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Ces témoins de la miséricorde vus par le pape François

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De la petite grand-mère à saint Pierre

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Le nom de Dieu est miséricorde : le livre du pape François – le titre autographe du pape en couverture – est publié ce 12 janvier dans 86 pays, en France aux éditions Laffont/Presses de la Renaissance (168 p. 15 euros). Ont participé à la présentation à Rome ce mardi matin le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin, le jeune chinois Zhang Agostino Jianquing, et Roberto Benigni, en présence du P. Giuseppe Costa (Librairie éditrice du Vatican) et du P. Federico Lombardi qui a insisté sur le genre littéraire : plus qu’un « livre-entretien », a-t-il dit, c’est une « conversation » du pape François avec le journaliste italien Andrea Tornielli, et le premier livre du pape depuis son élection, le 13 mars 2013.
Un livre abordable par tous, dont Benigni dit qu’on peut l’avoir en poche pour l’ouvrir dix minutes dans la journée et que c’est comme avoir « le pape en poche » !
Présenté par trois « témoins » – et combien Zhang Agostino est bouleversant ! – le livre est aussi « porté » par des témoins de la miséricorde. Et le pape y raconte en toute simplicité comment Dieu lui a fait miséricorde et comment il fait miséricorde à tous et chacun.
Voici quelques passages rassemblés sous cet aspect du témoignage de la miséricorde : les témoins invitent à entrer dans leur expérience.
« J’espère que le jubilé extraordinaire fera émerger, de plus en plus, le visage d’une Église qui redécouvre le ventre maternel de la miséricorde, et qu’elle ira à la rencontre des nombreux “blessés” qui ont besoin d’écoute, de compréhension, de pardon et d’amour. »
Le père Duarte
Le pape y relate son expérience fondatrice de la miséricorde : « Je pense au P. Carlos Duarte Ibarra, le confesseur que j’ai rencontré dans ma paroisse le 21 septembre 1953, le jour où l’Église célèbre saint Matthieu apôtre et évangéliste. J’avais 17 ans. Je me suis senti accueilli par la miséricorde de Dieu en me confessant à lui. Ce prêtre était originaire de Corrientes, mais il se trouvait à Buenos Aires pour soigner sa leucémie. Il est mort l’année suivante. Je me souviens encore que, après ses funérailles et son enterrement, en rentrant chez moi, je me suis senti comme abandonné. Et j’ai beaucoup pleuré ce soir-là, beaucoup, caché dans ma chambre. Pourquoi ? Parce que j’avais perdu une personne qui me faisait sentir la miséricorde de Dieu, ce « miserando atque eligendo », une expression que je ne connaissais pas, à l’époque, et que j’ai choisie, par la suite, pour devise épiscopale. »
Le bienheureux Paul VI
Il cite le Pape Paul VI qu’il a béatifié : « J’ai lu, dans le dossier du procès en béatification de Paul VI, le témoignage d’un de ses secrétaires auquel le pape avait confié ceci : “J’ai toujours considéré comme un grand mystère de Dieu le fait de me trouver dans la misère, et de me trouver aussi face à la miséricorde de Dieu. Moi, je ne suis rien, je suis misérable. Dieu le Père m’aime, Il veut me sauver, Il veut me tirer de cette misère où je me trouve, mais je suis incapable de faire cela par moi-même. Alors Il envoie Son Fils, un Fils qui apporte justement la miséricorde de Dieu, traduite en acte d’amour à mon égard… Mais pour cela, il faut une grâce particulière, la grâce d’une conversion. Je dois reconnaître l’action de Dieu le Père à travers Son Fils, à mon égard. Une fois que j’ai reconnu cela, Dieu agit en moi à travers Son Fils.” C’est une très belle synthèse du message chrétien. »
Albino Luciani, Jean-Paul Ier
Il cite aussi le futur pape Jean-Paul Ier : « Et que dire de l’homélie avec laquelle Albino Luciani a inauguré son épiscopat à Vittorio Veneto, en soutenant que le choix était tombé sur lui parce que certaines choses, au lieu de les écrire dans le bronze ou le marbre, le Seigneur préférait les écrire dans la poussière : de sorte que, si l’écriture restait, il aurait été clair que le mérite en revenait entièrement, et uniquement, à Dieu. Lui, l’évêque, le futur pape Jean-Paul Ier, se définissait comme “poussière”. »
