Jésus et Caïphe, Giotto, Scrovegni, Padoue (Italie), capture

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Dimanche de la Passion: « La condamnation à mort » par Ysabel de Andia

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La question que Jésus pose à Marthe, il la pose à nous tous : «Crois-tu?»

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La condamnation à mort

L’année liturgique B ne retient pas l’évangile de Lazare pour le samedi de Lazare, mais seulement le texte qui suit le récit de la résurrection de Lazare, c’est-à-dire le conseil des Anciens et la condamnation à mort du Christ.

La messe s’ouvre sur le cri de souffrance du Christ en croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Je suis un ver non pas un homme, raillé par les gens, rejeté par le peuple. Toi, Seigneur, ne reste pas loin : ô ma force, viens vite à mon aide ! » (Ps 22,2.7.20 ; Mt 27,46// Mc 15,34).

La clameur de Jésus : « Eli, Eli, lama sabachtani ? » ouvre un abîme de déréliction d’autant plus profond et mystérieux qu’il s’adresse à son Père. Pourtant ce psaume s’achève par une note d’espérance : « Car le Seigneur n’a point méprisé ni dédaigné la pauvreté du pauvre, ni caché de lui sa face, mais invoqué par lui, il écouta » (v. 25).

La prophétie de Caïphe

Après la résurrection de Lazare, « certains s’en furent trouver les Pharisiens et leur dirent ce que Jésus avait fait ».

« Les grands Prêtres et les Pharisiens réunirent alors un conseil : “Que faisons-nous disaient-ils, cet homme fait beaucoup de signes. Si nous le laissons ainsi tous croiront en lui, et les Romains viendront et ils supprimeront notre Lieu Saint et notre nation” » (Jn 12,47-48).

Ils expriment une peur plus qu’une certitude : si tout le peuple croit en Jésus il s’opposera aux Romains et les Romains viendront et détruiront « notre Lieu Saint », soit Jérusalem, soit le « Lieu Saint » par excellence à savoir le Temple.

« Mais l’un d’entre eux, Caïphe, étant grand Prêtre cette année-là leur dit : “Vous n’y entendez rien. Vous ne songez même pas qu’il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière.” Or cela, il ne le dit pas de lui-même ; mais, étant Grand Prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation — et non pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 12, 49-52).

Caïphe donne une justification politique de la condamnation de Jésus : il vaut mieux « qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière », mais saint Jean révèle le sens prophétique de ses paroles : « Jésus allait mourir pour la nation — et non pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ».

Jésus « rassemble dans l’unité tous les enfants de Dieu », d’abord les Juifs et les païens pour en faire « un seul peuple » :

« C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine, en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau. Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne, il a tué la haine » (Ep 2,14-16).

Mais aussi « tous les enfants de Dieu », ceux qui reconnaissent Dieu comme leur Père et le servent avec fidélité, l’unité de l’humanité revenue à Dieu, une humanité « nouvelle ».

C’est cette unité qui est instaurée par la Croix et l’effusion de l’Esprit à la Pentecôte.

Le rassemblement de tous les hommes par le sang de Jésus avait été préfiguré par le rassemblement des déportés d’Israël, prophétisé par Ézéchiel, qu’on lit en première lecture de ce jour :

« Je vais prendre les fils d’Israël parmi les nations où ils sont allés. Je les rassemblerai de partout et les ramènerai sur leur terre e conclurai avec eux une alliance de paix, une alliance éternelle. Je mettrai mon sanctuaire au milieu d’eux pour toujours… Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Ez 37, 21-22. 27-28).

Ce rassemblement, cette unité, a un but : conclure une alliance éternelle avec son peuple.

Cette alliance sera scellée par le sang du Christ qui est « le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude », selon les paroles de la consécration.

Le Christ a voulu refaire l’unité des hommes pour les rendre « participants à la nature divine, selon la prière après la communion, reprenant les paroles de saint Pierre. Cette divinisation que l’homme a cherché à s’emparer dans son orgueil, est donnée sur la Croix par Jésus, par amour, à ceux qui croient en lui.

