Sainte-Marthe, 8 mai 2020 © Vatican Media

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Sainte-Marthe : «Si une Eglise n’a pas de difficultés, il lui manque quelque chose»

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Homélie du pape François (Traduction intégrale)

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«Si une Eglise n’a pas de difficultés, il lui manque quelque chose. Le diable est trop tranquille. Et si le diable est tranquille, ce n’est pas bon signe», a averti le pape François lors de la messe matinale de ce 9 mai 2020.

Dans l’Eglise, a-t-il dit durant son homélie en direct streaming depuis la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, il faut «toujours la difficulté, la tentation, la lutte».

Homélie du pape François

Nous avons récité dans le psaume : « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles ; par son bras très saint, par sa main puissante, il s’est assuré la victoire. Le Seigneur a fait connaître sa victoire, et révélé sa justice aux nations » (Ps 97,1-2). C’est vrai. Le Seigneur a fait des merveilles. Mais quelle fatigue ! Quelle peine, pour les communautés chrétiennes, de poursuivre les merveilles du Seigneur !

Dans le passage des Actes des Apôtres (cf. 13,44-52) nous avons entendu la joie : toute la ville d’Antioche se rassemble pour écouter la Parole du Seigneur, car Paul et les apôtres prêchaient avec force, et l’Esprit les aidait. Mais « quand les Juifs virent les foules, ils s’enflammèrent de jalousie ; ils contredisaient les paroles de Paul et l’injuriaient » (v. 45). D’un côté il y a le Seigneur, il y a l’Esprit Saint qui fait grandir l’Eglise, et elle grandit toujours plus, c’est vrai. Mais d’un autre côté il y a le mauvais esprit qui cherche à détruire l’Eglise. C’est toujours comme cela. Toujours comme cela. Oui on avance, mais l’ennemi arrive ensuite en cherchant à détruire. Le bilan est toujours positif sur le long terme, mais combien de fatigues, combien de souffrances, combien de martyrs !

C’est arrivé là, à Antioche, et cela arrive partout dans le Livre des Actes des Apôtres. Pensons, par exemple, au moment où ils sont arrivés à Lystre et qu’ils ont guéri [un paralytique] et tout le monde les prenait pour des dieux et voulait leur faire des sacrifices, et tout le peuple était avec eux (cf. Ac 14,8-18). Puis d’autres sont venus et les ont convaincus que ce n’était pas cela. Et comment finit Paul et son compagnon ? Lapidés (cf. Ac 14,19). Toujours cette lutte. Pensons au magicien Elymas, à ce qu’il a fait, pour que l’Évangile ne parvienne pas jusqu’au consul (cf. Ac 13, 6-12). Pensons aux maîtres de cette jeune fille qui faisait la voyante : ils exploitaient bien la jeune fille, parce qu’elle “lisait dans les mains” et elle recevait de l’argent qui allait dans les poches de ses maîtres. Et lorsque Paul et les apôtres ont montré qu’elle était une menteuse, que cela n’allait pas, il y eut tout de suite une révolte contre eux (cf. Ac 16,16-24). Pensons aux artisans de la déesse Artémis [à Ephèse], qui perdaient leur gagne-pain sans pouvoir vendre leurs statuettes car personne ne les achetait plus, étant donné que le peuple s’était converti. Et ainsi de suite. D’un côté, la Parole de Dieu qui convoque, qui fait grandir, de l’autre côté la persécution, et une grande persécution puisqu’elle se termine en les chassant, en les frappant…

Et quel est l’instrument du diable pour détruire l’annonce évangélique ? L’envie. Le Livre de la Sagesse le dit clairement : “C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde” (cf. Sg 2,24) – envie, jalousie, ici. Toujours ce sentiment amer, amer. Ces gens voyaient comment l’on prêchait l’Evangile et ils s’énervaient, la colère les rongeait de l’intérieur. Et cette colère les mouvait : c’est la colère du diable, c’est la colère qui détruit, la colère de ce “crucifie-le ! crucifie-le !”, de cette torture de Jésus. Il veut détruire. Toujours. Toujours.

En considérant cette lutte, cette expression si belle vaut pour nous aussi : “L’Église avance à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu” (cf. Saint Augustin, De Civitate Dei, XVIII, 51,2). Si une Eglise n’a pas de difficultés, il lui manque quelque chose. Le diable est trop tranquille. Et si le diable est tranquille, ce n’est pas bon signe. Toujours la difficulté, la tentation, la lutte… La jalousie qui détruit. L’Esprit Saint fait l’harmonie de l’Eglise, et le mauvais esprit détruit. Jusqu’à aujourd’hui. Toujours cette lutte. L’un des instruments de cette jalousie, de cette envie, ce sont les pouvoirs temporels. Ici l’on nous dit que « les Juifs provoquèrent l’agitation parmi les femmes de qualité adorant Dieu » (Ac 13,50). Ils sont allés voir ces femmes et ils leur ont dit : “Ce sont des révolutionnaires, chassez-les”. Les femmes ont parlé avec les autres et les ont chassés : ce sont les femmes “pieuses” et les notables de la cité (cf. v. 50). Ils s’adressent au pouvoir temporel ; et le pouvoir temporaire peut être bon : les personnes peuvent être bonnes, mais le pouvoir comme tel est toujours dangereux. Le pouvoir du monde se meut contre le pouvoir de Dieu ; et derrière cela, derrière le pouvoir, il y a toujours l’argent.

Ce qui arrive dans l’Eglise primitive – le travail de l’Esprit pour construire l’Eglise, pour harmoniser l’Eglise, et le travail du mauvais esprit pour la détruire, et le recours aux pouvoirs temporels pour arrêter l’Eglise – n’est qu’un développement de ce qui arrive au main de la Résurrection. Les soldats, en voyant ce triomphe, sont allés voir les prêtres, et les prêtres ont “acheté” la vérité. Et la vérité a été “réduite au silence” (cf. Mt 28,11-15). Dès le premier matin de la Résurrection, dès le triomphe du Christ, il y a cette trahison, cette volonté de “faire taire” la parole du Christ, de “réduire au silence” le triomphe de la Résurrection par le pouvoir temporel : les chefs des prêtres et l’argent.

Faisons attention, faisons attention en prêchant l’Évangile : de ne jamais finir par mettre sa confiance dans les pouvoirs temporels et dans l’argent. La confiance des chrétiens est Jésus-Christ et l’Esprit Saint qu’Il a envoyé ! Et l’Esprit est le levain, c’est la force qui fait grandir l’Eglise ! Oui l’Eglise, en paix, résignée, heureuse : à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu.

Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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