"Nous, consacrés, nous sommes faits pour servir le Seigneur et servir les autres", témoigne le pape François, qui indique le moyen pour empêcher que le "vin nouveau" de la vie consacrée ne devienne du "vinaigre": la prière et la prière "gratuite". Et "ce n'est pas perdre son temps". Il indique ainsi une voie où service et prière ne s'opposent pas mais se promeuvent mutuellement.

Le pape a reçu en audience au Vatican, ce jeudi 27 novembre, les membres de l'assemblée plénière du dicastère pour la vie consacrée, réunie jusqu'à samedi, 29 novembre, à la veille de l'ouverture de l'Année de la vie consacrée.

"Nous, consacrés, nous sommes faits pour servir le Seigneur et servir les autres par la Parole du Seigneur, non?" a déclaré le pape qui a indiqué la condition d'une vie consacrée féconde: "Dites, je vous en prie, aux nouveaux membres, dites-leur que prier ce n'est pas perdre son temps, adorer Dieu n'est pas perdre son temps, louer Dieu n'est pas perdre son temps. Si nous, consacrés, nous ne nous arrêtons pas chaque jour devant Dieu, sans la gratuité de la prière, le vin sera du vinaigre."

Voici notre traduction intégrale de l'allocution prononcée par le pape François en italien.
A.B.

