Zenit - Comment est née  l’association « Prison Fellowship International » et comment s’est développée la section italienne ?

Marcella Clara Reni - L’association a été fondée aux États-Unis en 1976 par le sénateur démocratique Charles W. Colson, ancien conseiller du président Richard Nixon, emprisonné pour participation à l’affaire Watergate. Il a été condamné à trois ans de prison. Là il se convertit et dès sa sortie se mit à vendre tout ce qu’il avait pour se consacrer aux détenus du monde et à leur réhabilitation. Il existe des endroits où la détention est inhumaine, et Charles Colson disait : « avec Jésus, la prison, même la pire, devient un lieu plus humain, sans Jésus ce lieu est inhumain ».

Dans ce contexte est née une sorte de « compagnie des amis des détenus », dont l’intuition, qui pour le moment n’est qu’italienne, a fait un pas en avant avec le projet Sicomoro qui est une rencontre entre détenus et victimes, et nous avons fondé en Italie une Fraternité des victimes (Victim Fellowship), nous rendant compte que les victimes ne souffrent pas moins que les détenus et qu’elles ont besoin de soutien, d’être en quelques sortes dédommagées par les détenus dans une relation de réparation.

En parlant avec un détenu qui avait commis pas moins de 35 assassinats, Mario Congiusta, dont le fils avait été assassiné après s’être opposé à une demande de ‘pot-de-vin en Calabre’, lui a dit «  pour toi, tôt ou tard la peine finit. Alors que la mienne ne finira jamais ».

Aujourd’hui Mario Congiusta, explique qu’ « il va de la douleur à l’engagement pour que cela n’arrive pas à d’autres », et il a retrouvé la sérénité après avoir travaillé pour le projet Sicomoro. Beaucoup de victimes, comme lui, retrouvent la paix après avoir travaillé pour les projets de Prison et Victim Fellowship..

Le premier projet « Sicomoro » est né à l’intérieur de la prison d’Opera.  Tous des condamnés à perpétuité. Des personnes qui ont les mains salies de sang. Nous l’avons fait en demandant qu’on nous confie les détenus plus bons pour essayer de voir si cela fonctionnait. Or les experts nous ont donné les pires en nous disant : « si cela fonctionne avec eux cela fonctionnera avec tout le monde ». Et cela a fonctionné !

Mais pourquoi tout cela ?

Tout le monde nous demande ça. C’est une manière de ramener vers le bien les personnes, car nous nous rendons compte que beaucoup d’entre eux, même les plus criminels, sont eux-mêmes des victimes en ce sens que beaucoup viennent de situations familiales, de pauvretés sociales et morales, et nous avons le devoir de réparer les dégâts. 

Et puis nous assistons à tant d’histoires de conversion. Nous en avons rencontré un, au premier projet Sicomoro, qui était un témoin de Jéhovah, qui est né et a grandi dans une famille de Témoins de Jéhovah. A la fin du projet, il a demandé de recevoir les sacrements catholiques. Aujourd’hui il est baptisé et quand je lui ai demandé pourquoi il avait pris cette décision, il m’a répondu « Le Dieu qu’ils m’avaient présenté (Jéhovah) m’avait toujours jugé, vous, vous m’avez amené un Jésus qui me pardonne «  et moi je veux ce Dieu.

Que peut-on faire pour soutenir votre travail ?

Nous sommes très pauvres, nous n’avons ni fonds ni sponsor, mais tous les revenus du livre vont aux projets Sicomoro.

Ce qui serait utile c’est que les victimes qui ont le désir de panser les blessures du dommage subi, entrent en contact avec nous. Nous avons vu que la rencontre entre victimes et détenus bénéficie aux deux côtés.

Nous allons maintenant entrer dans la prison de Modène, où sont enfermés des détenus accusés de « féminicide ». Il y a beaucoup de musulmans, et 15 d’entre eux ont accepté de participer au projet.

La rencontre entre les victimes et les détenus suppose un travail difficile et fatiguant, mais elle produit tant de grâce. Dans le livre il y a la lettre d’une des victimes, une jeune fille de 23 ans qui, au début, avait très peur et était très sceptique. Elle apostrophait les détenus en les accusant d’être des lâches. Mais après cette expérience, elle a envoyé une lettre dans laquelle elle écrit : « Chers amis. Vous m’avez manqué. Cette expérience fut la plus grande expérience de ma vie ».

Nous aidons les personnes en les accompagnant de nos prières, et assistons à des changements miraculeux. Il y a deux détenus qui ont participé au projet Sicomoro.  Les familles de ces deux détenus se détestent depuis des décennies, font partie de clans rivaux d’une même ville. D’avoir réussi à les faire rencontrer tient déjà du miracle. Le directeur de la prison m’a dit que les deux familles sont en train de se réconcilier, et nous voilà devenus des artisans de paix.

Au début nous avions du mal à avoir accès aux prisons, maintenant on nous cherche, parce qu’ils ont compris la force de ce projet. Ils sont au moins dix dans les prisons à avoir demandé  notre intervention.

Dès notre entrée dans la prison nous faisons une présentation du projet aux détenus. En fonction du type de crime commis nous cherchons les victimes. Celles qui viennent en prison, jettent leur souffrance à la figure des détenus. Cette expérience fait prendre conscience aux détenus qu’ils ne peuvent échapper à la souffrance qu’ils ont causée et en prendre conscience. Cela les pousse à chercher à réparer le mal qu’ils ont fait. Ces rencontres sont chargées d’émotions qui touchent les cœurs, qui nous touchent nous aussi, nous qui les organisons. A ce niveau commence une relation faite de repentir et de pardon. Les résultats sont incroyables, marqués par la récupération de vies tachées de crimes et  de vies libérées de la souffrance.

La croissance du projet est telle que nous avons organisé des cours pour préparer les bénévoles. Tout le monde, même les non catholiques, peut participer au cours de formation et travailler dans le projet. 

Traduction d'Océane Le Gall