L'Osservatore Romano démonte un prétendu "scoop" où se mêle argent, fascisme, vatican. Voici l'intervention du directeur du quotidien du Vatican, Giovanni Maria Vian.
Il ne faut pas maltraiter l'histoire
Vatican, finances et fascisme, le tout naturellement arrosé d'une bonne dose de secret: tels sont les ingrédients appétissants d'un prétendu scoop sur « The Guardian », le quotidien londonien influent, qui a publié un article repris de diverses façons par les médias, mais qui ne méritait vraiment aucune attention.
Il s'agit en effet d'un ensemble d'informations imprécises ou infondées, rassemblées de façon maladroite et pleine de préjugés visant à soutenir que le Vatican aurait construit un empire immobilier international grâce aux « millions de Mussolini », une fortune qui aurait été obtenue en échange de la reconnaissance du régime de la part du Saint-Siège en 1929 et sur laquelle pèserait un voile de secret.
Pour compléter le cadre évoqué par l'article, des documents britanniques de l'époque de la guerre, non spécifiés, attesteraient d'activités contraires aux intérêts des Alliés de la part d'une société contrôlée par le Vatican. Une lecture même sommaire de l'article suffit pour le liquider comme privé de tout fondement, mais malheureusement, l'écho qu'il a suscité a porté atteinte, outre à de très nombreux lecteurs, également à la plus élémentaire vérité historique.
Il aurait en effet suffi véritablement de bien peu pour rappeler que dans les Accords du Latran, qui en 1929 précisément, mirent un terme à la « question romaine », existait une convention financière. Et que selon cet accord, l'Italie indemnisait de façon définitive le Saint-Siège avec 750 millions de lires en argent comptant, et avec un milliard en titres (équivalent au total à un milliard et 200 millions d'euros environ): une somme « bien inférieure – spécifiait le texte signé par les deux parties – à celle que, à ce jour, l'Etat aurait dû débourser pour le Saint-Siège », en application de la loi italienne des Garanties, qui avait été approuvée de façon unilatérale en 1871, mais qui avait toujours été rejetée par la partie adverse.
Les Accords du Latran ne furent donc pas un pacte honteux entre l'Eglise catholique et le fascisme, mais au contraire, une solution nécessaire et équilibrée. En effet, après plus de soixante ans, fut refermée une blessure douloureuse dans le pays. Au point qu'il fut décidé, à une très large majorité, d'insérer les Accords dans la Constitution de la République italienne en 1947. Avec des jugements généralement positifs de la part d'historiens de diverses tendances et, à des époques diverses, de très nombreuses personnes, parmi lesquelles des représentants politiques comme Alcide De Gasperri et Palmiro Togliatti.
Enfin, en ce qui concerne de prétendues activités contraires aux Alliés de la part du Saint-Siège, précisément dans le numéro de décembre de la revue trimestrielle « The Historical Journal » publiée par l'Université de Cambridge, l'historienne Patricia M. McGoldrick, de la Middlesex University de Londres, publie une étude longue et détaillée sur les activités financières du Vatican au cours de la seconde guerre mondiale dont parle Luca M. Possati sur cette page.
Sur la base de certaines séries de documents des National Archives britanniques rendues récemment accessibles, l'article – confirmant ce qui ressort de la recherche historique – démontre exactement le contraire de ce qui est affirmé avec une légèreté superficielle dans l'article publié sur « The Guardian ». A savoir que, notamment grâce à des investissements légitimes en temps de guerre réalisés surtout aux Etats-Unis, le Saint-Siège soutint les Alliés contre le national-socialism. (g.m.v.)
© L'Osservatore Romano - 30 janvier 2013