Saint Pierre, le « miséricordié »
Témoin de la miséricorde par excellent, saint Pierre, le « premier pape » : « Je pense toujours à ce que Pierre a dit à Jésus le dimanche de sa résurrection, quand il l’a rencontré seul. Une rencontre à laquelle fait allusion l’évangéliste Luc (XXIV, 34). Qu’est-ce que Simon a bien pu dire au Messie qui venait de ressusciter du tombeau ? Peut-être Lui a-t-il dit qu’il se sentait un pécheur ? Peut-être a-t-il pensé au reniement, à ce qui s’était passé quelques jours auparavant quand, par trois fois, il avait feint de ne pas Le reconnaître, dans la cour de la maison du grand prêtre ? Peut-être a-t-il pensé à ses larmes amères et publiques. Si Pierre a fait cela, si les Évangiles nous décrivent son péché, son reniement et si, malgré tout cela, Jésus lui a dit : « Paissez mes agneaux » (Jn, XXI, 16), je ne crois pas que l’on doive s’étonner si ses successeurs aussi se définissent comme des « pécheurs ». Ce n’est pas une nouveauté. »
Le pape François et les prisonniers
Le pape se présente lui-même comme « miséricordié », pas seulement à 17 ans, mais toute sa vie : « Le pape est un homme qui a besoin de la miséricorde de Dieu. Je l’ai dit sincèrement, y compris devant les détenus de Palmasola, en Bolivie, devant ces hommes et ces femmes qui m’ont accueilli avec chaleur. Je leur ai rappelé que saint Pierre et saint Paul aussi avaient été des prisonniers. J’ai une relation spéciale avec ceux qui vivent en prison, privés de leur liberté. J’ai toujours été très attaché à eux, justement à cause de la conscience que j’ai d’être un pécheur. Chaque fois que je franchis le seuil d’une prison, pour une célébration ou pour une visite, je me demande toujours : pourquoi eux et pas moi ? Je devrais être ici, je mériterais d’y être. Leurs chutes auraient pu être les miennes, je ne me sens pas meilleur que ceux qui sont en face de moi. Et je me retrouve donc en train de répéter et de crier : pourquoi lui et pas moi ? Cela peut scandaliser, mais je me console avec Pierre : il avait renié Jésus, et il a quand même été choisi. »
Le fils aîné de la parabole
Le pape met aussi en lumière la conversion ou la résistance à la miséricorde de l’Evangile et des paraboles de Jésus comme le frère aîné de l’enfant prodigue : « Au fils aîné du père miséricordieux, il a été permis de dire la vérité sur ce qui s’est passé, même s’il ne comprenait pas, y compris parce que, quand l’autre frère a commencé à s’auto-accuser, il n’a pas eu le temps de parler : son père l’a arrêté et embrassé. C’est parce que le péché existe, parce que notre nature humaine est blessée par le péché originel, que Dieu, qui a donné Son Fils pour nous, ne peut que se révéler qu’à travers la miséricorde. »
L’anti-témoin lui aussi peut devenir témoin
Le pape oppose le pécheur, qui sait qu’il a besoin de la miséricorde et le corrompu qui s’enferme en lui-même : « La corruption est le péché qui, au lieu d’être reconnu en tant que tel et de nous rendre humbles, est érigé en système, devient une habitude men­tale, une manière de vivre (…). Jésus dit à ses disciples : si ton propre frère t’offense sept fois par jour, et revient te voir sept fois par jour pour te demander par­don, pardonne-lui. Le pécheur repenti, qui tombe, puis retombe dans le péché en raison de sa propre faiblesse, trouve de nouveau le pardon s’il recon­naît son besoin de miséricorde. Le corrompu, en revanche, est celui qui pèche et ne s’en repent pas, celui qui pèche et feint d’être chrétien, et dont la vie est scandaleuse. »