Discours du pape François

Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs,

C'est avec joie que je vous rencontre ainsi que ceux qui servent dans le dicastère pour la vie consacrée. En particulier, je souhaite la bienvenue aux cardinaux et aux évêques qui ne sont devenus membres récemment, et je remercie le cardinal préfet pour l'allocution de bienvenue qu'il m'a adressée de la part de vous tous. Je remercie le secrétaire, et les deux sous-secrétaires pour ce "logo" que j'ai vu hier dans L'Osservatore Romano, mais je ne comprenais pas très bien ce que c'était, maintenant, j'ai compris!
Je trouve beau et significatif le titre que vous avez choisi pour cette session: "A vin nouveau outres neuves". A la lumière de cette parole évangélique, vous avez réfléchi à l'aujourd'hui de la vie consacrée dans l'Eglise, cinquante ans après la constitution Lumen Gentium et le décret Perfectae Caritatis. Après le concile Vatican II, le vent de l'Esprit a continué à souffler avec force, d'un côté en poussant les instituts à mettre en oeuvre le renouveau spirituel, charismatique et institutionnel, que le concile lui-même a demandé, d'un autre en suscitant dans le coeur des hommes et des femmes  différentes modalités de réponses à l'invitation de Jésus de tout laisser pour dédier leur vie à Sa suite et à l'annonce de l'Evangile.
Dans la portion de vigne du Seigneur que représentent ceux qui ont choisi d'imiter le Christ de plus près par la profession des conseils évangélique, du raisin nouveau a mûri, et un vin nouveau a été pressé. Ces jours-ci vous vous êtes proposé de discerner la qualité et la maturation du "vin nouveau" qui a été produit au cours de la longue saison du renouveau, et en même temps, d'évaluer si les outres qui le contiennent, représentées par les formes institutionnelles présentes aujourd'hui dans la vie consacrée, sont adéquats pour contenir ce "vin nouveau" et favoriser sa pleine maturation. Comme j'ai eu d'autres fois l'occasion de le rappeler, nous ne devons pas avoir peur de laisser les "vieilles outres": c'est-à-dire de renouveler les habitudes et les structures dont nous reconnaissons, dans la vie de l'Eglise, et donc aussi dans la vie consacrée,  qu'elles ne correspondent plus à ce que Dieu demande pour faire avancer son Royaume dans le monde: les structures qui nous donnent une fausse protection, et qui conditionnent le dynamisme de la charité; les habitudes qui nous éloignent du troupeau auquel nous sommes envoyés, et qui nous empêchent d'écouter le cri de ceux qui attendent la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.
Vous ne vous cachez pas les zones de faiblesse que l'on peut rencontrer aujourd'hui dans la vie consacrée: par exemple, la résistance de certains secteurs au changement, la diminution de la force d'attraction, le nombre non négligeable d'abandons (et cela me préoccupe! cela dit quelque chose de la sélection et de la formation des candidats, et puis il y a le mystère de toute personne, mais il nous faut d'abord bien évaluer ces deux choses), la fragilité de certains itinéraires de formation, l'agitation pour des tâches institutionnelles et ministérielles aux dépends de la vie spirituelle, la difficulté de l'intégration des diversités culturelles et générationelles, un équilibre problématique dans l'exercice de l'autorité, et dans l'utilisation des biens: la pauvreté aussi me préoccupe! Je fais de la publicité pour ma famille, mais saint Ignace disait que la pauvreté est la mère et aussi le mur de la vie consacrée: elle est mère, la pauvreté, parce qu'elle donne la vie, et le mur protège de la mondanité. Pensons à ces faiblesses. Vous voulez être à l'écoute des signaux de l'Esprit Saint qui ouvre de nouveaux horizons et pousse sur des sentiers nouveaux, toujours en repartant de la règle suprême de l'Evangile, et inspirés par la créativité audacieuse de vos fondateurs et de vos fondatrices.
Dans la tâche exigeante qui vous voit réunis, pour évaluer le vin nouveau et tester la qualité des outres qui doivent le contenir, que certains critères vous guident et vous orientent: l'authenticité évangélique des choix, la fidélité charismatique, le primat du service, l'attention aux plus petits et aux plus fragiles, le respect de la dignité de toute personne.
Je vous encourage à continuer à travailler avec générosité et audace dans la vigne du Seigneur, pour favoriser la croissance et la maturation des grappes luxuriantes, d'où pouvoir tirer ce vin généreux qui pourra revigorer la vie de l'Eglise et réjouir le coeur de tant de frères et soeurs qui ont besoin de vos soins prévenants et maternels. Le remplacement des vieilles outres par des outres neuves n'advient pas automatiquement - vous l'avez bien souligné - mais exige engagement et capacités, pour offrir un espace adapté pour accueillir et faire fructifier les nouveaux dons dont l'Esprit continue d'embellir l'Eglise, son Epouse. N'oubliez pas de remercier le Maître de la vigne qui vous appelés à cette tâche exaltante. Poursuivez le chemin de renouveau commencé et en grande partie mis en oeuvre pendant ces cinquante ans, en examinant toute nouveauté à la lumière de la Parole de Dieu et à l'écoute des nécessités de l'Eglise et du monde contemporain, et en utilisant tous les moyens que la sagesse de l'Eglise met à votre disposition pour avancer sur le chemin de votre sainteté personnelle et communautaire. Et parmi ces moyens le plus important, c'est la prière, aussi la prière gratuite, la prière de louange et d'adoration.
Nous, consacrés, nous sommes faits pour servir le Seigneur et servir les autres par la Parole du Seigneur, non? Dites, je vous en prie, aux nouveaux membres, dites-leur que prier ce n'est pas perdre son temps, adorer Dieu n'est pas perdre son temps, louer Dieu n'est pas perdre son temps. Si nous, consacrés, nous ne nous arrêtons pas chaque jour devant Dieu, sans la gratuité de la prière, le vin sera du vinaigre.
L'assemblée plénière de votre Congrégation se situe à la veille de l'Année de la vie consacrée. Prions ensemble le Seigneur afin qu'il nous aide en cette Année à mettre "le vin nouveau dans des outres neuves"! Et pour cela je veux spécialement remercier la congrégation, le préfet, le secrétaire, pour l'effort qu'ils ont fait pour organiser cette année. Je les remercie vraiment parce qu'ils arrivaient à la réunion avec des projets … et je pensais: je ne sais pas s'ils vont y arriver… Et vraiment à la dernière réunion, le projet avait pris forme, avait pris corps. Un tout grand merci pour cet effort! Je vous remercie pour le travail que vous êtes en train de faire ces jours-ci, et pour le service que vous rendez en tant que membres et collaborateurs de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et le Sociétés de vie apostolique. Que la Vierge Marie vous accompagne et vous obtienne une nouvelle ardeur de ressuscités et une sainte audace pour rechercher des voies nouvelles. Que l'Esprit Saint vous assiste et vous éclaire. Merci.

© Traduction de Zenit, Anita Bourdin