L'annonce de l'Evangile dans des conditions nouvelles

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Assemblée du CCEE, réflexions du card. Vingt-Trois

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Propos recueillis par A. Bourdin

SAINT-GALL, vendredi 28 septembre 2012 (ZENIT.org) – « La Nouvelle évangélisation, c’est la prise de conscience que l’Annonce de l’Evangile se fait dans de nouvelles conditions », explique le cardinal André Vingt Trois, président de la conférence des évêques de France et archevêque de Paris, qui participe à l’assemblée plénière du Conseil des conférences épiscopales d’Europe (CCEE), en Suisse, à Saint-Gall (27-30 septembre).

L’assemblée a réuni aujourd’hui dix cardinaux et 33 évêques de l’Est et de l’Ouest de l’Europe sur le thème : « Défis de notre temps : aspects sociaux et spirituels » (cf. Zenit du 19 septembre 2012).

« La Nouvelle évangélisation, ce n’est pas la découverte d’une nouvelle méthode d’évangélisation mais c’est plutôt la mise en œuvre d’une capacité de perception et d’interprétation des conditions dans lesquelles s’exerce l’évangélisation dans nos différents pays et dans nos différentes traditions », a précisé l’archevêque, au cours d’une rencontre avec la presse à laquelle Zenit a participé.

Eminence, quelles sont vos impressions de cette rencontre de Saint-Gall avec vos confrères réunis en Suisse ?

Card. Vingt-Trois – Cette réunion annuelle des présidents des conférences épiscopales d’Europe est toujours une joie parce c’est une occasion de nous retrouver avec un peu de temps pour parler et échanger et suivre un thème. D’habitude nous nous croisons dans des célébrations ou dans des voyages mais nous avons peu de temps pour parler tandis qu’ici nous avons beaucoup plus d’espace

Le thème de l’assemblée ce sont les défis et les problèmes de l’Europe : quels sont-ils et comment les résoudre ensemble ?

Je ne suis pas sûr que nous ayons la clef pour résoudre les problèmes de l’Europe et je ne sais pas si l’on peut dresser une liste des problèmes de l’Europe. Il me semble qu’il y a des problèmes qui sont évidents, parce qu’ils sont médiatisés et ce sont principalement les problèmes économiques et les retombées de la crise financière. Mais il a des problèmes beaucoup plus profonds et peut être plus déterminants pour l’avenir dont personne ne parle et peut être que l’une de nos premières missions dans ce contexte c’est d’être – sans prétention – une voix prophétique qui pointe des questions dont personne ne se préoccupe…

Par exemple ?

Comme par exemple : que devient l’homme dans l’évolution des mœurs et des législations à travers l’Europe ? Que devient la référence chrétienne pour des millions d’êtres humains à travers l’Europe ? Que devient la prise de conscience de la valeur suprême de la personne humaine ? etc.

On parle de la nouvelle évangélisation au cours de cette assemblée : comment imaginez-vous cette évangélisation dans la situation française ?

Mais je n’ai pas besoin de l’imaginer parce qu’elle est commencée, déjà parce que la nouvelle évangélisation, c’est une réalité permanente de la vie de l’Eglise donc l’initiative du pape de créer un Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation et de fixer le thème de la nouvelle évangélisation pour la session du synode des évêques, c’est une manière d’apporter un soutien et un encouragement, une stimulation à toutes les Eglises qui sont effectivement en situation d’évangélisation renouvelée si on peut dire. La nouvelle évangélisation c’est la prise de conscience que l’annonce de l’Evangile se fait dans de nouvelles conditions, ce n’est pas la découverte d’une nouvelle méthode d’évangélisation mais c’est plutôt la mise en œuvre d’une capacité de perception et d’interprétation des conditions dans lesquelles s’exerce l’évangélisation dans nos différents pays et dans nos différentes traditions.

