Père Daniel-Ange
ROME, mercredi 28 novembre 2012 (Zenit.org) – La théologienne française Georgette Blaquière nous a quittés lundi 19 novembre, dans sa 91e année. Epouse et mère de trois enfants, grand-mère et arrière-grand-mère, elle a, selon le titre de l’un de ses livres « osé l’amour ». « Une nouvelle reine au Ciel ! », s’exclame le P. Daniel-Ange, fondateur de l’école catholique internationale de prière et d’évangélisation Jeunesse-Lumière.
Georgette Blaquière
Quelle sagesse ! Quelle justesse ! Quelle tendresse !
Une nouvelle reine au Ciel !
Dring ! Dring ! Dring !
« Allô ? Je suis le Nonce à Paris. Je vous transmets l’invitation du Saint-Père à venir déjeuner avec lui Jeudi prochain »
Georgette de lui raccrocher au nez : « On ne se moque pas d’une vieille dame comme moi ! » (Du Georgette tout craché !)
Dix minutes plus tard : « Je vous assure, vraiment, je suis le Nonce…. C’est très sérieux. Jean-Paul II veut vous voir sans tarder. »
De fait, une des amis les plus intimes de Jean- Paul II, Charlotte de Habitch – « Tante Charlotte » pour les familiers – Hollandaise mariée à un Polonais, siégeant longtemps avec l’archevêque de Cracovie au Conseil pontifical pour les laïcs, lui avait donné à lire : La grâce d’être femme, ainsi que L’Evangile de Marie, ces deux best-sellers de l’époque. Ces deux purs chefs-d’œuvre et d’écriture et de profondeur.
Le Pape, mijotant déjà sa grande encyclique Mulieris dignitatem, a d’abord tenu à vivre de longs partages avec elle. Plusieurs passages de ce brillant texte pontifical s’en inspire manifestement (cela mériterait une étude approfondie : avis pour une thèse de Doctorat).
Et dans sa délicatesse et son humilité, Jean-Paul II a voulu qu’au jour de la parution officielle du document, L’Osservatore Romano consacre une page entière à celle qui l’avait ainsi inspirée.
Mais, ce rôle discret joué pour l’enseignement du magistère n’est qu’un des fruits de ce véritable « magistère de la parole », vrai charisme au service de l’Eglise du moins dans les pays francophones unanimement reconnu. Qui n’a pas été marqué par la profondeur, la qualité, originalité de ces innombrables cours, enseignements, causeries ? Aussi bien dans les cercles de spiritualité Charles de Foucauld, dans les rassemblements et sessions de ce Renouveau Charismatique qu’elle découvrait avec enthousiasme, ou encore dans les articles, que l’on ne compte plus.
Personnellement, j’avais déjà été impressionné par ceux-ci dans la revue « Jesus Caritas » de la famille du Petit Frère Charles de Jésus qu’elle avait un moment d’ailleurs dirigé. C’était dans les années 60, à 2000 m sur la crête Congo-Nil, l’épine dorsale de l’Afrique des grands lacs. Le Père René Voillaume qui passait parfois nous visiter me l’avait signalée.
Je ne pouvais alors me douter que j’aurais l’incomparable grâce non plus de savourer ses écrits, et de m’en inspirer, mais de la rencontrer si souvent, mieux : de pouvoir la visiter et parfois séjourner seul ou avec quelques jeunes de Jeunesse-Lumière où elle venait donner des sessions) dans sa demeure si chère de Caylus, au fin fond de l’Aveyron.
Si nombreux, ceux qu’elle accueillait chez elle, portes toujours ouvertes ! Que d’heures vécues là ensemble, les soirs d’hiver autour d’un chaleureux feu de bois, les matins d’été sur la terrasse dominant la paisible vallée. Sans parler de ces petits pèlerinages, en longeant le ruisseau ombragé jusqu’au sanctuaire de Notre-Dame de Livron, illustre par le séjour en ermitage d’un saint espagnol, le bienheureux Père Palau. Parfois, nous restions en silence dans la pénombre colorée par les grands vitraux, parfois nous chantions la Liturgie des Heures. Car toutes ces heures baignaient dans la louange du Seigneur, car vivant dans la clarté du Regard de Jésus posé sur nous. Moments d’éternité !
