Le « noyau de la foi chrétienne » consiste dans le fait que Dieu « a manifesté sa miséricorde » à qui « est sans miséricorde », fait observer le cardinal Schönborn, d’après une synthèse de Radio Vatican en italien.
Le Congrès européen de la miséricorde s’est ouvert à Rome, jeudi 31 mars, en l’église de Sant’Andrea della Valle, par le cardinal Agostino Vallini, vicaire du pape pour le diocèse de Rome.
L’ouverture a été suivie par une conférence du cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne et président du Congrès apostolique mondial de la miséricorde (WACOM), dominicain, théologien. Il a posé une série de questions cherchant progressivement à comprendre ce qu’est la miséricorde célébrée ne cette Année sainte, et spécialement en ce Dimanche de la miséricorde.
Le théologien a fait observer que la parabole des vignerons homicides « dévoile l’essence de la miséricorde de Dieu en Jésus ». La question est extrême : « Peut-on avoir de la miséricorde pour les assassins de son propre enfant ? »
Il répond : « Jésus a donné sa vie pour ceux qui l’ont tué. Il est mort pour eux et il a accepté sa mort pour eux. Au lieu de la vengeance, il a choisi la miséricorde », parce que « Dieu ne voulait pas vaincre notre manque de miséricorde autrement que par un excès de sa miséricorde envers nous ».
Voilà, a affirmé l’archevêque, « le noyau de la foi chrétienne » : « A qui est sans miséricorde, il a manifesté sa miséricorde, il a pardonné aux pécheurs, il n’a pas donné de punition aux assassins mais il a donné son amour. »
Humaine et divine
Le cardinal s’était tout d’abord demandé si la miséricorde est « humaine, c’est-à-dire praticable par les hommes », s’il faut « être Dieu » pour la réaliser ? Est-ce une « réaction spontanée » de tout homme « devant une vraie souffrance », ou bien est-ce « une attitude » qui n’appartient « qu’à Jésus » et une « conséquence du christianisme, spécifique » ?
Il a réfléchi aux gestes de miséricorde de Jésus : la miséricorde de Jésus est une question d’« entrailles », selon le terme grec utilisé par les évangiles quand Jésus est « profondément bouleversé » : devant le fils de la veuve de Naïn, le lépreux, les deux aveugles qui le supplie de le guérir. Quand Jésus voit la souffrance, il « ne passe pas outre », « il ne détourne pas son regard » car, a fait observer le cardinal Schönborn, « Jésus se laisse atteindre par la douleur ».
Puis il a posé la question du surnaturel : « Est-ce naturel d’avoir pitié d’un lépreux ou est-ce ‘surnaturel’, compréhensible uniquement par la grâce ? »
Il a posé la question extrême de l’euthanasie: « N’est-il pas plus miséricordieux, de tuer un malade incurable plutôt que la position, née de l’idéal judéo-chrétien, de conserver la vie malgré la douleur ? »
Puis l’archevêque a commencé à répondre: certes, la miséricorde de Jésus envers les personnes démunies, a « une base naturelle, émotive, spontanée » dans l’homme, de même qu’il est humain d’être « horrifié devant l’horreur » et, vice versa, on considère qu’ « un manque de pitié est un manque d’humanité ».
Mais en même temps, si l’amour de Jésus, « certainement aussi émotif », il n’est pas seulement cela : il a un moment fort volontaire, sinon il ne pourrait pas dépasser la répulsion que provoque, dans notre émotivité, la rencontre avec un lépreux.
« Dans la volonté de se dévouer », a fait observer le cardinal, il y a donc aussi un « élément raisonnable » : ne pas voir dans l’autre « la maladie qui répugne mais l’homme qui souffre de cette terrible maladie ». C’est parce qu’il est un homme que Jésus a de la compassion. »
Les destinataires de la compassion
Mais qui est le destinataire de cette compassion ? Il a évoqué la parabole du Bon Samaritain : « Jésus lui-même a expliqué comment il faut comprendre la miséricorde avec les paraboles du Bon Samaritain. Le prêtre et le lévite qui passent outre devant l’homme à moitié mort au bord de la route pouvaient avoir eu leurs « bonnes raisons » pour se comporter ainsi. Peut-être avaient-ils peur d’être eux-mêmes agressés par les bandits encore dans les environs. Des deux, il n’est pas dit ce qu’ils ont éprouvé, mais seulement ce qu’ils ont fait, parce que c’est seulement cela qui compte. »
Ce qui compte, a-t-il expliqué, c’est que le Samaritain, « l’étranger à moitié païen », fait « quelque chose de différent » : il se met « en mouvement par compassion », montrant que « la miséricorde est concrète ».
Voilà donc la réponse sur les destinataires de la compassion : elle « ne concerne pas, d’une certaine façon, un peu tout le monde mais celui qui, ici et maintenant, a besoin de mon aide ».
Il arrive aussi que Jésus soit ému par la foule, qu’il nourrit lors de la multiplication des pains, a remarqué le cardinal Schönborn : Jésus retourne la ‘miséricorde’ des disciples qui voudraient que leur maître, renvoie la foule pour lui permettre de se procurer à manger et il leur ordonne de nourrir la foule. Ainsi, souvent « notre miséricorde », « découle de notre volonté de nous débarrasser de quelqu’un »… Et alors, a-t-il demandé, « comment distinguer l’apparente miséricorde des apôtres, qui est une forme cachée d’égoïsme, et l’apparente sévérité de Jésus qui, en réalité, est la voie de la véritable miséricorde divine ? »
Remède à la dureté de cœur
Pour le cardinal viennois, le problème naît « dans le cœur de l’homme », comme le montre la vie terrestre de Jésus : en lui « est apparue la miséricorde sur la terre, mais elle suscite le contraire » et c’est une « énigme » pour ses disciples hier et aujourd’hui. Comment vivre « si proche de Jésus » et avoir pourtant « le cœur dur » ? « Comment une telle dureté est-elle possible dans la proximité du sacré ? Est-il possible que la proximité, le feu de la présence de Dieu provoque carrément le refus, la froideur, l’endurcissement du cœur ? »
Et de répondre : on touche « le mystère de l’iniquité ». Des obstacles s’insinuent pour « refroidir le premier amour » et cela « mine tout, » y compris le « sacerdoce » et le « mariage ». Ces « cœurs durs et fermés à la miséricorde » sont ceux qui condamnent Jésus à mort, qui « échoue » selon des critères humains.
La question ultime est donc : « Y a-t-il aussi une miséricorde pour nous, pécheurs ? » « Oui, absolument et inépuisablement », répond le cardinal Schönborn. Et il précise immédiatement « à deux conditions » : la « vérité » et le « repentir » parce que « rien n’endurcit plus un cœur que l’auto-justification », car « l’auto-justification est le début « de toute dureté du cœur » à l’égard des autres.
Le card. Schönborn et le pape François, Capture CTV
Dieu a «manifesté sa miséricorde» à qui est «sans miséricorde», par le card. Schönborn
Ouverture du Congrès européen de la miséricorde