ROME, jeudi 22 novembre 2012 (Zenit.org) – « La beauté de la foi ne peut jamais être un obstacle à la création de la beauté artistique, parce qu’elle en constitue, d’une certaine manière, la sève vitale et l’horizon ultime », déclare Benoît XVI dans un message aux participants de la XVIIe séance publique des académies pontificales.
La séance publique, organisée par l’Académie pontificale des beaux-arts et des lettres des virtuoses au Panthéon, a eu lieu hier, 21 novembre 2012, à Rome, sur le thème « Pulchritudinis fidei testis. L’artiste, comme l’Eglise, témoin de la beauté de la foi ».
Message de Benoît XVI:
A l’occasion de la séance publique annuelle des académies pontificales, je suis heureux de vous faire parvenir mes salutations cordiales, que j’étends volontiers au Conseil de coordination, aux cardinaux, évêques, prêtres, religieux et religieuses, et à Messieurs les ambassadeurs ainsi qu’à tous les participants.
J’adresse une pensée particulière aux autorités et aux académiciens de la Pontificia Academia Latinitatis, que je viens d’instituer par le Motu proprio Latina Lingua, pour donner une vigueur renouvelée à la connaissance, l’étude et l’usage de la langue latine, dans l’Eglise comme dans les institutions universitaires et scolastiques. Je souhaite vivement à cette académie d’entreprendre, sous la conduite du nouveau président, le professeur Ivano Dionigi, une activité riche et féconde de promotion de la langue latine, legs précieux de la tradition et témoin privilégié d’un patrimoine culturel qui demande à être transmis aux nouvelles générations.
La séance publique des académies pontificales, organisée cette année par la célèbre Académie pontificale des beaux-arts et des lettres des virtuoses au Panthéon, a pour thème « Pulchritudinis fidei testis. L’artiste, comme l’Eglise, témoin de la beauté de la foi ». Ce n’est pas sans rappeler les premiers mots du Motu Proprio avec lequel j’ai voulu récemment unir la Commission pontificale pour les biens culturels de l’Eglise au Conseil pontifical de la culture. Il s’agit en effet, dans une vision ample et articulée du monde de la culture, de permettre à l’importante sphère des biens culturels de l’Eglise de pouvoir retenir l’attention qui lui est due et trouver sa juste place. Une intégration plus organique de ce domaine dans la mission du dicastère produira certainement des résultats féconds, en vue d’une protection toujours plus adéquate et d’une valorisation plus réfléchie de l’extraordinaire patrimoine historique et artistique de l’Eglise, témoignage éloquent de la fécondité de la rencontre entre la foi chrétienne et le génie humain.
Avec ce thème, cette XVIIème séance publique s’insère profondément dans l’Année de la foi qui a pour but de reproposer à tous les fidèles la force et la beauté de la foi. Cela, comme j’ai pu l’expérimenter moi-même, a été la grande aspiration du Concile œcuménique Vatican II.
Lors de la célébration eucharistique d’ouverture de l’Année de la foi, j’ai de nouveau remis les <em>Messages du concile aux représentants des diverses catégories, dont les artistes. Dans le Message du concile aux artistes, si dense et profond, apparaît une admirable synthèse du parcours que l’Eglise du XXème siècle, surtout à travers l’action déterminée et constante du serviteur de Dieu Paul VI, avait entrepris pour raviver le dialogue avec le monde des artistes, de plus en plus éloigné de l’horizon de sens et de l’expérience de foi proposés par l’Eglise. L’impulsion que le concile Vatican II a imprimée à ce dialogue s’est ensuite traduite dans d’autres moments et gestes aussi éloquents que décisifs.
Le bienheureux Jean-Paul II voulut écrire une Lettre aux artistes à la veille du grand jubilé de l’an 2000, confiant à l’Eglise et aux artistes une borne milliaire sur ce chemin du dialogue et de la collaboration. Je voudrais reprendre un seul passage de ce fameux texte : « Toute forme authentique d’art est, à sa manière, une voie d’accès à la réalité la plus profonde de l’homme et du monde. Comme telle, elle constitue une approche très valable de l’horizon de la foi, dans laquelle l’existence humaine trouve sa pleine interprétation. Voilà pourquoi la plénitude évangélique de la vérité ne pouvait pas ne pas susciter dès le commencement l’intérêt des artistes, sensibles par nature à toutes les manifestations de la beauté intime de la réalité » (n. 6).
