Stefanie De Angelo
Traduction d’Océane Le Gall
ROME, mercredi 21 novembre 2012 (ZENIT.org) – L’homme contemporain qui « cherche à analyser, dans le secret de son propre silence, son parcours humain », peut ressentir au fond de lui, « un certain désarroi » et parfois une « colère ». Pour Giovanni Patriarca, cette « colère » peut être « positive » et conduire à l’espérance, c’est-à-dire être un « stimulant pour commencer un nouveau parcours ».
Le Prix Novak 2012 de l’Institut Acton pour l’étude de la religion et de la liberté a été remis au prof. Giovanni Patriarca qui enseigne et travaille sur des projets culturels italiens dans la ville de Nuremberg, en Allemagne.
Le prix Novak, qui doit son nom au théologien et sociologue américain Michael Novak, récompense les nouvelles recherches académiques faites par les chercheurs qui, bien qu’étant au début de leur carrière académique, révèlent des qualités intellectuelles exceptionnelles dans plusieurs domaines, notamment celui de la compréhension du lien entre la théologie et la dignité humaine, la liberté religieuse et la liberté économique.
Giovanni Patriarca, diplômé de l’Université de Macerata en Italie, a également un diplôme en Etudes Islamiques délivré par l’Institut Pontifical d’Etudes Arabes et d’Islamologie (PISAI).
Après un doctorat en Philosophie à l’Université Pontificale Regina Apostolorum à Rome, il a entrepris plusieurs recherches, en France, en Hongrie, en Slovaquie, en Pologne, en République tchèque et aux Etats-Unis, sur des sujets allant de l’histoire des doctrines politiques et économiques, des études islamiques à la philosophie de la science. Zenit l’a rencontré.
Zenit – Quelles contributions de Michael Novak souhaiteriez-vous présenter brièvement ?
Giovanni Patriarca – L’œuvre du Prof. Michael Novak est si dense qu’il n’est vraiment pas simple de l’exprimer en quelques mots. En plus de ses œuvres de nature économique, il a écrit des articles qui méritent d’être mieux connus, comme ceux en particulier de la revue First Things où, dans une prose articulée mais très accessible, il analyse en profondeur les contradictions de la modernité caractérisée par la crise de la responsabilité individuelle et sociale et par une confusion des valeurs traditionnelles des générations précédentes. La perte d’une perspective métaphysique, contre laquelle Tocqueville nous mettait déjà en garde, nous condamne à la matière et au monde en nous emprisonnant dans l’absurdité du nihilisme.
Quels sont les aspects qui, selon vous, sont les plus alarmants pour les jeunes générations ?
La crise de l’individu est, sans aucun doute, une crise morale collective. Les jeunes, déjà pris dans la tourmente des difficultés économiques et professionnelles, ont peut-être été trop attirés par de faux mythes et de vaines promesses.
On dirait qu’une sorte de « narcose matérialiste », fruit également de la société de l’information, a modifié le cours naturel du temps, en postposant continuellement les « questions fondamentales » et en inhibant la prédisposition naturelle à projeter, à s’engager dans la durabilité, avec une auto-réduction de la liberté, apparemment déléguée au monde.
Existe-t-il des signes d’espérance ?
Certainement! Au moment où l’individu cherche à analyser, dans le secret de son propre silence, son parcours humain, il n’est pas rare qu’il ressente au fond de lui, et sous différentes formes, un certain désarroi et une inquiétude qui, parfois, s’accompagnent d’une certaine agressivité ou colère. Dans un récent article du P. Giovanni Cucci s.j, paru sur « Civiltà Cattolica », on parle du lien entre une « colère positive » et l’espérance.
Si l’inquiétude est métabolisée de manière correcte, elle peut être un stimulant pour commencer un nouveau parcours. Cette volonté de renaissance abrite un profond sentiment d’espérance, qui nourrit une série d’autres vertus dans un passage progressif vers le partage des devoirs, le pardon et le respect réciproque.
Qu’est-ce qui pourrait toucher l’homme contemporain, dans le magistère de Benoît XVI ?
Sans entrer dans des domaines purement théologiques, je tiens à présenter deux aspects qui sont à la fois facile à comprendre et annonciateurs de réflexions individuelles futures. La sécularisation a profondément changé les relations humaines et interpersonnelles. L’indifférence et l’hédonisme ont remplacé la recherche naturelle de solutions et propositions sous la bonne étoile de la responsabilité mutuelle.
On le remarque surtout dans les petites communautés qui sont le fondement de la cohabitation civile. Benoît XVI nous invite à ne pas nous laisser enliser dans les sables mouvants du Néant, mais à être créatifs, actifs, prêts à entreprendre – la tête haute – de nouveaux défis même dans un contexte de « minorité ».
Ce rideau de l’indifférence peut se déchirer au moment où la personne, en s’arrêtant un moment devant la beauté de la création ou devant une œuvre d’art, reconsidère, d’un regard contemplatif et ouvert aux merveilles, son rôle dans le monde, en s’interrogeant sur sa destinée et en regardant vers le Haut.
La reprise, à plusieurs occasions, de la Via Pulchritudinis est un aspect essentiel du magistère de Benoît XVI.