Mgr Follo, 28 juin 2020 © Anita Sanchez

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Pour que la messe télévisée ou en ligne ne conduise pas à une « catastrophe spirituelle »

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Une réflexion de Mgr Francesco Follo

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« Concélébration », « sacrement comme signe efficace de la grâce », « rencontre réelle avec le Christ », dans le sillage doctrinal et pastoral du pape François: ce sont des mots-clefs de cette réflexion de Mgr Francesco Follo sur la messe « en présence » ou retransmise.

L’observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, invite en effet à « regarder », « prier », « communier » et « participer ».

Il constate à la fois les grâces reçues du fait de la possibilité de prier par le biais de liturgies transmises en ligne ou à la télévision, à la radio, pendant le premier confinement, et cependant le grand « manque »: « puisque la participation à l’eucharistie inclut « normalement » la communion au Corps du Christ ».

Mgr Follo propose un « test »: « Les messes télévisées doivent faire grandir la faim et la soif de ce qu’elles remplacent provisoirement. »

Il invite chacun à être attentif à cette jauge, sans langue de buis: « Si cette faim disparaît et qu’un chrétien ne souffre pas d’être coupé de la messe à laquelle il pourra aller un jour, ou d’être aujourd’hui coupé de la communion qu’un prêtre pourra lui porter à domicile un jour, alors son attrait pour la messe « vue » est l’indice d’une catastrophe spirituelle. »

AB

REGARDER, PRIER, COMMUNIER, PARTICIPER

Depuis le confinement de mars 2020 qui nous a privé de pouvoir vivre l’eucharistie au sein de nos communautés ecclésiales habituelles pendant plusieurs mois, certains catholiques ayant vécu une véritable aventure spirituelle grâce aux messes télévisées retransmises de Rome ou de divers studios, ont du mal à comprendre pourquoi l’être ensemble qu’ils ont goûté dans cette expérience de « messe télé confinée » ne peut pas être la norme de la participation à l’eucharistie.

Les messes télévisées du confinement sur plateaux, ou celles du pape François à Sainte-Marthe, étaient sobres et sans artifices. Sans le filtre de l’assemblée qui vient distraire, ces retransmissions ont pu permettre aux téléspectateurs de se vivre comme au premier rang et de prier, voire même de communier à ce qui se disait dans ces célébrations et de découvrir parfois la force des prières eucharistiques.  En s’associant à ce qu’il voit sur un écran, le téléspectateur est alors plus qu’un spectateur car il prête attention à la Parole et aux formules liturgiques. Il peut répondre ou chanter lui-même ce que les fidèles disent ou chantent lorsqu’ils participent normalement à l’eucharistie. Si un malade, un infirme ou un prisonnier, ou toute personne à qui la participation à la messe est impossible parvient à le faire, il devient acteur.

Mais, pour autant, ces expériences spirituelles de prière, de méditation et de plus grande compréhension de la Parole de Dieu, voire même de communion avec tous ceux qui étaient privés d’eucharistie par la participation à ces messes regardées, restaient marquées au coin d’un manque puisque la participation à l’eucharistie inclut « normalement » la communion au corps du Christ. On peut être envahi d’émotion devant cette messe télévisée, mais on reste téléspectateur, extérieur à ce que l’on regarde puisqu’on ne peut pas communier au corps du Christ contrairement à celui qui y participe physiquement, précisément parce qu’il y « participe activement ». A-t-on intégré que théologiquement le fidèle laïc « concélèbre » en quelque sorte l’eucharistie ? Ce n’est plus le cas lorsque l’eucharistie est « vue ».

La situation d’une messe « vue » est étrange car celui qui regarde est extérieur à ce qu’il regarde. Or, liturgiquement, la messe n’est pas extérieure à celui qui y participe, précisément parce qu’il y « participe activement », y prend part et y prend sa part. En rigueur de terme, la participation du chrétien à une messe qu’il « regarde » sur un écran ne peut donc pas être assimilée à une « participation » à l’eucharistie, même sur un mode déficient, si la communion est exclue.

La participation à la messe télévisée a donc un caractère d’exception manifestée par une impossibilité : celui qui « regarde » la messe sur un écran n’a pas le choix, au moins en première lecture. Mais si par hasard il y avait le choix, aller à la messe ou regarder la messe chez soi, et si en ce cas quelqu’un choisissait de regarder la messe plutôt que d’aller y participer, alors son choix prouverait une incompréhension grave de ce qu’est l’eucharistie.

En seconde lecture, on peut aussi se demander si le chrétien empêché de participer à une eucharistie paroissiale, ou autre, est voué à un seul « ersatz », la messe regardée sur un écran. L’alternative, messe à laquelle je participe ou messe que je regarde, est bel et bien fausse, car elle oublie que les richesses de la prière chrétienne sont plus grandes. Lorsque la participation à la messe est impossible, l’oraison ou la prière du chapelet mérite peut-être de prendre une place plus grande. Et il y a là un test : les messes télévisées doivent faire grandir la faim et la soif de ce qu’elles remplacent provisoirement. Si cette faim disparaît et qu’un chrétien ne souffre pas d’être coupé de la messe à laquelle il pourra aller un jour, ou d’être aujourd’hui coupé de la communion qu’un prêtre pourra lui porter à domicile un jour, alors son attrait pour la messe « vue » est l’indice d’une catastrophe spirituelle.

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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