Moi-même, voulant solliciter encore une fois ce dialogue nécessaire et vital, j’ai rencontré une représentation nombreuse d’artistes dans la chapelle Sixtine, le 21 novembre 2009, pour m’adresser à eux dans un appel intense, dans lequel je réaffirmais la volonté de l’Eglise de retrouver la joie d’une réflexion commune et d’une action ensemble, afin de remettre au centre de l’attention, dans la Communauté ecclésiale comme dans la société civile et dans le monde de la culture, le thème de la beauté. En cette mémorable occasion, j’ai dit que la beauté devait recommencer à s’affirmer et à se manifester dans toutes les expressions artistiques, sans toutefois faire abstraction de l’expérience de foi, mais au contraire en se confrontant à elle librement et ouvertement, pour en tirer inspiration et contenu. La beauté de la foi, en effet, ne peut jamais être un obstacle à la création de la beauté artistique, parce qu’elle en constitue, d’une certaine manière, la sève vitale et l’horizon ultime. Le véritable artiste, en effet, défini par le Message conciliaire comme « gardien de la beauté du monde », grâce à sa sensibilité esthétique particulière et à son intuition, peut saisir et accueillir plus profondément que les autres la beauté propre à la foi, et donc l’exprimer et la communiquer avec son propre langage.
Dans ce sens, nous pouvons alors parler aussi de l’artiste comme témoin, d’une certaine manière privilégié, de la beauté de la foi. Il peut ainsi participer, avec sa contribution spécifique et originale, à la vocation et à la mission mêmes de l’Eglise, en particulier lorsque, dans les diverses expressions de son art, il veut ou il est appelé à réaliser des œuvres d’art directement reliées à l’expérience de foi et au culte, à l’action liturgique de l’Eglise, dont le caractère central a été défini par le concile Vatican II par l’expression connue « fons et culmen » (Const. Sacrosanctum Concilium, 10).
A ce propos, le jeune prêtre Giovanni Battista Montini, pour le premier numéro de la revue naissante Arte Sara, daté de juillet-septembre 1931, avait écrit un essai au titre emblématique : « Sur l’art sacré futur », dans lequel il analysait, avec une grande lucidité et clarté, le panorama de l’art sacré du début du XXème siècle, avec ses tendances, ses qualités et ses limites. Une telle analyse se révèle d’une extraordinaire actualité et profondeur pour nous aussi, à des décennies de distance. Il y affirme surtout que « l’art sacré se trouve devant le très grand problème d’exprimer l’ineffable », nécessitant « de s’initier à la mystique et de rejoindre, par l’expérience des sens, quelque réverbération, quelque frémissement de la lumière invisible ». S’agissant ensuite de la figure de l’artiste chrétien, qui s’adonne particulièrement à l’art sacré, il écrivait : « On voit aussi comment et où nait le véritable art sacré : de l’artis
te pieux et croyant, priant, désirant, qui veille dans le silence et dans la bonté, dans l’attente de sa Pentecôte… Je pense que c’est à nos artistes chrétiens de préparer, par leurs œuvres, un état d’esprit où notre unité spirituelle, aujourd’hui déchirée, se ressaisisse dans le Christ ; une unité, dis-je, qui réconcilie dans l’harmonie voulue l’impression et l’expression ; le monde intérieur et le monde extérieur ; l’esprit et la matière ; l’âme et la chair ; Dieu et l’homme » (Arte sacra, a. I, n. I, juillet-septembre 1931, p. 16).
Au début de l’Année de la foi, j’adresse donc une chaleureuse invitation à tous les artistes chrétiens, comme à ceux qui s’ouvrent au dialogue avec la foi, à parcourir le chemin si soigneusement tracé par le futur Paul VI, et à faire en sorte que leur parcours artistique puisse devenir, et se montrer d’une manière de plus en plus lumineuse, comme un itinéraire intégral, dans lequel toutes les dimensions de l’existence humaine sont impliquées ; ils témoigneront ainsi efficacement de la beauté de la foi en Jésus-Christ, image de la gloire de Dieu qui éclaire l’histoire de l’humanité (cf. 2 Cor 4, 4-6 ; Col 1, 15).
Afin d’encourager ceux qui, parmi les artistes plus jeunes, veulent offrir leur contribution à la promotion et à la réalisation d’un nouvel humanisme chrétien à travers leur recherche artistique, accueillant la proposition formulée par le Conseil de coordination entre les Académies, je suis heureux de remettre le Prix ex aequo des académies pontificales, consacré cette année aux arts et particulièrement aux domaines de la peinture et de la sculpture, à une sculptrice polonaise, Anna Gulak, et à un peintre espagnol, David Ribes Lopez.
En signe d’estime et d’encouragement, je désire, en outre, offrir la Médaille du Pontificat au jeune sculpteur italien, Jacopo Cardillo.
Enfin, je souhaite à tous les académiciens un engagement toujours plus passionné dans leurs champs d’activité respectifs. Saisissant la précieuse occasion de l’Année de la foi, je confie chacun de vous à la protection maternelle de la Vierge Marie, la Tota Pulchra, modèle de la foi pour les croyants, et j’accorde de tout cœur à vous, Monsieur le cardinal, et à toutes les personnes présentes, la bénédiction apostolique.
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Traduction de Zenit, Hélène Ginabat