L’ampleur du dessein salvifique du Christ échappe à ses juges.

Les paroles de Caïphe se concluent par la condamnation à mort de Jésus :

« Dès ce jour-là, donc, ils résolurent de le tuer » (Jn 12,53).

Ce verdict vient au terme de la confrontation de Jésus et des Pharisiens qui a duré pendant toute sa vie publique.

Les menaces de mort

Il faut relire l’ensemble de l’évangile de Jean pour voir que, dès le début de sa vie publique, « les Juifs cherchaient à le faire mourir » (Jn 7,1).

La répétition de cette phrase est très impressionnante.

Jésus lui-même leur dit, lors de la fête des Tentes : « Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ? » (Jn 7,19) et, de nouveau lors de la discussion sur les enfants d’Abraham : « Je sais bien que vous êtes les enfants d’Abraham et pourtant vous cherchez à me faire mourir, car ma parole n’a pas de prise sur vous … Et, en fait vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu » (Jn 8,37.40). Alors ils lui dirent « Tu es un possédé » (Jn 8,48.52) et « ils ramassèrent des pierres, mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple » (Jn 8,59).

Les Pharisiens le traitent de « pécheur », disant à l’aveugle-né : « Rends gloire à Dieu nous savons que cet homme est un pécheur ! » (Jn 9,24), et, après le discours sur le bon pasteur, de « possédé » : « Beaucoup d’entre eux disaient : “C’est un possédé, il est fou, pourquoi l’écoutez-vous ?” » (Jn 10,20). Et de nouveau, lors de la fête de la Dédicace, « les Juifs cherchent des pierres pour le lapider » (Jn 10,31) et disent à Jésus : « Ce n’est pas pour une œuvre bonne que nous voulons te lapider, c’est parce que tu blasphèmes : tu n’es qu’un homme et tu prétends être Dieu » (Jn 10,33). Telle est la raison fondamentale de sa mise à mort et pourtant, Caïphe, le grand Prêtre ne donne pas une raison théologique, mais politique.

La mort et la résurrection

L’évangile de Jean orchestre un crescendo des signes par lesquels Jésus « manifeste sa gloire » (Jn 2,11), depuis le changement de l’eau en vin aux noces des Cana, jusqu’à la résurrection de Lazare, en passant par la guérison d’un paralysé (Jn 5), de l’aveugle-né (Jn 9), etc., — et, inversement un crescendo du rejet de Jésus, jusqu’à sa condamnation à mort par Caïphe et les grands prêtres. Le rejet de Jésus, qui est accusé de blasphème car il se dit le fils de Dieu, aboutit à sa condamnation à mort, alors que le plus grand « signe » donné par Jésus est celui de la résurrection de Lazare, signe de sa propre résurrection, de sa victoire sur la mort.

La foi

« Bien qu’il ait fait tant de signes devant eux, ils ne croyaient pas en lui » (Jn 12,37).

L’enjeu de cette opposition violente entre les Juifs et Jésus, c’est la foi.

Les Juifs n’ont pas cru que Jésus est le Fils de Dieu : c’est un blasphème qui mérite la mort, ou une folie qui montre qu’il est un « fou » ou un « possédé », qu’il est « dérangé », dirait-on aujourd’hui.

De son côté, Jésus ne cesse de demander : « Crois-tu ? » avant d’accomplir un « signe ».

Il dit à Marthe : « Je suis la résurrection. Qui croit en moi, s’il meurt, vivra et qui conque croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ? » Et Marthe lui répond par une belle profession de foi : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu qui vient dans le monde » (Jn 11, 25-27).

A ceux qui croient en lui, Jésus donne la vie éternelle.

La question que Jésus pose à Marthe, il la pose à nous tous : « Crois-tu ? »

Ysabel de Andia

 

Docteur en philosophie (Sorbonne), agrégée de philosophie et docteur en théologie (Rome), vierge consacrée du diocèse de Paris, Ysabel de Andia est l’auteur de nombreux livres notamment en patristique.

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Ysabel de Andia

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