Basilique Sainte-Croix-en-Jérusalem (Rome) © wikimedia commons / Manfred Heyde

Basilique Sainte-Croix-en-Jérusalem (Rome) © wikimedia commons / Manfred Heyde

Dimanche du « Laetare »: « Jésus, lumière de la vie », par Ysabel de Andia

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« Une rose d’or était offerte en hommage à la relique de la Croix »

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 Jésus, lumière de la vie

Au milieu du carême le dimanche Laetare, trois semaines avant Pâques, nous invite à la joie qui est un avant-goût de l’allégresse pascale. Les ornements liturgiques sont roses, comme pour le dimanche Gaudete au milieu de l’Avent, car, à Rome, au IVe siècle, une rose d’or était offerte en hommage à la relique de la Croix conservée dans la basilique de la Santa Croce.

Chapelle des reliques, basilique Sainte-Croix-en-Jérusalem (Rome) santacroceroma.it

Chapelle des reliques, basilique Sainte-Croix-en-Jérusalem (Rome) santacroceroma.it

Laetare, réjouissez-vous ! L’antienne d’entrée de la messe cite le prophète Isaïe : « Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez à cause d’elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui portez son deuil ! Ainsi vous serez nourris et rassasiés de l’abondance de sa joie » (Is 66,10). Jérusalem se réjouit des enfants qu’elle « allaite et rassasie par son sein consolateur », comme l’Église se réjouit des catéchumènes qu’elle enfantera à Pâques.

Après la lecture d’Isaïe, celle du psaume 136 porte sur les exilés de Sion qui « au bord des fleuves de Babylone étaient assis et pleuraient », faisant succéder la joie aux larmes, et les larmes à la joie car, dans le souvenir, ils « élevaient Jérusalem au sommet de leur joie ». On peut se demander s’il ne s’agit pas de cette « joyeuse tristesse » dont Olivier Clément, dans son livre Le Chant des larmes, et, avant lui, Jean Climaque, dans le 7e degré de l’Échelle sainte, appellent la « joyeuse tristesse », la joie propre au carême, et déjà la joie du signe victorieux de la croix.

1-Le serpent dressé dans le désert

« En ce temps-là Jésus disait à Nicodème : “De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle” » (Jn 3,14).

Le Fils de l’homme (Dn 7,13) doit être « élevé », à la fois dressé sur la croix et réintroduit dans la gloire du Père (Jn 1,51 ; 8,28 ; 12,32-34, 13,31-32).

Il faut qu’il soit « élevé », placé sur « l’étendard » de la croix afin d’être vu de tous.

Dans le livre des Nombres, Dieu dit à Moïse :

« Façonne-toi un Brûlant que tu placeras sur un étendard. Quiconque aura été mordu et le regardera restera en vie » – « Moïse façonna donc un serpent d’airain qu’il plaça sur l’étendard, et si un homme était mordu par quelque serpent, il regardait le serpent d’airain et restait en vie » (Nb 21,8).

Ce qui sauve, c’est le regard jeté sur la représentation d’un serpent d’airain, image des serpents dont la morsure a provoqué la mort des Israélites.

Pour être sauvé il faut « regarder » le Christ « élevé » sur la croix, mourant pour le salut du monde. « Regarder » signifie ici « croire » car on ne voit bien le Christ que si l’on croit en lui. Sinon on voit un homme, mais non le Fils de Dieu.

Regarder c’est croire qu’il est le Fils unique : « Ils regarderont vers moi, Celui qu’ils ont transpercé, ils se lamenteront sur lui comme on se lamente sur un fils unique ; ils pleureront comme on pleure un premier-né » (Za 12,10). Regardons Celui que nous avons transpercé par nos péchés et pleurons sur lui et sur nous.

« Afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. »

Dieu est le maître absolu de la vie : « Voyez maintenant que moi, moi je le suis, et que nul autre avec moi n’est Dieu ! C’est moi qui fais mourir et qui fais vivre ; quand j’ai frappé, c’est moi qui guéris, et personne ne délivre de ma main. » (Dt 32,39). Dieu martèle en quelque sorte sa toute-puissance sur la vie et la mort : « C’est moi qui ».

Dieu est la « source de la vie » : « En toi est la source de vie, dans ta lumière nous voyons la lumière » (Ps 36,10). Saint Jean reprendra la relation entre la lumière et la vie, inscrite dans le Prologue, tout au long de son évangile : « Ce qui fut en lui était la vie et la vie était la lumière des hommes et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas reçue » (Jn 1,4-5). Voilà l’annonce de l’opposition de la lumière et des ténèbres qui ne l’ont pas reçue, du drame qui se joue dans l’humanité et dans le cœur de tout homme en particulier.

Le Père a transmis sa maîtrise sur la vie au Fils : « C’est pour cela que le Père m’aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre. Personne ne me l’enlève ; mais je la donne de moi-même. J’ai pouvoir de la donner et pouvoir de la reprendre ; tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10, 18-19), dit Jésus dans le discours sur le bon Pasteur.