Eminence, vous êtes évêque de la « capitale du monde » on pourrait dire, du point de vue culturel. En même temps, il y a une perte de la foi en Europe. Paris et la France ne sont pas épargnés : dans ce sens, comment voyez-vous le futur de l’Eglise en France et à Paris ?

Cela fait beaucoup de questions différentes, parce que d’abord, je ne suis pas tout à fait sûr qu’il y ait une perte de la foi. Je suis sûr qu’il y a une dégradation et une disparition d’un certain nombre de manifestations de la foi, c’est-à-dire que nous assistons depuis un peu plus d’un siècle à l’écroulement d’un système d’intégration des pratiques chrétiennes dans une société. Cette société se transforme, les pratiques se transforment, et la cohésion ou le soutien permanent que la société pouvait apporter aux pratiques chrétiennes disparaissent. Et donc, tout ce qu’il y avait de sociologique dans la pratique chrétienne disparaît aussi. Cela ne veut pas dire que la foi régresse, cela veut dire que les pratiques régressent. Quand le pape dit dans son livre d’entretiens que l’on est en train de passer d’un christianisme sociologique à un christianisme de choix, cela veut bien dire quelque chose, cela ne veut pas dire que le christianisme disparait. Cela veut dire que l’on entre dans une phase différente, dans une phase nouvelle où la question des motivations personnelles, de l’expérience personnelle de la liberté dans la démarche de foi, de la capacité de mieux connaître l’objet, le contenu de la foi, donnent une nouvelle figure. Mais cela ne veut pas dire que la foi a disparu. Et je pense que s’il y a un avenir de la foi et des manifestations de la foi dans notre société, c’est dans notre capacité d’entrer en dialogue avec d’autres conceptions de la vie, d’autres manières de vivre, et d’être capables de témoigner de la façon dont notre attachement au Christ construit une capacité d’assumer l’existence humaine.

Est-ce que vous cherchez ici un soutien d’autres évêques d’autres pays pour défendre au niveau européen par exemple le rôle de la famille, le rôle du mariage : y a-t-il une collaboration européenne pour défendre ces valeurs ?

Bien sûr, oui, on a tous besoin du soutien les uns des autres dans ce domaine puisqu’on sait très bien que nous sommes immergés dans un système culturel qui est dominé par des groupes financiers qui soutiennent des systèmes de communication qui répandent une idéologie : on sait bien que l’on ne peut pas faire face à des systèmes pareils simplement chacun de son côté.

Est-ce que l’Année de la foi peut aider la France dans cet effort d’évangélisation, pour retrouver des valeurs communes ?

Bien sûr. Oui, l’Année de la foi c’est une manière que le pape a choisie pour donner un sens à l’anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II et au XXe anniversaire de la publication du catéchisme, donc cela veut dire que c’est une invitation pour les chrétiens, chacun personnellement, et pour les communautés chrétiennes, à reprendre conscience de l’originalité de l’acte de la foi chrétienne, dans sa profession de foi et dans le témoignage de la foi de l’annonce de la foi.

Nouvelle évangélisation et territoire : quel est le rôle des paroisses et des mouvements ?

Cela dépend beaucoup des situations, il n’y a pas de règle universelle. La Nouvelle évangélisation c’est d’abord la capacité des chrétiens d’aller au-devant de ceux qui ne participent plus à la vie de l’Eglise ou qui n’ont plus de relation avec l’Eglise.

Et donc, cela peut se faire géographiquement. Je pense à Paris : cela se fait dans des quartiers de la ville. Et puis cela se fait aussi à travers des mouvements ou des associations parce que ce sont des actions de résea
ux dans une réalité sociale forcément plus large que la géographie.

Quelle sera la place d’une institution comme le Collège des Bernardins dans cette Année de la foi ?

Il remplira son rôle de lieu d’enseignement, de réflexion, d’échange de proposition, de dialogue, avec nos contemporains, avec la société qui nous entoure.

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ZENIT Staff

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