Il va plus loin : « Le corrompu ignore l’humilité, ne considère pas qu’il a besoin d’aide et mène une double vie. En 1991, j’avais consacré à ce sujet un long article, publié sous forme de petit livre, Corrupción y pecado (« Guérir de la corruption », Éditions Embrasure, 2014, ndlr)Il ne faut pas accepter l’état de corruption comme si ce n’était qu’un péché de plus : même si l’on identifie souvent la corrup­tion au péché, il s’agit, en fait, de deux réalités distinctes, bien qu’elles soient liées. Le péché, sur­tout s’il est réitéré, peut conduire à la corruption, pas tant quantitativement – dans ce sens qu’un certain nombre de péchés font un corrompu – ­que qualitativement : on crée des habitudes qui limitent la capacité d’aimer, et qui conduisent à la suffisance. Le corrompu se lasse de demander pardon et finit par croire qu’il ne doit plus le demander. On ne se transforme pas en corrompu du jour au lendemain : il y a une longue dégradation, au cours de laquelle on finit par ne plus s’identifier à une série de péchés. »
Il cite les exemples évangéliques des pécheurs qui n’étaient pas des « corrompus » : « Quelqu’un peut être un grand pécheur et, néanmoins, ne pas tomber dans la corruption. (…) Je pense, par exemple, aux personnages de Zachée, de Matthieu, de la Samaritaine, de Nicodème, du bon larron : dans leur cœur de pécheur, tous avaient quelque chose qui les sauvait de la corruption. Ils étaient ouverts au pardon, leur cœur connaissait sa propre faiblesse et c’est ce rai de lumière qui a laissé entrer la force de Dieu. »
Ces témoins du quotidien
Et tant d’autres. Le pape évoque le mari d’une nièce, divorcé, remarié civilement, auquel le juge avait confié la garde des enfants et qui attendait la déclaration de nullité de son premier mariage. Il allait au confessionnal en disant : « Je sais que vous ne pouvez pas me donner l’absolution. » Mais il se confessait et demandait une bénédiction.
Ou bien cette jeune femme qui vient remercier la Vierge Marie d’une grâce reçue. Pour faire subsister sa famille, elle vivait de la prostitution, mais elle voulait sortir de cette condition et priait. Puis elle a rencontré un homme qui est devenu son mari et elle venait remercier la Vierge.
Et les « personnes homosexuelles » – la« personne vient avant », il ne faut pas réduire une personne à ses tendances sexuelles – qu’il a rencontrées et qu’il recommande d’accompagner notamment sur le chemin de la prière.
Et surtout cette avuela, cette sage grand-mère de Buenos Aires, qui lui déclare un jour : « Si Dieu ne pardonnait pas le monde n’existerait pas. » Elle n’a pas échappé au cardinal Parolin ni à Benigni qui l’ont tous deux citée. Le pape avait parlé d’elle dès son premier angélus le 17 mars 2013.
L’Église, témoin de miséricorde
L’Église a donc pour vocation de refléter la miséricorde de Dieu, d’en vivre et de la dispenser : « L’Église condamne le péché parce qu’elle doit dire la vérité : ceci est un péché. Mais en même temps, elle embrasse le pécheur qui se reconnaît tel, elle est proche de lui, elle lui parle dans l’infinie miséricorde de Dieu. »
Sur la vocation de l’Église, le pape dit encore : « En suivant le Seigneur, l’Église est appelée à répandre sa miséricorde sur tous ceux qui se reconnaissent pécheurs, responsables du mal qu’ils ont accompli, qui sont demandeurs de pardon. »
C’est une vocation à « sortir » pour rejoindre chacun là où il est : « L’Église n’est pas là pour condamner, mais pour permettre la rencontre avec cet amour viscéral qui est la miséricorde de Dieu. Pour que cela se produise, je le répète souvent, il est nécessaire de sortir. Sortir des églises et des paroisses, sortir et aller chercher les gens là où ils vivent, où ils souffrent, où ils espèrent. »
Le pape propose cette définition de l’Église : « Une structure mobile, de sauvetage, d’intervention rapide, pour éviter que les combattants ne succombent. »
Car vivre de la miséricorde, c’est une lutte, pas pour être plus fort, mais pour être plus petit, comme il le disait à Noël, pour être « humble comme Dieu ».
 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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