Il vit et il crut
Aujourd’hui « le Christ est ressuscité des morts, par sa mort il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la vie », chante la liturgie orthodoxe pendant toute la nuit pascale, aujourd’hui la « victime pascale est immolée », dit la liturgie latine dans la séquence de Pâques, poème liturgique du XIe siècle :
« La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux.
Le Maître de la vie mourut ; vivant il règne ».
Et le poème continue sur le ton allègre d’une comptine :
« Dis-nous, Marie-Madeleine,
Qu’as-tu vu en chemin ? … »
La Lettre de saint Paul aux Colossiens s’adresse aux chrétiens « ressuscités avec le Christ » :
« Vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire » (Col 3,4).
Nous sommes morts et ressuscités dans le Christ et ce mystère de notre vie au-delà de la mort reste caché en lui.
L’évangile de cette année B est tiré du chapitre de l’évangile de Jean (20,1-9).
Le tombeau vide
C’est lorsqu’il faisait encore nuit, à l’aube du troisième jour, que Marie-Madeleine vint au tombeau. Elle vit la pierre roulée, n’entra pas et se précipita annoncer à Pierre et à Jean que la pierre avait été roulée et que le corps de Jésus avait disparu.
Pierre et Jean courent au tombeau voir ce que leur avait dit Marie-Madeleine. Ils courent car la nouvelle est stupéfiante : le Christ a disparu ! A-t-on volé son corps ? Qui a commis ce sacrilège ? Et pourquoi ? Le plus jeune, Jean, plus rapide, arriva le premier, mais il n’entra pas et laissa, l’ancien, Pierre, entrer le premier.
« Alors arrive Simon-Pierre et il entra dans le tombeau ». « Il vit les linges gisant à terre, ainsi que le suaire, qui avait recouvert sa tête », « roulé à part », mais lui, il ne le vit pas. Il ne « vit » rien du tout. « Et il s’en retourna très étonné de ce qui était arrivé » (Luc 24,12). Il était perplexe. Il ne savait pas quoi penser et il n’avait pas encore la foi.
« Alors entra Jean l’autre disciple qui était arrivé le premier ». Il vit et il crut. Lui, à qui Jésus avait dit, ainsi qu’à André : « Venez et voyez », après avoir quitté Jean le Baptiste, voit et croit.
Mais qu’est-ce qu’il voit ? RIEN ; Jésus n’est pas là et le tombeau est vide, et c’est sur ce VIDE du tombeau qu’il appuie sa foi. Il comprend que Jésus ne fait plus partie de ce monde, mais qu’il est passé de ce monde à son Père, qu’il est ressuscité.
« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (Luc 24,5), dira l’Ange aux saintes femmes. Il ne doit plus être cherché dans le tombeau où l’on enterre les morts, car il est vivant.
Désormais le tombeau vide est ce Saint Sépulcre où les croyants viennent baiser la pierre sur laquelle le corps de Jésus a reposé et confesser sa résurrection.
Voir et croire
Le « voir » de saint Jean est un voir qui voit l’invisible. Lorsqu’il dit, dans la Première Épître : « Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé du Verbe de vie ; car la Vie s’est manifestée, nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle » (1 Jn 1,1-2), il a vu avec ses yeux un homme et il a contemplé le « Verbe de vie » qui est invisible, il l’a vu ici et maintenant et il témoigne de la « Vie éternelle ». C’est un « voir » qui est déjà un « croire » et sa contemplation se fait par les « yeux de la foi » (Ep 1,18).
Et lorsque Jésus dit à Philippe sur un ton de reproche : « Voici si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe, Celui qui m’a vu, a vu le Père. Comment peux-tu dire “Montre-nous le Père !” ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? » (Jn 14,9-10) –, il passe alors du « voir » au « croire ». Voir le Père en Jésus, c’est croire qu’il est le Fils de Dieu qui est dans le Père comme le Père est en lui. Philippe non seulement n’a pas « vu » le Père en Jésus, mais il n’a pas « connu » Jésus lui-même.
L’Écriture
Or ici, après avoir dit « Il vit et il crut », l’évangéliste Jean ajoute : « Ils ne savaient pas encore que, d’après l’Écriture, il devait ressusciter des morts ».
Jean donne une explication ou une justification du manque de foi des apôtres.
Ils n’avaient pas compris que la résurrection de Jésus d’entre les morts était annoncée dans l’Écriture et c’est bien par l’Écriture que Jésus montre aux disciples d’Emmaüs la nécessité de sa passion pour entrer dans la gloire de sa résurrection : « Et commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur interpréta, dans toutes les Écritures, ce qui le concernait » (Luc 24,27).
La foi dans la résurrection du Christ se fonde sur l’Écriture et la méditation de l’Écriture, comme le signe de la fraction du pain, concourt à « ouvrir les yeux » (Luc 24,31) de ceux qui voient et croient dans le Christ.
L’apôtre Jean et Marie-Madeleine, témoins de la résurrection du Christ
La scène de la course au tombeau se continue par la rencontre de Marie-Madeleine et de Jésus, la femme pécheresse devenue l’Eve rachetée par la grâce du Nouvel Adam. La scène a changé : ce n’est plus l’obscurité du tombeau, mais la lumière d’un jardin, un nouveau paradis, où se promène le Dieu jardinier.
Marie-Madeleine et Jean, les deux étaient avec Marie au pied de la Croix et ils ont été les premiers à voir et croire à sa résurrection, mais Marie a vu Jésus lui-même qui l’a appelée par son nom, alors que Jean n’a vu que son absence. Mais le disciple que Jésus aimait a su, par la foi et l’amour brûlant, reconnaître sa présence.
Ysabel de Andia
Docteur en philosophie (Sorbonne), agrégée de philosophie et docteur en théologie (Rome), vierge consacrée du diocèse de Paris, Ysabel de Andia est l’auteur de nombreux livres notamment en patristique.
On peut retrouver ses sept premières méditations de carême et de la Semaine sainte 2021 ici:
Entrée en carême: « Cendres et parfums »
« L’épreuve du désert et la découverte du cœur profond »
La Transfiguration ou « Jésus seul. Avec eux… »
« Le Temple de Jérusalem et le sanctuaire de son corps »
Dimanche du « Laetare »: « Jésus, lumière de la vie »