Pour le cardinal Koch, les chrétiens doivent « retrouver un nouveau consensus sur le but à atteindre » dans l'oecuménisme : ces cinquante dernières années, les Églises ont « tissé un grand réseau de relations personnelles amicales », mais il y a « une absence de consensus » sur l'objectif de l'unité.
Au terme de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens (18-25 janvier), L’Osservatore Romano du 30 janvier 2015 publie un entretien avec le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens.
Bilan de ces cinquante dernières années
Pour le cardinal, les chrétiens doivent « retrouver un nouveau consensus sur le but à atteindre » : il note que ces cinquante dernières années, l’Église catholique a « tissé un grand réseau de relations personnelles amicales avec toutes les Églises et communautés ecclésiales ». Mais le but de l’œcuménisme, l’unité de tous les chrétiens, n'a pas été atteint.
Il souligne « un grand problème : l’absence de consensus ». Car si « l’Église catholique et l’Église orthodoxe sont convaincues que l’unité doit être une unité visible dans la foi, dans les sacrements et dans les ministères », cependant « un bon nombre de communautés ecclésiales nées de la Réforme ne partagent pas cet objectif ».
« Elles ont un autre but, une autre vision, à savoir la reconnaissance mutuelle de toutes les réalités ecclésiales : la somme de toutes ces expressions est l’unique Église. Cette vision ne coïncide pas avec celle du catholicisme ni de l’orthodoxie », ajoute-t-il.
« Au quotidien, il y a eu un grand changement parce que l’œcuménisme n’est plus une idée abstraite mais un fait reconnu par l’ensemble du monde chrétien. Je vois beaucoup de bons pas réalisés dans les paroisses et au niveau régional dans divers pays », poursuit le cardinal.
Œcuménisme spirituel et œcuménisme du sang
Tous les efforts œcuméniques doivent être accompagnés par la prière, car « l'œcuménisme spirituel est l’âme de tout le mouvement... La prière pour l’unité a été justement la source d’où a jailli le mouvement », rappelle-t-il.
L’œcuménisme « des martyrs », ou « de la souffrance », dont parle souvent le pape François, est également « le fondement de tous les efforts vers l’unité » : « les chrétiens sont persécutés non pas en tant que catholiques ou orthodoxes, mais en tant que chrétiens. Ce sang est le fondement pour retrouver l’unité, parce qu’il unit. »
D'ailleurs, rapporte le cardinal, lors de sa rencontre avec le dicastère, « le pape a dit qu’il avait l’impression que les dictateurs connaissaient mieux l’unité que les chrétiens ».
Le cardinal distingue aussi « l’œcuménisme de la charité et l’œcuménisme de la vérité » : « ce dernier représente le dialogue théologique nécessaire pour approfondir toutes les questions qui ont divisé les Églises et sert à retrouver un consensus sur les vérités de la foi. »
Mais « sans le dialogue de la charité », pas de dialogue sur la vérité : « Le dialogue fraternel basé sur la charité est la recherche d’une proximité avec toutes les réalités ecclésiales et c’est le fondement de tout l’œcuménisme. »
Il encourage par ailleurs « les traductions communes de l’Écriture sainte », car « la Bible est le fondement de toutes les Églises ».
Quinze dialogues en cours avec les Églises
Dans ses paroles et ses œuvres, « le pape François confirme qu’encore aujourd’hui, cinquante ans après le décret conciliaire Unitatis redintegratio, l’œcuménisme revêt une importance prioritaire pour l’Église », fait observer le cardinal qui assure de l'engagement du dicastère pour « faire avancer les quinze différents dialogues entamés avec toutes les Églises et communautés ecclésiales ».
Il évoque quelques dialogues en cours, en particulier avec les Églises pentecôtistes : « À Caserte, le 28 juillet dernier, le pape François a adressé un message d’amitié aux pentecôtistes... Dans le passé, il y avait beaucoup de préjugés à l’égard de l’Église catholique, surtout à l’égard du pape. En rencontrant le pape, les représentants des mouvements évangéliques peuvent dépasser beaucoup de ces préjugés ». Il précise que ce dialogue est important car « le monde pentecôtiste représente, en nombre, la seconde réalité du christianisme après l’Église catholique... c'est une quatrième forme de christianisme vécu, après le catholicisme, l’orthodoxie et le protestantisme ».
Quant à l'éclairage du point de vue orthodoxe sur le synode pour la famille, « il faut se rappeler que la pratique entre les Églises orthodoxes et l’Église catholique dépend de leurs histoires très différentes. Les Églises orthodoxes ont toujours été davantage liées à l’État et donc davantage disponibles à accepter certaines réglementations d’État au sein de l’Église. L’Église catholique, elle, a développé un droit particulier du mariage. Par conséquent, on peut en discuter, à condition de ne pas ignorer leur histoire différente ».
Enfin, le cardinal distingue « le dialogue avec les juifs, une réalité particulière » : « on le voit déjà dans l’organisation du Saint-Siège : il y a un Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, qui s’occupe des contacts avec les autres religions. Mais c’est [le dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens] qui s'occupe du judaïsme parce que ce n’est pas une religion comme les autres. C’est la mère du christianisme ou, comme l’a dit le célèbre théologien catholique Erich Przywara, c’est la première division dans l’histoire du christianisme, entre la synagogue et l’Église. Et la réconciliation entre la synagogue et l’Église est un grand défi à affronter ».
Avec une traduction de Constance Roques