Le Père a la vie en lui et la donne au Fils : « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même et il lui a donné d’exercer le jugement parce qu’il est Fils d’homme » (Jn 5,26-27).

Le Fils est lui-même la vie : « Je suis la Résurrection – dit-il à Marthe – Qui croit en moi, même s’il meurt vivra et quiconque vit et croit en moi, même s’il meurt vivra » (Jn 11,25-26). Et elle sera témoin de la résurrection de son frère Lazare.

Enfin l’évangile s’achève par ces mots : « Ces signes ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, en croyant vous ayez la vie éternelle » (Jn 20,31). La foi en Jésus donne la vie éternelle. Il dit à la Samaritaine qui est venue puiser de l’eau au puits de Jacob : « Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau, mais qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source de vie éternelle » (Jn 4,14). L’eau vive que donne Jésus devient dans celui qui la reçoit avec foi « source de vie éternelle ».

La foi donne au croyant la vie éternelle, elle le soustrait aussi au jugement. Dans son discours après la guérison de l’infirme à la piscine de Bethesda, Jésus déclare : « Celui qui écoute ma parole et croit à Celui qui m’a envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie » (Jn 5,24). Il précise ici ce qu’est la foi : « écouter » sa parole – et toute écoute (audire) est déjà une obéissance (obaudire), « l’obéissance de la foi » – et croire que Dieu lui-même a envoyé le Fils, c’est-à-dire reconnaître la relation du Père et du Fils. Par cet acte de foi, l’homme « est passé de la mort à la vie » et il est soustrait au jugement divin. La foi comme telle est un « passage », une pâque.

2-La foi de l’homme et l’amour de Dieu

Jésus poursuit en donnant à Nicodème la raison (« afin que ») du « don » du Fils par le Père, à savoir le salut du monde : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,16-17).

« Dieu a tellement aimé le monde » : sommes-nous capables de mesurer l’amour inouï de Dieu pour le monde ? Il faut « lever les yeux » vers Celui qui est « élevé » de terre sur la Croix pour le comprendre : l’amour de Dieu pour l’homme se manifeste par le don de son Fils mort sur la Croix pour le salut du monde.

Paul, dans l’Épître aux Éphésiens, qui est la seconde lecture de la messe, écrit :

« Frères, Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés » (Ep 2,4).

Le « grand amour de Dieu » se manifeste par le fait qu’il « nous a donné la vie » par la mort de son Fils. « La preuve que Dieu nous aime, – dit encore saint Paul dans l’Épître aux Romains – c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rm 5,8) — « Lui qui n’a pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous » (Rm 8,32).

De même Jean dit dans sa Première Épître :

« Dieu est amour. En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui. En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est Lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés » (1 Jn 4,8-10).

C’est la grande révélation sur Dieu : « Dieu est amour » et son amour s’est manifesté dans la mort du Christ sur la Croix. La Croix est l’épiphanie de l’amour de la Trinité.

Le Christ est mort « pour nous », pour que nous vivions « pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5,15).

3-Le Jugement : les ténèbres et la lumière

Jésus continue son entretien avec Nicodème en montrant la relation entre la foi et le jugement :

« Qui croit en lui n’est pas jugé, qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu. Et le jugement (krisis), le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplie en union avec Dieu » (Jn 3,18).

« Celui qui croit en lui n’est pas jugé », dit Jean, « Dieu justifie » (Rm 8,33) ceux qui l’aiment, dit Paul, avant d’entonner un hymne à l’amour de Dieu.

Car le jugement est la séparation (krisis) de la lumière et des ténèbres : ceux dont les œuvres sont bonnes « viennent à la lumière de l’homme » et ceux dont les œuvres sont mauvaises « préfèrent les ténèbres ». Ce n’est pas le Fils qui sépare ceux qu’il place à sa droite et ceux qu’il place à sa gauche, les brebis et les boucs, comme dans le discours sur le Jugement dernier, à la fin de l’évangile de Matthieu (Mt 26,31-46), mais les hommes eux-mêmes qui se dirigent vers la lumière ou les ténèbres, selon leurs œuvres. Cependant, dans les deux cas, le Jugement se fait par rapport au Christ : les « bénis de son Père » lui ont donné à boire et à manger, malade et prisonnier, ils l’ont visité. Et ceux qui sont « venus à la lumière » sont venus à lui qui est la « lumière du monde » (Jn 9,5).

Le Christ est la « lumière née de la lumière », le « vrai Dieu né du vrai Dieu », comme l’Église le proclame dans le Credo de Nicée-Constantinople. Car venir à la lumière c’est venir à la lumière de l’Église qui est, selon la parole d’Irénée, le « candélabre » qui porte la lumière du Christ.

 

Ysabel de Andia

 

Docteur en philosophie (Sorbonne), agrégée de philosophie et docteur en théologie (Rome), vierge consacrée du diocèse de Paris, Ysabel de Andia est l’auteur de nombreux livres notamment en patristique.

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Ysabel de Andia

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