France : la leçon de Jeanne d'Arc, contre le "syndrome de l'abri"

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Face au matraquage des « peurs collectives » qui affligent la société, le cardinal Vingt-Trois propose de redécouvrir la figure de Jeanne d’Arc : figure de foi et d’amour engagé, antidote au grand « silence » qui règne actuellement hors de la « pensée unique ».

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 La « leçon de Jeanne d’Arc », qui « a appris qu’il est des épreuves communes où la tranquillité personnelle et les voies ordinaires doivent s’effacer devant le devoir de se donner pour le bien des autres », est un antidote contre le « syndrome de l’abri » qui afflige la société française aujourd’hui, estime le cardinal Vingt-Trois.

Dans le cadre des « Fêtes Jeanne d’Arc », le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a prononcé un « panégyrique de Jeanne d’Arc », samedi 30 mai 2015 en la cathédrale Notre-Dame de Rouen – ville où mourut la sainte.

Jeanne s’est battue par foi et amour

Écartant les récupérations politiques et lectures rationalistes de sa vie, le cardinal a plaidé pour redécouvrir la véritable figure de Jeanne d’Arc, dont la vie « fut d’abord une affaire de foi chrétienne » jusqu’à « son dernier souffle : ‘Jésus ! Jésus !’ ».

Ses œuvres sont aussi actes d’amour, a-t-il ajouté : « Jeanne ne fait pas la guerre pour la guerre ni par ambition des récompenses. Elle se bat pour rétablir la paix et le respect des humbles… Pourrait-on dire, sans forcer le paradoxe, qu’elle fait la guerre avec amour ? Sans doute, par amour des gens opprimés par la violence et les destructions sauvages, amour de son roi et de son pays, amour même de ses ennemis qu’elle s’emploie à convaincre de se retirer avant le combat. »

Et « la source de cet amour, puissant dans sa faiblesse, est son union intime à son Seigneur… À l’école du Christ, elle a appris qu’il est des épreuves communes où la tranquillité personnelle et les voies ordinaires doivent s’effacer devant le devoir de se donner pour le bien des autres. Le critère ultime du jugement n’est ni la conformité aux coutumes, ni la protection de ses biens, ni même celle de sa propre vie. Le critère ultime du discernement, c’est l’amour qui manifeste sa puissance dans la faiblesse de ceux qui se laissent saisir par l’amour de Dieu ».

Une leçon contre le syndrome de l’abri

Il a invité à « entendre la leçon de Jeanne d’Arc », à une époque où « l’avidité et la peur se joignent pour défendre et accroître les privilèges et les sécurités, à quelque prix que ce soit ».

Le cardinal a cité quelques-unes des « peurs collectives » actuelles, qui forment un véritable « matraquage », a-t-il déploré. « Ces peurs multiples construisent la peur collective, et la peur enferme. Elle pousse à se cacher et à cacher » : « Silence des parents devant leurs enfants et panne de la transmission des valeurs communes. Silence des élites devant les déviances des mœurs et légalisation de ces déviances. Silence des votes dans une démocratie. Silence au travail, silence à la maison, silence dans la cité ! »

Face à ces peurs, « notre temps a vu se développer le syndrome de l’abri », a-t-il constaté : « L’abri antiatomique pour les plus fortunés, abri de sa haie de thuyas pour le moins riche, abri de ses verrous et de ses assurances, appel à la sécurité publique à tout prix, chasse aux responsables des moindres dysfonctionnements, bref notre société met en place tous les moyens de fermeture… Protection des murs, protection des frontières, protection du silence. Surtout ne pas énerver les autres, ne pas déclencher de conflits, de l’agressivité, voire des violences, par des propos inconsidérés ou simplement l’expression d’une opinion qui ne suit pas l’image que l’on veut nous donner de la pensée unique. »

La crainte de manquer à Dieu

Pour le cardinal « la racine ultime de nos peurs est (…) une peur d’orphelins » : « La peur des enfants qui n’ont plus de père pour les protéger et qui éprouvent que les pères de remplacement ne jouent pas le même rôle. Celui qui n’a plus de référence qui dépasse l’horizon des malheurs de l’humanité est confronté à un risque qu’aucune assurance ne peut couvrir, car c’est un risque existentiel : qu’est-ce que je fais sur cette terre ? À force de s’habituer à se passer de Dieu, l’homme s’installe dans une précarité radicale. La précarité de celui pour qui personne n’est prêt à donner sa vie. »

Le christianisme aussi est « caché et muet, quand il n’est pas honteux », a-t-il poursuivi. La véritable crainte des chrétiens devrait être « de renier Dieu devant les hommes » : « Il est dans notre vie chrétienne une peur salutaire : celle de manquer à Dieu. Ce n’est pas une peur qui nous ferme, au contraire, c’est une peur qui nous ouvre. Elle nous ouvre à Dieu et aux autres. Celui qui vit de l’amour est délivré de cette peur. »

Le cardinal a appelé à un sursaut salvateur : « Allons-nous continuer longtemps à laisser s’enfermer notre foi chrétienne dans le secret de notre vie privée ? Allons-nous continuer longtemps à nous taire dans nos familles, les époux l’un envers l’autre, les parents à l’égard de leurs enfants, les frères et les sœurs les uns par rapport aux autres ? Accepterons-nous longtemps que notre foi soit considérée comme une anomalie sociale qu’il nous faut cacher pour ne pas poser parmi les hommes les questions qui les gênent ? Pourrons-nous longtemps encore nous dire chrétiens en vivant comme si Dieu n’existait pas ? »

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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