Jérusalem © WIKIMEDIA COMMONS - Wayne McLean

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"Juifs et chrétiens, frères à l’évidence. La paix des religions"

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Par Mgr d’Ornellas et J.-F. Bensahel

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Juifs et chrétiens, frères à l’évidence. La paix des religions, c’est le titre du livre de Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes, et de Jean-François Bensahel, président de l’Union libérale israélite de France-synagogue de la rue Copernic (Paris) : il vient de paraître chez Odile Jacob.

Le 28 octobre 1965, l’Église catholique opérait une véritable « révolution », expliquent les auteurs : par la déclaration Nostra ӕtate, elle « affirmait avec force le lien de parenté entre les chrétiens et le peuple juif ». Une telle affirmation « venait bouleverser deux mille ans de défiance judéo-chrétienne et inaugurer, après le temps du mépris, celui de l’estime ».

Mgr Pierre d’Ornellas est archevêque de Rennes depuis 2007 et président de la Commission épiscopale pour la catéchèse et le catéchuménat depuis 2011. Il fut, de 1997 à 2006, évêque auxiliaire de Paris.

Jean-François Bensahel est président de l’Union libérale israélite de France-synagogue de la rue Copernic (Paris).

Voici l’Avant-Propos du livre, que nous publions avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

A.B.

Avant-Propos

Une révolution en marche

Aujourd’hui, le démon de la religion semble s’être emparé de nombre d’êtres humains. Il semble acquis que les religions sont condamnées à se faire la guerre et à faire peur. Pour preuve, le fondamentalisme assassin de la dignité humaine ou simple réducteur de la liberté en esclavage. L’histoire récente des relations entre juifs et chrétiens démontre opportunément l’inverse.

Il y a cinquante ans, en effet, l’Église catholique a accompli une révolution dont l’onde de choc n’a pas fini de se répandre pour le bien de tous les hommes : elle a radicalement modifié son attitude envers le peuple juif. Par la déclaration Nostra Aetate du 28 octobre 1965, elle a redécouvert et affirmé le lien spirituel qui la reliait au judaïsme, elle a reconnu publiquement le caractère consubstantiel de ce lien*. De l’inimitié et du mépris, elle est passée à plus que de l’estime, à de l’amitié.

Depuis, les hauts responsables de l’Église n’ont cessé de tisser les fils de cette révolution. Par des paroles sans ambiguïté et des gestes dépourvus d’équivoque, les papes successifs ont consolidé cette amitié naissante et pavé la route délicate de la réconciliation. Une nouvelle théologie s’est élaborée sous nos yeux. En avril 1973, les évêques français ont publié les « Orientations pastorales sur l’attitude des chrétiens à l’égard du judaïsme », saluées à l’époque par le grand rabbin de France, Jacob Kaplan, comme un « très grand acte » dont il appréciait « hautement la lettre et l’esprit ». Depuis, un certain nombre d’initiatives ont vu le jour.

La révolution est en marche. Il est essentiel de ne pas l’interrompre en chemin. L’Église aurait trop à y perdre ; le peuple juif a tant à y gagner. Pour les chrétiens, cette rencontre est aussi vitale que nécessaire. Pour les juifs, elle s’inscrit dans l’Alliance dont ils sont porteurs. Pour tous les hommes, elle est un message pour leur espérance.

Certes, le peuple juif a souvent accueilli ces manifestations d’amitié sur le mode de l’incrédulité, tant pesait lourd le passé de souffrances. Pourtant la main tendue de l’Église et le pardon qu’elle sollicite sont autant de gages de sérénité. Si les relations entre juifs et chrétiens furent longtemps marquées du sceau du malheur, elles résonnent aujourd’hui comme un bienfait à l’adresse de nos deux religions et, au-delà, pour l’humanité tout entière.

L’importance de l’enjeu est tel qu’il n’est plus possible pour le monde juif de faire la sourde oreille. Il doit savoir accueillir cela dans l’esprit du prophète Isaïe : « Voici, je vais créer des choses nouvelles, déjà elles éclosent : ne les remarquez-vous pas ? » (Es 43,19) Quant aux chrétiens, également destinataires de cette prophétie, ils savent qu’il en va de leur fidélité à « l’Évangile de Dieu » (Rm 1,1).

Nous en sommes convaincus. La célébration du jubilé de Nostra Aetate doit permettre d’en amplifier la formidable énergie et de poser les bases du jubilé qui s’ouvre devant nous : approfondissement par l’étude, multiplication des rencontres, prière les uns pour les autres, amour sincère vécu entre juifs et chrétiens. Ainsi grandira la confiance entre ces frères si dissemblables. Leur dialogue attestera de la fidélité à la bénédiction d’Abraham. Il les engagera à assumer courageusement leur responsabilité pour que soit protégée et valorisée la part infiniment précieuse d’humanité en chaque être humain.

Nous avons bénéficié de l’aide bienveillante de Damien Le Guay. Témoin éveillé de nos discussions, il a su nous pousser dans nos retranchements, nous conduisant à exprimer ce que, peut-être, sans lui, nous n’aurions pas osé dire. Il nous a obligés à mieux entendre le propos de l’autre. Nous lui exprimons notre amicale gratitude.

Nous avons conscience d’avoir balbutié, mais nous avons cherché avec droiture, en hommes de conviction, non en érudits. La relation inédite, intrinsèque et amicale, entre juifs et chrétiens, qui dépassent leurs peurs ancestrales pour se rassembler sur l’essentiel, ne peut laisser indifférents les témoins engagés, quelles que soient leurs croyances, en faveur d’une société nouvelle qu’il est urgent d’édifier  : une société de la rencontre entre les hommes avec leurs différences, d’où émergera un nouvel humanisme riche de promesses.

Nous offrons nos propos à la bienveillance de lecteurs désireux de percevoir l’espérance à l’œuvre aujourd’hui  : monte, de plus en plus puissamment et de toutes les parties du monde, un appel à la fraternité qu’il est impossible, désormais, d’ignorer. Cet appel universel reçoit une confirmation radicale de la nouveauté – l’amitié fraternelle – à laquelle juifs et chrétiens ont maintenant conscience d’être appelés par l’Éternel, notre Dieu. Celui-ci se révèle au cœur des hommes, non pour en faire des éternels rivaux mais pour les désigner comme frères très proches, afin que « la paix coule comme un fleuve » parmi les nations (Es 66,12). Béni soit-il !

 

Jean-François Bensahel    Mgr Pierre d’Ornellas

* Voir le paragraphe 4 de la déclaration Nostra Aetate en fin de volume, p. 261.

© Odile Jacob, 2015.

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ZENIT Staff

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