Plus qu’une bienveillance : une Présence
Qui donc recevait-elle ainsi si largement, si généreusement, inlassablement jusqu’à ce qu’elle doive – le cœur déchiré - quitter cette terre tant aimée ?
Tous ceux qui avaient besoin d’être éclairés, confortés, encouragés ou simplement besoin qu’elle prie sur eux – ne fût-ce que quelques instants. Mais des instants de Ciel.
Qui dira le nombre de personnes – arrivées déprimées, écrasées par de lourds fardeaux, blessées en profondeur, ou simplement n’en pouvant plus, et redescendant l’humble colline, l’âme apaisée, réconfortée, stimulée !
Que de personnes conseillées par elle ! Elle était d’une telle sagesse, d’une telle justesse, en même temps que d’une telle tendresse. Elle avait à un degré rare, le don du discernement, frisant la lecture des cœurs. Elle était une présence. Au sens fort du mot. Toute entière présente et à Dieu qui l’inspirait et à celui qu’elle accueillait. Présence toute rayonnante de la douce présence de son « bien-aimé frère et Seigneur Jésus ».
Georgette est pour moi, la mère spirituelle par excellence. Non maternante, mais véritablement engendrante comme cela a été si bien dit.
Souligner encore une véritable maternité spirituelle pour prêtres et consacrés. Elle les portait d’une manière très profonde, très intense. C’est une des trop rares femmes invitée à prêcher des retraites sacerdotales, comme le fait aujourd’hui encore, à travers le monde, une sister Briege Mc Kenna. Que de vocations sauvées, de consacrées ressuscitées ! Mais aussi de couples réconciliés !
Que son intercession céleste nous obtienne bien d’autres femmes, sœurs, servantes et mères, totalement livrées au service de l’Eglise. Elle reste pour nous une icône vivante du ministère de la Femme dans l’Eglise. Dans la grâce propre de cette féminité dont elle a été la chantre émerveillée.
Pour tant de charismes, de dons spirituels, comment ne pas rendre grâces, comment ne pas exulter ?
Les douleurs d’enfantement d’une mère de l’Eglise
Enfin, il y a la manière héroïque dont elle a vécu la grande épreuve finale. Ces longues années à subir – pardon, à offrir – ces redoutables maladies de la vieillesse : Parkinson et Alzheimer.
C’était son purgatoire, son Vendredi Saint préparant et précédant son entrée dans la Gloire pascale de son Seigneur, cette gloire qu’elle évoquait avec tant de force. Elle devait vivre cette étape en intense communion avec ce Jean-Paul II sur qui elle avait écrit un merveilleux poème : le vieux berger. (Le Cardinal Stanislas Dziwisz m’avouera qu’en le lisant à Jean-Paul II, celui-ci en avait les larmes aux yeux)
Pendant toutes ces années, elle aurait pu tellement aider certaines communautés en difficultés car elle était une référence unanimement respectée, mieux : incontestée vu son aura. Elle créait l’unanimité, don précieux entre tous. Que de nœuds aurait-elle pu dénouer. A sa manière, tout en douceur, en même temps que de conviction.
Mais le Seigneur en a jugé autrement. Sans doute, comme pour Jean-Paul II, ce devait être les années les plus fécondes de sa phase terrestre d’existence, vivant les douleurs d’enfantement de l’Eglise. Celles où elle a été au maximum sauveur avec son Jésus sauveur, après voir été si longtemps consolatrice dans le Consolateur, et mère dans le Père.
Georgette, ma sœur et presque un peu ma mère, pour tout ce que tu as été pour moi, et pour une multitude, laisse-moi simplement te dire : Dans toute l’éternité, sois-en bénie, toi la bénie du Père ! Te voilà partageant l’éternelle jeunesse de Dieu. J ean-Paul II et toi, je vous voie valser ensemble ou plutôt en joyeuse farandole avec cette immense famille du Ciel qui était déjà la tienne sur terre. Avec ton époux tant aimé, lui aussi Jean-Paul, avec frère Charles et René Voillaume et petite sœur Magdeleine de Jésus. Avec Pierre Goursat, Emiliano Tardif et tant d’autres qui te précédaient en ce Royaume où les pauvres et les petits sont Rois. De fiancée de l’Agneau, te voilà Reine ! Reine au cœur d’or. Ciao !
Daniel-Ange
25 novembre 2012
Fête du Christ Roi