: « il ne peut pas y avoir de sensus fidei sans participation à la vie de l’Église ».

Le pape explique aussi ce que signifie « peuple de Dieu ».

La première partie se trouve ici.

La deuxième partie se trouve ici.

La quatrième partie se trouve ici.

Voici la troisième partie de ce discours tenu en italien, dans notre traduction rapide, de travail.

AB

Discours du pape François (3)

Une Église synodale signifie une Église sacrement de cette promesse, qui se manifeste en cultivant l’intimité avec l’Esprit et avec le monde à venir. Il y aura toujours des discussions, mais il faut chercher des solutions en donnant la parole à Dieu et à ses voix parmi nous ; prier et ouvrir les yeux sur tout ce qui nous entoure ; pratiquer une vie fidèle à l’Evangile; en interrogeant la Révélation selon une herméneutique pèlerine qui sait sauvegarder le chemin commencé dans les Actes des Apôtres. Sinon, on humilierait l’Esprit Saint. Gustav Mahler estimait que la fidélité à la tradition ne consiste pas à adorer les cendres mais à garder le feu. C’était un grand compositeur, mais il est aussi un maître de sagesse avec cette réflexion. Dei Verbum (n. 8), citant la Lettre aux Hébreux, affirme : « Dieu, qui de nombreuses fois et de différentes manières dans les temps anciens a parlé aux pères » ne cesse de parler avec l’Épouse de son Fils ». Il y a une heureuse formule de saint Vincent de Lérins qui, en comparant l’être humain en croissance et la Tradition qui se transmet d’une génération à l’autre, affirme que le « dépôt de la foi » ne peut être conservé sans le faire progresser : « en se consolidant avec les années, en se développant avec le temps, en s’approfondissant avec l’âge » (Commonitorium primum, 23, 9).

Vous voyez combien notre Tradition est une pâte levée, une réalité en fermentation où nous pouvons reconnaître la croissance, et dans la pâte une communion qui s’accomplit en mouvement : marcher ensemble réalise la vraie communion. C’est encore le livre des Actes des Apôtres qui nous aide, en nous montrant que la communion ne supprime pas les différences. C’est la surprise de la Pentecôte, quand les différentes langues ne sont pas des obstacles : bien qu’étrangers les uns aux autres, grâce à l’action de l’Esprit « chacun entend parler de sa propre langue maternelle » (Ac 2, 8). Se sentir à la maison, différents mais solidaires sur ce chemin.

Pour en revenir au processus synodal, la phase diocésaine est très importante, car elle implique l’écoute de la totalité des baptisés, sujet du sensus fidei l’infaillible in credendo. Il y a beaucoup de résistances pour surmonter l’image d’une Église qui distingue rigidement entre chefs et subordonnés, entre ceux qui enseignent et ceux qui doivent apprendre, en oubliant que Dieu aime renverser les positions : « Il a renversé les puissants de leurs trônes, il a exalté les humble » (Lc 1, 52). Marcher ensemble découvre l’horizontalité plutôt que la verticalité comme sa ligne. L’Église synodale restaure l’horizon d’où surgit le Christ soleil : ériger des monuments hiérarchisés, c’est le recouvrir. Que les pasteurs marchent avec le peuple, parfois devant, parfois au milieu, parfois derrière. Devant pour guider, au milieu pour encourager et ne pas oublier l’odeur du troupeau, derrière car le peuple a du « flair ». Il a le flair pour trouver de nouveaux chemins pour le chemin, ou pour retrouver la route perdue.

Le sensus fidei qualifie tous dans la dignité de la fonction prophétique de Jésus-Christ (cf. Lumen gentium, 34-35), de façon à pouvoir discerner quelles sont les voies de l’Évangile au présent. C’est le « flair » des brebis, mais prenons garde que, dans l’histoire du salut, nous soyons tous des brebis par rapport au Pasteur qui est le Seigneur. L’image nous aide à comprendre les deux dimensions qui contribuent à ce « flair ». L’une personnelle et l’autre communautaire : nous sommes des brebis et nous faisons partie du troupeau, qui dans ce cas représente l’Église. Ces deux aspects, personnel et ecclésial, sont inséparables: il ne peut pas y avoir de sensus fidei sans participation à la vie de l’Église, qui n’est pas seulement l’activisme catholique, il doit y avoir avant tout ce « sentir » qui se nourrit des « sentiments de Christ » (Ph 2,5).
L’exercice du sensus fidei ne peut pas être réduit à la communication et à la comparaison des opinions que l’on peut avoir sur telle ou telle question, sur tel seul aspect de la doctrine, ou sur telle règle de discipline. Et l’idée de distinguer majorités et minorités ne pourrait pas prévaloir. Combien de fois les « rejets » sont devenus la « pierre angulaire » (cf. Ps 118,22 ; Mt 21,42), les « lointains » sont devenus « proches » (Ep 2,13). Les marginaux, les pauvres, les sans espérance ont été élus sacrement du Christ (cf. Mt 25, 31-46). Nous sommes si préoccupés, à juste titre, que tout puisse honorer les célébrations liturgiques – même si nous finissons souvent par ne réconforter que nous-mêmes – mais saint Jean Chrysostome nous avertit : « Tu veux honorer le corps du Christ ? Ne permets pas qu’il soit un objet de mépris dans ses membres, c’est-à-dire dans les pauvres, sans vêtements pour se couvrir. Ne l’honore pas ici dans l’Eglise avec des tissus de soie, tandis qu’à l’extérieur tu le négliges quand il souffre de froid et de nudité. Celui qui a dit : « Ceci est mon corps », confirmant le fait par la parole, a également dit: « Tu m’as vu affamé et tu ne m’as pas nourri » et : « Chaque fois que tu n’as pas fait ces choses à l’un des plus petits d’entre eux , tu ne l’as même pas fait non plus à moi » (Homélies sur l’Evangile de Matthieu, 50, 3).
Il faut se sentir membre d’un seul grand peuple, destinataire des promesses divines, ouvert à un avenir qui attend chacun pour participer au banquet préparé par Dieu pour tous les peuples (cf. Is 25, 6). Et ici je voudrais préciser que même sur le concept de « peuple de Dieu » il peut y avoir des herméneutiques rigides et antagonistes, restant piégées dans l’idée d’exclusivité, d’un privilège, comme cela s’est produit pour l’interprétation du concept d’ « élection » que les prophètes ont corrigée, indiquant comment elle doit être correctement comprise.

Etre le peuple de Dieu, il ne s’agit pas d’un privilège, mais d’un don que quelqu’un reçoit… Pour lui-même ? Non : pour chacun, le don est fait pour être donné : voilà la vocation. C’est un don que quelqu’un reçoit pour tout le monde, que nous avons reçu pour les autres, c’est un don qui est aussi une responsabilité. La responsabilité de témoigner dans les faits et pas seulement en paroles des merveilles de Dieu qui, si elles sont connues, aident les gens à découvrir son existence et à accueillir son salut. L’élection est un don, et la question est : mon être chrétien, ma confession chrétienne, comment la donner, comment la donner ? La volonté salvifique universelle de Dieu est offerte à l’histoire, à toute l’humanité par l’incarnation du Fils, afin que tous, par la médiation de l’Église, deviennent ses enfants et frères et sœurs entre eux. C’est ainsi que se réalise la réconciliation universelle entre Dieu et l’humanité, cette unité de tout le genre humain dont l’Église est signe et instrument (cf. Lumen Gentium, 1). Avant même le Concile Vatican II, la réflexion, élaborée sur l’étude attentive des Pères, avait mûri que le peuple de Dieu tend la main vers la réalisation du Royaume, vers l’unité du genre humain créé et aimé par Dieu. L’Église, comme l’a dit saint Paul VI, est une maîtresse d’humanité qui a aujourd’hui pour objectif de devenir une école de fraternité. Et l’Église telle que nous la connaissons et la vivons, dans la succession apostolique, cette Église doit se sentir liée à cette élection universelle et pour cela mener à bien sa mission. C’est dans cet esprit que j’ai écrit Fratelli tutti. L’Église, comme l’a dit saint Paul VI, est une maîtresse d’humanité qui a aujourd’hui pour objectif de devenir une école de fraternité.

(à suivre…)

© Traduction de Zenit, Anita Bourdin

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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